Liberté
Irlande, 1283,
Le soleil baignait la cour du château d'Armagh. Les fermiers, colons et soldats y étaient réunis à la demande du Duc de Steptown. On allait exécuter un traître rebelle à la couronne d'Angleterre. L'échafaud était dressé au centre de la place, à la vue de tous, une haie de soldat en arme empêchait la foule d'approcher du supplicié. La garde avait été largement augmentée en vue de cette exécution car Kendrick O'Dallis était le dernier meneur de la grande Rébellion.
Un chariot apparut à la porte du donjon principale, tiré par deux chevaux de bât, mené par la bride par un homme en arme. Les bêtes se laissaient mener docilement, étrangère à l'atmosphère pesante qui régnait dans le cour. Debout dans la charrette, le condamné restait bien droit malgré sa fin toute proche.
Kendrick O'Dallis était un noble irlandais, il avait de long cheveux blonds maintenus en queue de cheval dans le dos. Les anglais lui avaient enlevé tous ses nobles vêtements pour ne lui laisser que des haillons sur le corps. La captivité n'avait pas diminué sa carrure d'athlètes, ni la fierté qui brillait dans ses yeux bleus azurés.
Sachant sa dernière heure arrivée, le condamné leva les yeux au ciel de son cher pays et repensa aux quelques années qui étaient passées, qui représentaient toute une vie. Il se revit la première fois qu'il avait pris les armes contre l'ennemi, contre l'envahisseur anglais. Une famille était agressée par trois soudards à la solde de cette vermine anglaise, il passait par là et voulu intervenir. Les soldats l'attaquèrent, il les tua avec facilité sans savoir au cet acte allait l'entraîner.
Kendrick du s'enfuir et se cacher, il découvrit ainsi la félonie de ses sangsues. Les nobles et les colons anglais volaient les terre des paysans irlandais et les traiter en esclave. Même les nobles et les rois courbaient l'échine devant Ces assassins.
Sa croisade pour la liberté venait de commencer.
Il alla dans les villes et les villages pour porter la haine de l'envahisseur, pour allumer la flamme de l'indépendance dans le coeur des irlandais bafoué. Parfois il rencontrait des esprits retords, déjà corrompus par l'anglais, mais plus souvent, il voyait un espoir naissant dans les yeux de ses interlocuteurs, faible mais brillant de vérité.
Après plusieurs mois de voyage et de déplacements incessant, Kendrick finit par obtenir une armée d'hommes solides, prêts à se battre pour leur liberté. Les escarmouches qu'ils avaient perpétuées, lui et ses soldats, avaient ajouté à sa popularité déjà grandissante. D'autres paysans et nobles le rejoignirent dans sa lutte, plus nombreux et plus déterminés que jamais.
Les pensées de Kendrick vagabondèrent à sa première bataille, Lessing, plus d'un millier de braves étaient avec lui face à un ennemi équipé et prêt au combat. La lutte fut féroce, nombreux furent les soldats irlandais qui tombèrent sous les coups des anglais, mais le peuple d'Irlande se battait pour sa liberté. La bataille fut une grande victoire pour Kendrick, l'anglais humilié, le peuple victorieux.
Mais peu après, l'envahisseur débarqua avec une puissante armée. Leur marche faisait trembler, le bruit des armes faisait frémir les arbres. Kendrick se présenta de nouveau devant les anglais avec ses hommes.
Debout dans sa charrette le noble serra les poings de rage, car c'est à ce moment là que Tristan Mc Tatht et Loric Ictale choisirent pour déserter le champ de bataille avec leurs soldats. C'était les principaux nobles irlandais. Se trouvant en infériorité numérique, courageusement Kendrick et ses hommes se lancèrent à l'assaut de la puissante armée.
Le sort fut contre lui, trop nombreux les anglais firent un véritable massacre dans les rangs de ses compagnons d'armes. Au plus fort de la bataille, ses soldats lui demandèrent de s'enfuir pour pouvoir reconstruire une nouvelle armée, mais Kendrick refusa de les abandonner. Ainsi les anglais purent le capture, mettant fin au combat.
Les anglais l'enchaînèrent dans un cachot de la citadelle d'Armagh et le laissèrent là, croupir dans le boue et dans l'eau infestée de vermines, avec à peine de quoi survivre.
L'arrêt brusque de la charrette le ramena au présent, il venait d'arriver au pied de l'échafaud. Un garde le fit descendre du chariot et le poussa dans le dos pour le faire avancer. Kendrick le foudroya du regard et se redressa fièrement dans la mort. Il avait décidé de montrer à ces anglais comment un noble irlandais savait affronter sa fin toute proche.
Un silence pesant assommait les anglais et le condamné, quand soudain une voix limpide s'éleva.
Tu as voulu un peuple libre,
Tu as voulu rendre leur Honneur,
Tu as voulu être le sauveur,
Tu nous as montré notre cible,
Tu as montré que ce n'était pas impossible,
Tout un peuple a fait le choix.
Qu'à jamais brille l'Etoile de Liberté !
Et la foule se leva d'un coup, d'un sel grand élan comme guidé par un instinct immuable et chanta.
L'ombre envahit la lumière,
Les pleurs remplacent les rires,
Mais pour ramener le bonheur d'hier
Un homme se sacrifie pour nous l'offrir.
Les yeux remplit de larmes, Kendrick regarda les gens attroupés chantaient sa bravoure et son courage, dans un seul et grand élan. Il reconnaissait parmi eux des soldats qui avaient combattu à ses cotés. Le condamné ne connaissait que Elline, sa fille bien aimée, pour chanter ainsi.
Le Duc de Steptown criait de rage pour qu'on fasse cesser la populace et ordonna la mort du condamné. Mais les soldats semblaient abasourdis par la foule, et le bourreau n'osait rien faire. La voix limpide se fit de nouveau entendre.
Je chante ton courage,
Je chante ta bravoure,
Qui fit renaître des enfants aux sages
La soif de vengeance et d'amour.
Tu as pourfendu l'ennemi de ton épée,
Faisant de tes cris un Hymne,
Qui résonnera pour longtemps dans nos esprits.
Qu'à jamais brille l'Etoile de la Liberté !
Et de nouveau des centaines de gorges entamèrent le refrain avec un regain d'énergie. Le chant enveloppa le château, virevoltant au grés des intonations. Le Duc de Steptown hurlait toujours la mort du rebelle, et un capitaine finit par se ressaisir. Il pointa son arbalète sur le condamné.Kendrick regarda fièrement le garde et avec un geste dédaigneux et leva les yeux vers les cieux.
« Jamais vous ne tuerez l'amour de la liberté en Irlande », murmura le noble.
Le carreau fut lancé percutant Kendrick en pleine poitrine. Le noble n'émit aucunes plaintes en s'écroulant. L'âme du héros s'envola vers son dernier repos, escorté par la balade de Kendrick O'Dallis, celui dont la liberté était le propre de tous hommes.
L'Irlande fut libre en 1922. |