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Geneworld.net>Ficciones>Z-shadewolf>Une vie de mensonges.

04 - " J'AI BESOIN DE TOI... " POR Z-SHADEWOLF

* Toc toc toc *

Erine se leva de son lit à baldaquin, alla ouvrir la porte, prit le plateau que lui avait apporté le domestique et referma. Elle revint ensuite vers son lit, posa les victuailles sur la couette grise puis s'y allongea, regardant fixement le téléphone couché devant elle. Cela faisait trois jours qu'elle n'avait pas quitté sa chambre, trois jours qu'elle n'avait pas quitté le combiné des yeux. Quand allait-il se décider à l'appeler !?
Elle attrapa un croissant et commença à en grignoter le coin mais elle le rejeta aussitôt dans le plateau : elle était si anxieuse qu'elle n'arrivait plus à manger. La simple idée de se nourrir lui soulevait le coeur.
L'horloge de la bibliothèque sonna les deux heures de l'après-midi et elle était toujours là, immobile, à attendre. Erine désespérait de recevoir ce coup de fil, désespérait d'entendre la voix chaude de son amant.
Quelque chose frappa contre la vitre de sa porte-fenêtre, la jeune fille tourna la tête. Il était là, les bottes dans la neige, protégeant son visage avec le col du long manteau de cuir noir qu'il portait. Erine se précipita sur la poignée de la porte-fenêtre et l'ouvrit à la volée. Un vent glacial et violent fouetta son corps. Elle se jeta dans les bras de Lubio. Elle se fichait de ce vent agressif qui lui gelait le nez, de cette neige si froide qu'elle lui brûlait les pieds, de ce cuir glacé qui la faisait greloter. Le garçon la souleva et la ramena avec empressement à l'intérieur de sa chambre, puis referma rapidement la porte de verre.

" Tu es folle Erine ! " fit-il d'une voix inquiète, " Il doit faire moins cinq degrés dehors ! "

Sans l'écouter, la jeune fille fondit sur les lèvres gercées du garçon. Ce contact si chaud, si doux, si agréable lui avait tant manqué qu'elle ne pouvait pas attendre d'avantage. Elle couvrit son visage de baisers, il se laissa faire docilement.

" Lubio... " hacha son amoureuse entre chaque baiser, " Pardon... Ne me laisse plus seule... "

" Je suis désolé Erine... J'avais besoin de solitude. "

Il l'attrapa par les épaules et la força à éloigner son visage du sien. Il la regarda droit dans les yeux et elle sentit sa crainte de le voir disparaitre s'envoler.

" Lubio... pardonne-moi. Je ne sais pas ce que j'ai fait, mais pardonne moi. J'ai besoin de toi. "

Le regard du garçon devint triste.

" Tu n'as rien fait Erine... C'est à moi de m'excuser. "

Il lui tourna le dos et promena son regard dans la chambre.

" Tout ce que tu as toujours fait pour moi était parfait. Tu n'as rien à te faire pardonné. Si j'ai dû partir, c'était à cause de moi... de mon coeur trop faible... "

" Qu'est-ce que tu veux dire ? "

Lubio baissa son visage vers elle et sourit, puis il l'embrassa sur le front.

" Rien, ne t'en fait pas. "

Il regarda le lit, vit le plateau de nourriture et demanda d'un ton faussement chevaleresque en s'inclinant vers la jeune fille :

" Puis-je me joindre à vous pour le déjeuner, princesse ? "

Erine soupira : il changeait encore de sujet de conversation. Mais bon, avec le temps et la patience nécessaire, elle arriverait bien à changer ce défaut.
Ils vidèrent le plateau en quelques minutes - la faim avait reprit Erine depuis l'arrivée de Lubio - puis ils s'allongèrent, elle sur son lit, lui à même le sol.

" Tu es sûr de ne pas vouloir me rejoindre ? " demanda la jeune fille moqueuse, la tête penchée au-dessus de celle de son amant, " Je me sens si seule là-haut... "

" Oui. " répondit le garçon en lui caressant la joue droite, " D'ici, j'ai la plus belle vue au monde. "

Le visage d'Erine s'attendrit.

" Moi aussi... "

Le temps passa, la nuit était tombée dehors. Erine et Lubio étaient toujours allongés, se racontant de vieilles histoires, en inventant de nouvelles toutes plus farfelues les unes que les autres. Quelqu'un frappa à la porte, Erine s'étouffa de stupeur.

" Vite, Lubio ! " chuchota-t-elle paniquée en se levant, " Cach... "

Elle regarda autour d'elle : le garçon avait disparu. Seule restait sa paire de bottes, déposée près de la porte-fenêtre, que la jeune fille cacha en tirant les rideaux violets. On frappa de nouveau.

" Qu'y a-t-il ? " demanda Erine, reprenant son calme.

" Mademoiselle Erine, " dit le domestique depuis l'autre côté du panneau de bois, " c'est Monsieur le Marquis votre père qui m'envoie. Il m'a... « demandé » de vous dire qu'il allait organiser un banquet pour votre anniversaire. Il m'a aussi fait le message qu'il avait ouï des maires de la vallée que, dernièrement, vous avez été aperçue avec un « ami » que vous ne quittiez jamais. "

La jeune fille retint son souffle. Le domestique continua :

" Monsieur le Marquis voulait vous faire part de son... consentement à ce que cet « ami » soit présent à cette soirée, à la condition qu'il reste en retrait et que vous vous montriez courtoise et docile envers les hommes de vertus qui viendraient également. "

Ca c'était fort ! Cela faisait cinq ans qu'Erine faisait honneur à son nom, enchainant les courbettes, rencontrant sans cesse Comtes, Ducs et Marquis venant de partout, et son père se permettait encore de mettre en doute sa bienséance. Pire, il l'espionnait et il lui faisait du chantage !

" Et... quand ce banquet doit-il avoir lieu ? " questionna-t-elle en essayant de garder une voix neutre.

" Dans huit jours, Mademoiselle. Le troisième Falubos de ce mois. "

" Bien. " répondit la jeune fille, " Disposez. "

Elle écouta l'homme s'éloigner et compta, par mesure de prudence, une vingtaine de secondes après que le bruit de ses pas se soient éteints, puis elle commença à chercher son amant.

" Lubio ? " appela Erine en fouillant ses penderies, " Lubio, tu es là ? "

Elle fit le tour des fauteuils, palpa les rideaux, alla même voir dans sa salle de bain privée - à laquelle elle accédait par une porte située dans le mur adjacent à sa couche luxueuse - mais rien. Le garçon restait introuvable. Elle se rassit sur son lit, désespérée par ses recherches infructueuses, mais se releva aussitôt dans un sursaut d'effroi : quelque chose venait de lui attraper la cheville. Elle regarda à ses pieds et vit le bras de son amoureux sortir de sous le meuble. Elle l'entendait pouffer de rire.

" C'est pas drôle ! " clama Erine, le coeur battant la chamade, tandis que le garçon surgissait de la soie qui masquait l'espace vide.

Il se leva et lui fit face, affichant un air satisfait, se contentant de sourire et de rire, et peu à peu l'agacement de la jeune fille devint amusement. Elle se mit à rire à son tour, gênée de sa frayeur.


" Lubio ? "

" Mmh ? "

" Tu viendras à la réception ? "

Le garçon se releva lentement, obligeant Erine - qui était couchée en travers de son torse - à se lever aussi. Il la regarda d'un air triste et désolé.

" Ca... " dit-elle d'une voix déçue, " ça veut dire non, c'est ça ? "

Elle baissa les yeux vers le sol. Elle se sentait rejetée. Pourquoi refusait-il de venir, ne serait-ce que pour lui faire plaisir ?
Lubio posa sa main gauche sur la joue de la jeune fille et ramena son regard dans le sien. Lui aussi avait l'air attristé de ne pouvoir être à ses côtés.

" Erine, je suis navré... J'aurai moi aussi aimé qu'on soit ensemble à ce banquet, mais j'ai des choses à faire. Des choses que je dois faire. "

La jeune file réfléchit.

" Mais si je t'aidais à faire ces choses, est-ce que tu pourrais venir ? "

Le garçon posa son front contre le sien.

" Pardon... Ce sont des choses que je dois faire seul. "

" Mais qu'est-ce que c'est ? "

Lubio ne répondit pas.

" Tu ne veux pas me le dire, c'est ça ? "

" Non, pas du tout... " s'excusa-t-il, " C'est juste que je ne peux pas te le dire. "

" Mais pourquoi ? "

Il y eu un instant de silence. Lubio semblait chercher ses mots.

" Je... je ne veux pas te perdre. "

Erine éloigna sa tête du visage du garçon et le regarda au fond de l'oeil.

" Après tout ce temps, crois-tu encore que je suis une petite chose sensible ? Tu connais ma vie et mieux, tu me connais : tu sais bien que je peux supporter n'importe quoi. "

" Je le sais, Erine. Mais moi pas... "

Elle l'interrogea du regard.

" Tu es forte, mais pas moi... pas encore... Il me faut plus de temps pour que mon coeur se bâtisse des défenses et devienne aussi fort que le tien. "

Elle attira doucement sa tête vers elle et l'enlaça.

" Dans ce cas, j'attendrai. Même si je ne sais pas quoi, j'attendrai. Mais dépêche-toi. "

Lubio sourit, la tête posée sur son épaule. Elle était si gentille. Lui n'aurait pas réagi comme ça. Son sourire s'effaça : il n'avait pas le choix, il devait le faire, même si tout son coeur et toute son âme lui criaient de se taire et de ne pas blesser son amie.

" Erine... " hésita-t-il.

" Oui ? "

Il déglutit.

" Si... si je suis venu aujourd'hui... c'était pour te dire au revoir. "

Les doigts d'Erine se crispèrent dans les vêtements du garçon. Elle voulut se séparer de lui pour le regarder en face, mais Lubio la maintint contre lui avec force : Il ne voulait pas qu'elle le voit comme ça, l'iris baigné par les larmes qu'il retenait douloureusement. Il n'aurait pas supporté son regard, elle qui était si douce, alors qu'il était venu avec cette annonce si dure et si cruelle.

" Lubio... " souffla la jeune fille, ramenant son amant à la réalité, " arrête... Tu me fais mal... "

Il relâcha brusquement son étreinte, Erin tomba face contre terre. Le garçon se leva, dégouté de lui-même : était-ce ça sa nature ? Faire souffrir les êtres auxquels il tenait ? Comment avait-il pu se montrer si brutal avec la seule personne qu'il aimait et qui l'aimait ?!
Erine se releva, ayant repris son souffle, et chercha Lubio des yeux : il était déjà dehors, chaussé et enveloppé dans son long manteau de cuir noir teinté d'orange par les dernières lumières du crépuscule.

" Lubio, attends ! "

Elle se précipita vers la porte-fenêtre et fit face au dos du garçon, restant à l'intérieur de la pièce chaude refroidit par l'air glacé du dehors.

" Je suis désolé Erine. " dit-il sans la regarder, " Il faut que j'y aille... Je suis déjà en retard... "

Mais malgré ses paroles, il ne bougeait pas. Tout son corps refusait de s'éloigner de celui de la jeune fille sans l'avoir touché, senti, caressé une ultime fois. Et lorsqu'en un instant il fit volte-face et l'étreignit contre son coeur, il la sentit avec délice tressaillir contre lui, surprise par ce mouvement si rapide. Puis il la souleva de terre et l'embrassa fougueusement encore et encore. Erine se contenta de passer ses bras autour du coup de Lubio, sans un mot, et de le laisser voler ces caresses brutales sur ses lèvres.

" Pardonne-moi Erine... " souffla sa voix suppliante et inconstante à l'oreille de son amie, " J'aurais tant voulu que ce ne soit pas comme ça... J'aurais tant voulu rester avec toi... Mais je ne peux pas. "

" Chut... " murmura-t-elle en passant ses mains sur la tête du garçon, comme le font les mères pour calmer leur enfant, " Ca va, je comprends... Ne t'en fais pas... "

En vérité, elle ne comprenait rien. Mais son amoureux semblait si triste qu'elle voulait plus que tout le rassurer.

" Erine... " reprit-il après un sanglot, " Je te promets que je reviendrai... Je te le jure... "

" Je sais, je sais... Je t'attendrai... "

Il la reposa à terre et enfouit sa main droite au fond de sa poche. Puis il prit la paume de la jeune fille et y déposa un petit objet métallique froid. C'était une petite clé ronde et dentelée en cuivre.

" J'ai besoin de toi, Erine. " annonça-t-il d'une voix redevenue presque calme, " J'ai besoin que tu mentes pour moi... au nom de notre amour... "

" Pourquoi ? "

" Je... Je ne suis pas sensé partir. Il faut qu'on croie que je suis toujours chez moi. Cette clé ouvre ma boite aux lettres. J'ai besoin de ton aide, s'il te plait. "

Erine songea qu'elle n'avait pas le choix : cela devait être vraiment important pour que Lubio panique autant que ça, à n'en plus réussir à organiser sa parole. Elle répondit simplement :

" Que veux-tu que je fasse ? "

Le garçon semblait fou de joie. Son visage exprimait tout son espoir.

" Il faut absolument que tu récupères mon courrier chaque Dotéris. Tu ne dois rien laisser dans la boite. Rien. Si tu trouves une lettre venant de la banque centrale de Valkia, ouvre-la et suis les directives... "

Son ami parlait si vite qu'Erine ne comprenait qu'un mot sur deux, mais elle redoubla d'attention : elle devait tout retenir, tout; elle devait le faire pour lui.

"... mais si tu trouves une enveloppe sans timbre, " continuait-il avec empressement, " ne l'ouvre surtout pas. Cache-la et oublie-la. Tu ne dois pas savoir ce qu'elle contient. "

Il poursuivit ses explications puis, lorsqu'il fut certain qu'elle avait tout compris, il la serra contre lui et l'embrassa longuement.

" Je reviendrai... pour toi. " promit-il, le visage collé contre celui de la jeune fille.

Puis il s'élança vers la corde, descendit rapidement et s'enfuit en courant vers la vallée où s'affrontaient le blanc de la neige et le noir de la nuit.


Le soir du banquet arriva. Erine restait dehors, devant les grandes portes ouvertes de sa demeure, luttant contre le froid mordant de l'hiver dans sa légère robe de bal bleue.
Elle accueillait les invités, Ducs et Duchesses, Marquis, Comtes. Du moins, c'était ce qui paraissait. Car sa présence sur le porche glacé n'était due qu'à une unique chose : elle nourrissait l'espoir de le voir surgir de l'ombre, même si elle savait qu'il était parti. Elle guettait les ténèbres de la nuit, sans cesse, un sentiment de solitude au coeur.
Alors que le dernier invité entrait, le portier vint vers la jeune fille et posa sa main sur son épaule. Mais sa compassion ne rendait pas la peine d'Erine moins douloureuse. Elle scruta une dernière fois l'obscurité puis rentra à son tour et le portier ferma les lourds panneaux de bois.

Derrière les haies de buissons dégarnis, une ombre surveillait l'entrée de la demeure. Elle avait vu le visage de l'hôtesse et elle éprouvait une immense pitié envers elle.
Après s'être assurée que personne ne regardait dans sa direction, l'ombre sortit de sa cachette, s'élança vers l'entrée et, saluant le gardien à travers une petite trappe dans le panneau de gauche, pénétra dans le manoir Ratch.


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Le calendrier dont se servent les protagonistes de cette histoire est détaillé en dix mois, eux-mêmes séparés en trois semaines de dix jours :
Alièss, Bénomios, Cénia, Dotéris, Eléonis,
Falubos, Guanin, Hédomos, Iratéma, Jodanosis

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