En Islande, existait autrefois dans les campagnes une coutume bien établie : le soir de Noël, on mettait ses meilleurs habits et on se rendait tous ensemble, à pied, à la messe de minuit. Tous, sauf une personne qui restait pour garder la maison, veiller sur le bétail et préparer le bon repas qu’on ferait en rentrant.
Or une malédiction semblait frapper la ferme du vieux Jon, nichée au fond d’un fjord de la côte ouest, loin de tout. Chaque année, depuis six ans, on retrouvait mort celui qui s’était dévoué. Et c’était chaque fois la même désolation : la table brisée, le repas saccagé, les meubles renversés, la cheminée éteinte et le malheureux couché dans la neige devant la porte ouverte, sans vie.
Le brave Jon en était tellement affligé qu’au début du septième hiver, il prit sa décision. Il réunit tous ses employés et leur dit :
- Cette année je garderai moi-même la maison. C’est la mienne après tout.
C’est alors qu’arriva pour travailler dans la ferme une jeune fille du nom de Lineik. Personne ne la connaissait, ni ne savait d’où elle venait. Comme les fêtes approchaient, elle alla trouver le vieux Jon et lui demanda :
- Etes-vous content de moi ?
-Oui. Tout à fait content.
- Eh bien je resterai à une condition : laissez-moi garder la ferme le soir de Noël.
- Si tu la gardes, je la garderai avec toi.
-Non, je veux la garder seule.
-Dans ce cas, laisse-moi réfléchir.
-D’accord.
Deux jours plus tard, Jon alla trouver Lineik et lui dit :
- Je te laisserais garder la ferme seule mais seulement, tu dois savoir que depuis six ans, il y a une sorte de malédiction : toutes les personnes qui ont gardé cette maison le soir de Noël en sont mortes.
-Merci de me prévenir mais cela ne me fera pas démordre de ma décision.
-Très bien c’est ton choix après tout…
Le soir de Noël arriva à grand pas et Lineik dû garder la ferme. Tout le monde partit à la messe. Tout le monde, sauf elle. La jeune fille se surprit à frissonner. En effet, elle n’avait pas fait de feu dans la cheminée pour éviter d’attirer quiconque. Sans autre lumière que les flammes vacillantes des bougies qui projetaient sur les murs de la pièce des ombres menaçantes, l’atmosphère était quelque peu lugubre, sombre et macabre.
Tout à coup, elle entendit un bruit, une sorte de craquement. Elle saisit son fusil. Heureusement qu’elle y avait pensé car si c’était un animal, elle allait pouvoir se défendre, mais si c’était autre chose, alors… Soudain, elle se maudit d’avoir voulu garder la jolie petite ferme. De jour, elle a l’air si mignonne avec son toit rouge enneigé et ses murs blancs…Mais de nuit, que c’est effrayant d’être seule à l’intérieur ! Et dire que Jon avait proposé de la garder avec elle ! Quelle idiote, elle aurait dû accepter ! Mais non, elle n’en avait fait qu’à sa tête. C’était sûrement à cause de son sale caractère. Enfin bon, ce qui est fait est fait comme disait sa mère. Maintenant elle était seule.
Elle s’approcha de la porte ouverte. La chose vit Lineik avec son fusil, prit peur et s’enfuit. Effrayée par le bruit, celle-ci fit un bond d’un mètre en arrière et se cacha derrière la grosse table en chêne. C’est alors qu’elle vit Jon arriver. Rassurée, Lineik sortit de sa cachette, et allait s’excuser quand elle remarqua l’air hystérique et possédé de son patron. Il tenait un poignard à la main, et Lineik n’eut que le temps de se protéger de son bras avant qu’il essaya de la poignarder en plein cœur. La jeune fille hurla de douleur, avant de s’évanouir.
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