Je regardai la troupe sans la voir. Elle avançait, toujours dans la même direction, même si j'ignorais où ils allaient. Il faisait beau, par chance, et mes alliés pouvaient avancer d'un bon pas.
Pierre n'avait toujours pas retrouvé ses souvenirs, et Jinah n'avait toujours pas parlé, toutefois, cela paraissait bien dérisoire par rapport à l'aide que ces deux-là apportaient à mes princes.
-Monseigneur ?
Je me tournai face à mon fidèle Goth.
-Nos messagers sont terminés. Ils partiront dès que vous leur en donnerez l'ordre.
-Alors qu'ils partent dès maintenant. Qu'ils tuent les messagers du roi et les remplacent. Qu'ils brouillent et échangent les messages afin que nos princes aient un peu plus de répit et puissent arriver à destination.
Mes pensées quittèrent mes princes et suivirent mentalement les messagers assassins. Ils étaient rapides, ce qui était normal pour des messagers.
Dans l'ombre, ils s'approchaient de ceux qu'ils devaient remplacer. Sans bruit, ils se postaient derrière les messagers ennemis, passaient leurs lames aiguisées sur leurs gorges, jetaient les cadavres dans la rivière, puis prennaient leur nouvelle fonction.
Je dus à nouveau quitter mon observation après l'arrivée de Goth.
-Les nouvelles sont mauvaises, Monseigneur. Certains messages sont arrivés avant l'intervention de nos messagers.
-Et ?
-J'ai bien peur que nos princes et leurs guides n'y survivent pas.
-J'ai mal aux pieds, se plaignit Misha.
-Mon pantalon est trop court depuis un mois et est-ce que je me plains ? demanda Angus.
-Un pantalon trop court ne fait pas mal aux pieds, contrairement à des chaussures trop petites. Alors s'il te plaît, garde tes commentaires.
La troupe des jumeaux avait traversé la montagne, à présent, et reprenait sa marche dans les bois. Il faisait frais, l'eau coulait en abondance, et malgré quelques chamailleries, toute cette longue marche ressemblait plus à du camping qu'à une guerre.
-Chut !
Pierre avait entendu un bruit. Il scruta les sous-bois mais ne distingua rien. Toutefois, Lydra se mit à briller de mille feux.
-Des orques, annonça Jinah.
Ce dernier s'était étoffé, grâce à l'exercice et à une alimentation régulière, et même s'il restait beaucoup plus fin que Pierre, il était capable de manier son épée sans fléchir.
-Misha, Angus, grimpez à un arbre ! lança Pierre.
-Inutile, répondit Hilda. Les orques sont grands. Les enfants ne pourront pas monter là où ils seront en sécurité. Nous allons former un triangle et garder les enfants au milieu.
Misha et Angus s'agenouillèrent et fermèrent les yeux, main dans la main. Les orques encerclèrent le groupe, et frappèrent.
Les trois guides n'attendirent ni une ni deux, ils dégaînèrent leurs épées et répondirent aux coups des orques.
Les lianes des arbres s'allongèrent jusqu'à atteindre les ennemis. Silencieusement, elles dénuquèrent les orques les uns après les autres.
Une meute de loup fit son apparition, mais les pauvres animaux ne pouvaient rien contre les solides armures. Dépité, Angus leur ordonna de rebrousser chemin avant que l'un d'eux ne soit blessé. Une nuée de moustiques remplaça les mamifères. Les insectes ne pouvaient pas tuer les ennemis, mais ils pouvaient au moins des distraire, et il était beaucoup plus facile pour Pierre, Jinah et Hilda de combattre. Toutefois, le puissant et fort sang d'orques eut bientôt raison des insectes, qui périrent les uns après les autres.
Pierre ne supportait plus cette situation. Plus il tuait d'orques et plus il en revenait. Combien étaient-ils ?
Ses bras lui faisaient mal à force de manier son épée. Il avait tué ou blessé une cinquantaine d'ennemis, et il en restait au moins autant à tuer.
Un cri attira son attention. Hilda avait été blessée à la hanche. Il faillit intervenir, puis se souvint de sa priorité : protéger les enfants.
"Nous sommes en sécurité, aide Hilda" fit la voix de Misha dans sa tête.
Pierre se retourna et vit que les enfants étaient au sommet des arbres, des lianes enroulées autour de leur taille. Sans hésiter, il prit un poignard dans sa botte et le lança sur l'orque qui était sur le point d'achever Hilda. Une liane s'enroula autour du corps de la guerrière et l'emporta hors de portée des ennemis.
Jinah et Pierre combattaient à présent dos à dos.
-Ca va ? demanda Jinah de sa voix encore rauque.
-Je ne pense pas tenir encore longtemps.
-Moi non plus, admit Jinah avec un semblant de sourire.
Les orques restant foncèrent sur les deux guerriers épuisés.
-C'est fini, murmura Pierre.
Il leva les yeux sur Hilda.
-Prends soin des jumeaux ! cria-t-il avant de foncer tête baissée dans la bataille. |