Le reste de la nuit s’était déroulé sans incident notoire mis à part le fait que la fièvre de Sheena n’était toujours pas tombée. Au contraire, elle semblait avoir augmentée et la jeune femme avait même commencé à délirer. Régulièrement, Zélos la forçait à boire, non sans mal, un peu d’eau pour éviter qu’elle ne se déshydrate trop. Au petit matin, il fallut changer une nouvelle fois ses draps, les autres étaient trempés. Il fallait faire quelque chose. Ils ne pouvaient pas rester dans cette situation.
Laissant Sheena à la garde de la patronne de l’auberge, Zélos et Préséa partirent chacun de leur coté à la recherche d’un remède de remplacement ou d’un apothicaire qui voudrait bien leur venir en aide. L’Elu n’était guère tranquille de devoir laisser la jeune invocatrice exposée de la sorte à la jalousie de sa favorite.
Mais avait-il vraiment le choix ?
Il était bien conscient qu’il venait de se révéler lorsqu’il avait planté Diane dans couloir la nuit dernière. Il s’était laisser allé en montrant ainsi son inquiétude envers Sheena et allait devoir rattraper le coup avec Diane.
Cependant un mauvais pressentiment nouait ses entrailles. « Espérons que Diane ne ferra rien de stupide. Les femmes sont décidemment si imprévisibles… » pensa-t-il.
Ils s’activèrent toute la matinée durant, en vain. A croire qu’il n’y avait plus un seul médicament dans toute cette foutue ville ! Ils se retrouvèrent au point de rendez-vous qu’ils s’étaient fixé avant de partir, bredouilles et accablés.
-Allez, viens Zélos, dit doucement Préséa, rentrons. C’est inutile de continuer.
Mais Zélos ne semblait pas vouloir bouger. Le regard vide, il restait planté là, à attendre. Quoi ? Mystère. Mais il attendait.
-Zélos ! répéta la jeune fille un peu plus fort cette fois en le poussant un peu. Nous allons finir par tomber sur une patrouille si nous restons là…
Celui-ci releva enfin le visage vers elle et acquiesça d’un hochement de tête, sans toutefois prononcer le moindre mot.
Ils restèrent silencieux jusqu’à l’auberge.
Un silence lourd, pesant.
Au moment où ils allaient tourner au coin de la rue, un chien noir, petit mais à l’air féroce, leur barra la route. La ruelle était étroite et il leur était difficile de contourner le chien sans être à la portée de ses crocs luisants. Ils avancèrent pourtant d’un pas et la bête émit un grognement sourd.
-Bon, on va pas rester là toute la journée… alors tu vas gentiment dégager le passage, fit Zélos en s’adressant au chien qui se mit à gronder plus fort.
Zélos s’avança alors vers l’animal. Il avait une furieuse envie de frapper quelqu’un, et ce, depuis le matin. Petite cocotte minute, prête à exploser, il avait besoin d’évacuer l’anxiété qu’il avait accumulé depuis la vieille et ce sale cabot ferait bien l’affaire, pensa-t-il. Il se trouvait au mauvais endroit, au mauvais moment, tout simplement.
-Faisons demi-tour Zélos.
-Pas question de faire demi-tour à cause d’un bâtard enragé…
Le « bâtard » en question retroussa ses babines et montra d’avantage les crocs.
-Zélos, ce n’est qu’un chien voyons…fit Préséa en essayant de le raisonner.
-Raison de plus, on ne va pas se laisser impressionner. Ce n’est certainement pas lui qui fait la loi…je vais lui montrer moi, qui est le maître ici… dit Zélos en s’approchant d’avantage, une lueur un peu folle dans le regard.
Préséa fronça les sourcils. Visiblement l’Elu supportait mal la pression et était en train de péter les plombs. Aux grands maux, les grands remèdes !
-Zélos ? appela-t-elle en faisant craquer ses doigts.
Le jeune homme tourna la tête juste à temps pour voir le poing ganté de Préséa s’abattre sur son nez.
-Non mais, ça va pas ! Tu as perdu la tête ma parole ! s’exclama-t-il en massant l’arête de son nez ensanglanté.
-Je t’ai juste remis les idées en place avant que ça ne soit toi qui la perdes, la tête, fit remarquer Préséa à juste titre.
Zélos étouffa un grognement. Certes elle avait raison, mais était-elle vraiment obligée de taper aussi fort ?
-Te ménager aurait été une offense à…répliqua Préséa à sa demande muette avant de fixer avec insistance le coin de la rue d’où on pouvait apercevoir leur auberge.
-Zélos, viens voir… souffla-t-elle en gardant les yeux rivés dans cette direction, un léger tremblement dans la voix.
-Quoi encore, grogna-t-il en s’approchant, le nez pincé entre ses doigts.
Interdits, tout deux contemplaient à présent la petite place située devant l’hôtel. Une bonne quinzaine de chevaliers pontificaux, revêtus de leurs armures luisantes stationnaient devant la bâtisse, main sur leur lance. Ils étaient là pour une chose bien précise : fouiller cette maison de fond en comble. Les occupants étaient expulsés sans ménagement à l’extérieur et les bruits caractéristiques des meubles retournés ainsi que les cris de protestation des clients parvenaient aux oreilles de Préséa et Zélos, à l’abri des regards pour le moment.
Le chien noir se frottait maintenant contre leurs jambes en poussant des petits couinements plaintifs et pris l’apparence d’un oiseau de couleur noire.
-Ca alors ! s’exclama Zélos. C’est la bestiole de hier ! Je croyais qu’elle était partie avec Génis...
C’est pour cela que tu nous as barré la route tout à l’heure… tu voulais nous avertir. Et moi qui voulais te frapper…Excuse moi, je suis vraiment désolé dit-il en approcha sa main de la tête de l’animal pour le caresser.
Furieuse, la créature donna un violent coup de bec sur la main de l’Elu et s’envola pour se poser sur la tête de Préséa avec un petit air offusqué.
-Maiiiis eeeeuh, qu’est ce que vous avez tous à vouloir me frapper aujourd’hui, se lamenta le jeune homme. Décidemment c’est vraiment pas mon jour…
-Arrêtez !!!s’exclama la patronne de l’hôtel. Vous êtes en train de ruiner mon commerce !!!
Elle fut repoussée avec force par le chef de la troupe de gardes.
-Vous cachez dans vos murs des traîtres à l’Eglise de Martel ! Je vous conseille donc de ne pas vous en mêler, aubergiste ! N’aggravez pas votre cas.
Puis se retournant vers la porte ouverte :
-Alors vous trouvez quelque chose? héla-t-il à l’intérieur de la pièce.
L’hôtelière était livide. A coup sur ils allaient découvrir l’invocatrice à l’étage…Comment diable avaient-ils su ? Sa situation était délicate et nier ne servirait à rien. Ces hommes là n’étaient pas du genre à discuter…Qu’allait-elle devenir, elle et les siens ?
-Non chef…Ah si !...Regardez ce qu’on vous ramène héhéhé… Allez vous autres, descendez moi ce joli petit lot ! entendit-elle.
Son sang se figea dans ses veines lorsqu’elle les vit redescendre, encadrant sa jeune protégée. La traînant serait le terme le plus exact. Le commandant s’approcha de leur prise.
-Voyons voir ce que nous avons là… tiens, tiens, Sheena Fujibayashi de Mizuho.
Un murmure parcourut la foule de curieux qui s’étaient amassés devant l’auberge.
-La dernière fois, tu avais meilleure mine, reprit-il.
Sheena releva lentement la tête vers lui.
-On fait ce qu’on peut, Amelkhar…toi aussi tu avais meilleure mine la dernière fois… fit-elle avec un petit sourire moqueur.
Le visage du commandant se crispa sous l’effet de la colère. La gifle partie toute seule. Si elle n’avait été tenue par les deux soldats, la jeune femme se serrait effondrée sous le choc. Elle s’affaissa cependant entre eux deux, le souffle momentanément coupé par la violence du coup, et Amlekhar l’attrapa par son vêtement en la tirant à lui.
-Tais-toi, chienne ! vociféra-t-il en postillonnant. La dernière fois tu m’as ridiculisé et tu as pu t’en sortir parce que tu étais couverte par un mandat du roi. Aujourd’hui c’est différent. Ta capture est mise à prix et je m’étonne que, vu la somme rondelette de la récompense, personne ne t’ait dénoncée jusqu’à aujourd’hui.
« Ainsi c’était donc ça, pensa-t-elle, quelqu’un nous a trahi …». Elle accrocha dans la foule, le regard triomphant de Diane et su tout de suite qui les avait vendu. Heureusement que ni Zélos, ni Préséa ne se trouvaient à l’auberge en ce moment. Elle avait confiance et savait qu’ils viendraient la délivrer. Quoique…
Soudain, elle se sentit partir vers l’avant. Le commandant venait de l’arracher à l’emprise de ses hommes et l’agrippant par ses cheveux, la présenta du pas de la porte, à la tenancière tremblante de peur.
-Alors comme ça tu ne cachais personne hein ? Et ça qu’est ce que c’est ? fit-il d’un air goguenard en lui mettant Sheena sous le nez.
-Je … je… balbutia-t-elle.
Il haussa un sourcil surpris et lâcha Sheena qui roula à terre tel un pantin désarticulé. Ses jambes ne la portaient plus.
-Allez, emportez moi tout ce beau monde…fit-il en claquant des doigts.
Ses gardes se mirent en mouvement, entraînant de force l’aubergiste et sa famille vers le chariot qui les conduirait à leurs geôles. Amelkhar cracha par terre à coté du visage de Sheena en signe de dégoût.
-Depuis le temps que je cherche à attraper un membre de ta communauté de fauteurs de troubles…et en plus je tombe sur toi…ironie du sort hein ?fit en s’accroupissant à coté d’elle. Maintenant tu vas me dire bien gentiment où se trouvent tes petits copains n’est-ce pas ?
La respiration sifflante, l’invocatrice lui jeta un regard chargé de mépris et ne prononça pas un mot.
-A la bonne heure !s’écria Amelkhar avec un étrange sourire. Toujours aussi farouche à ce que je vois…Ne t’inquiète pas, nous trouverons le moyen de te délier la langue. Et puis, j’avoue que si tu avais craché le morceau tout de suite, tu m’aurais un peu déçu… .Tu veux que je te dise une chose ?
Sans attendre sa réponse, il approcha son visage du sien et lui susurra à l’oreille :
-J’en ai maté des plus coriaces que toi, tu sais…
Les yeux de Sheena s’agrandirent d’horreur. Non, elle n’avait pas prévu cette éventualité…Elle pria ardemment pour que ses deux compagnons d’armes viennent à son secours avant d’être obligée d’en passer par là, elle était trop affaiblie pour pouvoir résister bien longtemps.
-C’est bon, commanda Amelkhar à ses hommes en se délectant du regard d’animal pris au piège qu’il pouvait lire dans les yeux de sa prisonnière, vous pouvez l’embarquer.
Des bras solides emportèrent Sheena alors qu’elle sombrait à nouveau dans l’inconscience et la jetèrent dans le chariot avec les autres.
-Le spectacle est fini mesdames et messieurs, vous pouvez rentrer chez vous. Circulez, y a rien à voir ! Allons, circulez ! dit l’un des gardes, fendant le foule afin de créer un passage à ses camarades.
La petite troupe s’ébranla dans un grincement atroce de roues mal graissées, le chariot cahotant à chaque ornière de la rue pavée et s’éloigna au milieu d’une rumeur désapprobatrice.
Atterrés, Zélos et Préséa avaient assisté à toute la scène depuis leur cachette, en observateurs passifs tout d’abord. Puis, lorsque le commandant du groupe de soldats (c’était ce qu’ils avaient supposé, vu la mise de l’homme) était apparu sur le seuil de la porte en exhibant leur amie comme s’il s’agissait d’un trophée de chasse, leur sang n’avait fait qu’un tour.
Comment une telle chose avait pu se produire ? Ces chevaliers pontificaux savait exactement ce qu’ils allaient trouver en venant ici, le doute n’était plus permis… . Mais dans ce cas, qui donc les avait renseigné ?
Zélos avait alors repensé au malaise qu’il avait éprouvé en quittant le chevet de la jeune invocatrice le matin même et au mauvais pressentiment qui l’avait accompagné. Intérieurement il bouillait de rage et ses doigts se crispèrent sur la garde de sa dague. Préséa avait elle aussi posé sa main sur le manche de sa hache, prête à intervenir.
Tendus à l’extrême, ils sursautèrent lorsqu’une voix calme et posée s’éleva dans leur dos, les faisant se retourner de concert.
-Allons, à votre place, je ne ferais pas quelque chose d’aussi stupide…Ils sont plus d’une dizaine et vous n’êtes que deux…
-Qui est là ? s’exclama Zélos.
L’inconnu s’avança et sortit de la pénombre qui le masquait. Des cheveux brun-rouge en bataille, un regard perçant, une tenue bleu clair assez complexe, portant la marque du Cruxis…
-Mmmh…Kratos, si je ne m’abuse ? C’est bien ça ? fit l’Elu en toisant le nouvel arrivant.
L’intéressé se contenta juste de hocher la tête. Préséa esquissa un petit salut dans sa direction. Ils s’étaient déjà croisé auparavant, ici même, à Meltokio, et cette rencontre fortuite avaient laissés en eux un étrange sentiment de malaise. Difficile de dire qu’elles étaient les intentions du mercenaire…toujours est-il que Préséa et Zélos ne décelèrent aucune trace d’animosité en lui.
-Et que viens-tu faire par ici ? Pas une petite promenade de santé j’imagine…, ironisa Zélos.
Kratos lui lança un regard perplexe. L’ironie n’était pas vraiment son fort.
-Ecoutons ce qu’il a à nous dire, Zélos, tu veux bien ? dit Préséa.
-Je suis ici pour vous proposer un petit coup de main…
-Et qui te dit que nous avons besoin de ton aide, mercenaire ? l’interrompit Zélos.
-Vous avez un sérieux petit souci il me semble. Un des vôtres s’est laissé bêtement capturé par la milice du Pontife. Ce qui n’est guère brillant, en somme.
-Elle était blessé et affaiblie !!! s’exclama l’Elu avec véhémence.
Ce Kratos commençait sérieusement à lui taper sur le système avec ses airs de « monsieur-je sais-tout-et-je-fais-mieux-que-tout-le-monde ».
-C’est bien ce que je viens de dire. On ne laisse pas un blessé derrière soit, qui plus est lorsqu’il détient des informations importantes. Je pensais que vous sauriez y penser. Je pense que je vous ai quelque peu surestimé…Quel manque de jugement…, dit Kratos d’un air navré en secouant la tête.
Préséa retint Zélos qui faillit sauter sur Kratos afin de lui faire ravaler ses paroles. « Zélos est décidemment bien trop impulsif en ce moment », songea la jeune fille en lui assénant un coup de coude dans le ventre, histoire de le calmer un peu.
-Je vous propose donc mon aide pour récupérer votre compagnon prisonnier, ajouta Kratos, faisant comme si il n’avait rien vu.
-Et pourquoi ferais-tu ça pour nous ? Nous évoluons dans des camps opposés, alors qu’as-tu à y gagner ? lui demanda Préséa pendant que Zélos, plié en deux, essayait de retrouver son souffle.
-Disons que j’ai mes raisons et qu’elles ne vous regardent pas, tout simplement, dit le mercenaire d’un air tranquille.
Préséa et Kratos se jaugèrent du regard durant de longues minutes.
-Très bien, nous acceptons ta proposition, dit-elle en tendant la main vers Kratos, après avoir bien pesé le pour et le contre.
Le fait que la créature se soit posée sur l’épaule du mercenaire n’avait pas été étranger à sa décision. Sans qu’elle puisse vraiment expliquer pourquoi, elle avait l’impression que cet animal pouvait percevoir les intentions cachées des gens et elle décida de se fier à son jugement.
Kratos serra la main de la jeune fille, scellant ainsi leur accord.
-Et à moi, on ne me demande pas mon avis ? râla Zélos.
Le mercenaire et la combattante à la hache, passèrent devant lui sans lui accorder la moindre attention.
-Hè ! HE ! Attendez-moi quand même !!! fit Zélos en s’élançant derrière eux.
Le sol était humide et glacé. Sheena ouvrit les yeux à cette sensation désagréable. Elle avait froid, très froid. Transie, elle avait l’impression que tout son corps, jusqu’à ses os même, étaient de glace. Elle tenta de se relever mais malgré tout ses efforts de volonté, elle n’y parvint pas. C’est à peine si elle pouvait bouger la tête sans que cela déclenche en elle, une sensation de vertige alors qu’elle était à terre. Elle ferma les yeux pour essayer de chasser ce malaise et essaya une fois encore de bouger. Nouvel échec.
Cette fois, elle était vraiment en mauvaise situation. D’autant que les marbrures bleues sur son corps, témoins de son affrontement avec Kuchinawa, avait pris d’avantage d’ampleur. Elles couvraient à présent tout son torse, excepté une zone de la taille d’un poing à l’emplacement de son cœur. Bientôt le poison atteindrait cette partie encore non contaminée. Ce n’était qu’une question de temps, elle le savait. Déjà elle sentait ses fonctions vitales diminuer sans qu’elle puisse rien y faire… Allait-elle finir ainsi, dans ce trou sordide alors qu’elle avait promis à Colette de la sauver coûte que coûte ? Finalement, l’Elu avait raison en lui prédisant qu’elle finirai sur la paille d’un cachot humide et cela ne l’enchantait guère. En cet instant c’était plutôt elle qui avait besoin d’être sauvée.
Deux gardes furent envoyés pour l’emmener à son interrogatoire. Précaution inutile car elle aurait bien du mal à s’enfuir… Voyant qu’elle ne se lèverait pas d’elle-même (et après quelques coups de pieds pour l’y obliger, sans grand succès), ils la traînèrent hors de sa cellule, sous les regards horrifiés de l’aubergiste et sa famille qui occupaient le cachot voisin et la conduisirent à l’étage inférieur. Bientôt, ses cris de douleur envahirent les couloirs de la prison, terrifiant la pauvre femme, son mari et leurs deux enfants. Voilà donc le sort qu’on allait leur réserver…Tous les quatre se jetèrent des regards apeurés et se resserrèrent les uns contre les autres pour se communiquer un peu de courage, priant la Déesse Martel de leur venir en aide.
Un peu plus tard, lorsque les hurlements se firent plus faibles, puis s’éteignirent, un cliquetis d’armure se fit entendre au bout du couloir. Un paquet de chair inerte fut jeté dans la cellule vide à coté de la leur et l’aubergiste étouffa un cri de stupeur en reconnaissant la jeune invocatrice, le visage tuméfié et le corps couvert de coups. Un instant, tous crurent qu’elle avait passé, mais un faible gémissement leur assura pourtant le contraire. Elle était toujours en vie…mais dans quel état ! Si seulement un miracle pouvait se produire…
«Oh déesse Martel, grande et miséricordieuse, entends notre appel et viens à notre aide.
Nous t’en conjurons, protèges-nous ! Protèges tes enfants !
Oh déesse Martel, accordes nous ton pardon.»
-Cliiiiingggg !
-Zélos ! Fais attention voyons ! chuchota Préséa sur un ton de reproche. Tu vas nous faire repérer.
-Oui bon, voilà…je l’ai pas fait exprès, répondit-il à voix basse lui aussi et en ramassant la lance en fer qu’il venait malencontreusement de faire tomber.
Kratos poussa un soupir exaspéré.
-Quoi !!! Qu’est ce que tu as toi ? lui dit l’Elu d’un ton hargneux et en le fusillant du regard. Je me passerais de tout commentaire venant de toi, merci!
Nouveau soupir, las, cette fois ci, du mercenaire.
Préséa haussa les épaules, excédée. Ils commençaient sérieusement à l’énerver à se chercher des noises depuis tout à l’heure. Zélos se sentait-il « agressé » par la présence de Kratos sur son propre territoire, pour réagir ainsi ? L’avait-il perçu comme un rival ? Et un rival en quoi au juste … ? Les hommes étaient décidemment bien bêtes parfois. N’y avait-il pas plus urgent pourtant ?
Ils n’avaient pas rencontré grand monde dans les couloirs souterrains de la prison et avaient pu progresser jusqu'à présent sans grande difficulté. Kratos avait l’air de bien connaître les lieux : il s’y repérait sans encombre, n’hésitant jamais sur le chemin à suivre. Zélos trouvait ça un peu louche d’ailleurs…Comment pouvait-il savoir qu’il y avait un passage ou une porte dérobée à tel ou tel endroit ? Lui-même en ignorait jusque là l’existence et pourtant il connaissait la plupart des entrées secrètes de la capitale. Il lui fallait bien reconnaître, à contre cœur, que son aide leur était bien utile. Ils n’auraient pas pu arriver là aussi facilement sans lui.
Zélos sentit son estomac se nouer en pensant à « elle ». Dans quel état allaient-ils la retrouver ?
Perdu dans ses sombres prédictions, il ne fit pas attention que les deux autres s’étaient arrêtés à un croisement et percuta Kratos. Celui-ci lui se retourna prestement et lui lança un regard noir. Regard auquel l’Elu eu tôt fait de répondre. La tension entre les deux hommes était palpable. Un peu trop palpable au goût de Préséa qui jugea bon d’intervenir en s’interposant entre eux.
-Es-tu sûr que c’est dans cette partie de la prison ? demanda-t-elle à Kratos.
-Oui.
-Bien…, fit-elle en les laissant tout deux plantés là.
Au diable leurs ridicules querelles masculines pour savoir qui dominait qui… . Elle s’avança avec prudence dans le couloir que Kratos lui avait indiqué un instant plus tôt. Elle longea les cellules, scrutant l’obscurité régnante, à la recherche de leur amie. Soudain elle stoppa net, un instant indécise, puis fit prestement demi-tour.
-Je l’ai trouvée, fit-elle d’une voix éteinte. Venez…
Kratos et Zélos qui jusque là s’affrontaient toujours du regard, s’engagèrent à sa suite.
Ils virent Préséa s’arrêter devant une cellule, jetant un regard anxieux à l’intérieur.
Zélos s’avança à son tour et il la vit… Corps inerte et meurtri au milieu du cachot, bleuit par les coups…Torturée, sans aucun doute.
Il serra avec force les barreaux qui le séparaient de l’invocatrice, les yeux toujours rivés sur elle, guettant le moindre soulèvement de sa cage thoracique attestant que la vie l’habitait encore. Ce geste ne suffît pas cependant à la libérer de sa prison.
-Tenez bien l’encadrure vous deux. Vite, le temps presse ! fit Préséa en s’adressant à ses deux compagnons. Zélos, perplexe, s’exécuta de même que Kratos, toujours aussi imperturbable.
La jeune fille fit jouer avec dextérité sa hache et avec une précision incroyable pour une arme aussi imposante, trancha nette la serrure ainsi que les gonds. L’armature métallique de la cellule trembla sous le coup et les deux hommes la posèrent lentement à terre. Préséa s’avança à l’intérieur. La créature qui était restée cachée sous sa tunique s’élança au devant d’elle sous la forme d’un petit rongeur noir, et se mit à renifler le corps immobile de Sheena. Kratos pénétra dans le cachot à son tour.
Seul Zélos resta en retrait, au niveau de la porte démontée, comme tétanisé. Faire un seul pas à l’intérieur, s’était admettre l’éventualité qu’il ne l’entendrait plus jamais lui dire combien il était stupide et qu’il l’exaspérait. Il ne la verrait peut être plus jamais sourire, de ce sourire si tendre qui ne l’avait pas laissé indifférent. La mélancolie de son regard et ses silences…il n’en saurait jamais la raison. Elle ne serait plus là, à leurs cotés, tout simplement…et le vide de sa présence avait quelque chose d’inacceptable.
Il y avait tant de choses qu’il aurait voulu lui dire. Il s’en rendait compte à présent qu’il allait peut être la perdre pour toujours. Il n’avait pas trouvé l’occasion de s’excuser pour ses paroles blessantes et méchantes à propos de son village natal. Comme il avait regretté par la suite de s’être montré si dur avec elle… sur l’instant, il n’avait pas prévu de lui faire mal de la sorte, mais la détresse et le malaise qu’il avait pu entr’apercevoir à ce moment là, l’avait beaucoup fait culpabiliser.
Au plus profond de lui, tout son être se révoltait à l’idée de ne plus jamais la revoir.
-C’est bon, son cœur bat encore…très faiblement, mais il bat… annonça Préséa qui avait posé la tête de la jeune femme sur ses genoux.
A ses paroles, Zélos sentit un poids s’enlever de ses épaules.
Sheena bougea imperceptiblement la tête et ouvrit lentement les yeux en entendant au dessus d’elle des voix familières. La vue trouble, elle distingua l’Elu et surtout sa chevelure flamboyante, qui se tenait face à elle, un peu plus loin, dans l’encadrement de la cellule.
-…os…Zé…los … appela-t-elle dans un faible murmure.
Si faible que Kratos, en voyant qu’elle remuait les lèvres, se pencha au dessus d’elle pour tenter de saisir ses paroles.
-Que dit-elle ? demanda Préséa au mercenaire.
-Elle l’appelle lui, répondit-il en désignant Zélos du menton, toujours aussi immobile qu’une statue de pierre.
Puis s’adressant à lui directement, Kratos ajouta un peu plus fort:
-Elle te réclame, Elu.
Zélos sortit de la torpeur dans laquelle il semblait plongé et vint s’accroupir aux cotés de la jeune femme à terre. Il la contempla un instant sans rien dire, le visage fermé, mais soulagé intérieurement qu’elle soit toujours en vie.
De nouveau, Sheena essaya de lui parler et l’Elu approcha son oreille de ses lèvres.
-D…dé…so…lée…Co…Colette…danger… en …d… danger… p…p…pardon, murmura-t-elle visiblement après beaucoup d’efforts, la respiration saccadée.
Zélos lui caressa délicatement la joue en guise d’apaisement. Ainsi donc ils avaient découvert où se situait Colette. Voyant l’état de Sheena, cela n’était guère étonnant en fait. Il fallait avertir les autres… mais comment ? Ses yeux alors se posèrent sur la créature. Pourquoi ne pas l’utiliser ? Cela avait bien fonctionné dans un sens alors pourquoi pas dans l’autre ?... Mais comment lui faire comprendre ce que l’on voudrait ?
Kratos soupira. Pourquoi avait-il fallu qu’elle parle ?! Comme si la situation n’était pas déjà suffisamment compliquée…
-Que leur as-tu dis exactement ? Il faut que je sache ! demanda Kratos en retournant un peu trop brusquement le visage de l’invocatrice vers lui. Réponds !
Sheena poussa une longue plainte douloureuse. Chaque parcelle de son être était en mille morceaux et la faisait atrocement souffrir.
-Arrêtes ça ! Tout de suite ! aboya l’Elu, la voix glacée. Tu vas la laisser tranquille maintenant. C’est vrai, elle a révélé des informations à l’ennemi mais au moins elle est vivante. Et tu n’as rien à redire là-dessus, c’est clair ? Alors soit tu te rends utile en la soignant, soit tu la fermes et tu ne la touches plus !
Des bruits de pas précipités et des cliquetis d’armures se firent entendre à l’autre bout du couloir, interrompant Zélos. Leur présence dans la prison avait fini par être découverte en fin de compte…
-Vite Préséa, aides-moi à la mettre sur mon dos ! reprit Zélos. Il ne faut pas moisir ici !
La jeune fille s’exécuta et entreprit de soulever le haut du corps de Sheena vers l’Elu qui s’était mis de dos. Zélos lui attrapa les bras et, les tirant vers lui, se releva, soulevant par la même occasion la jeune femme. Celle-ci poussa un cri déchirant. Elle n’était pas une poupée de chiffon que l’on pouvait manipuler à sa guise. Ne pouvait-on pas la laisser en paix ? Elle se sentait tellement fatiguée…
-Ne nous laissez pas ici, supplia l’aubergiste alors qu’ils franchissaient le seuil de la cellule. Je vous en prie !!!
Kratos se retourna vers elle et fit un signe de tête à Préséa. Celle-ci s’avança et, comme précédemment, ouvrit la porte du cachot à l’aide de sa hache, mais sans essayer d’atténuer le bruit cette fois. De toute façon, ils étaient repérés, alors à quoi bon prendre des gants.
Kratos prit la tête des fuyards, les gardes sur leurs talons. Il s’agissait de sortir de cet endroit maintenant… . Ils se retrouvèrent soudain devant un cul-de-sac. Zélos commençait à maugréer contre Kratos et s’apprêtait à faire demi-tour, au moment où celui-ci abaissa la torche encastrée dans le mur de pierre face à lui, faisant apparaître un nouveau passage dans lequel ils s’engouffrèrent tous sans hésiter.
Lorsque le panneau se fut refermé, ils prirent quelques secondes pour souffler. Ils l’avaient échappé belle cette fois. Cependant, Sheena faiblissait de minutes en minutes et Zélos avait beaucoup de mal à sentir les battements de son cœur de même que son faible souffle dans son cou. Il resserra sa prise autour de son fardeau et le petit groupe de fugitifs se remit en marche. Ils pouvaient percevoir, de l’autre coté du mur qu’ils venaient de franchir, les cris des soldats qui se démenaient pour forcer le passage.
-Ne vous inquiétez pas, les rassura Kratos. Cela devrait les retenir un moment. Mais il est inutile de traîner quand même. Suivez-moi et ne me perdez pas de vue…
Ils cheminaient à présent le long d’un étroit couloir. Le mercenaire avait enflammé une torche qui se trouvait à proximité, comme si ce passage était régulièrement emprunté.
-Dis moi Kratos, finit par demander l’Elu, comment se fait-il que tu sois si bien renseigné sur les moyens discrets de pénétrer dans cette prison ?
Celui-ci ne daigna même pas lui répondre.
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Zélos n’a pas de chance :
Z : Arhg ! Un chien nous barre la route ! Je vais le taper !!!
« PAA-HHH ! » (Premier coup de latte de Préséa)
Z : Merde c’était la bestiole louche en fait…pardon de t’avoir voulu te taper petite bebête ^^
« PIC » (Coup de bec de la bebête en question)
Z : Raaaahhh, Kratos n’énerve ! Je vais le frapper !!!
Re « PAA-HH ! » (Deuxième coup de latte de Préséa)
Z : Grrrrr, ça me soule ! Je…
Re-re « PAA-HH ! » (Troisième coup de latte de Préséa)
Z : Hé ! Mais j’ai rien dis là… !!! >< ‘‘
P : ‘scuse, c’était un réflexe ^_^’
N: Pauvre Zélos... Il va se faire démollir avant la fin, vous ne croyez pas?
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