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Geneworld.net>Fan-fictions>Rowann>Pirates des caraïbes - la vengeance d'une blonde

03 - ON S'EST CONNU... PAR ROWANN

Quand Leïla s’éveilla, la première chose qu’elle entendit fut le son familier des vagues se brisant sur la coque d’un navire. Elle apprécia quelques instants le clapotis apaisant puis ouvrit les yeux. Elle ne reconnut rien. Elle n’était pas dans son hamac mais étendue à même le sol. Se redressant péniblement sur ses coudes, elle put admirer le bois pourri des murs d’une cale qui n’était pas celle du Rose-Mary. Totalement réveillée à présent, elle allait se retourner quand une voix retentit de quelque part sur sa droite.

-Rendors-toi. Et plus vite que ça.
-…Emily ?

En plissant les yeux, Leïla parvint à distinguer parmi les ténèbres la silhouette menue de son capitaine. Elle était assise dans le coin le plus reculé de la pièce, les jambes ramenée vers sa poitrine et les bras posés sur ses genoux dans une attitude relativement décontractée compte-tenu des circonstances. Elle regardait le sol fixement, les sourcils froncés et le visage fermé.

-Emily ! s’écria à nouveau l’antillaise en se précipitant sur son amie.

Cette dernière se dégagea sans grande conviction de l’étreinte et protesta un peu pour la forme :

-Ouais ouais, ça va, on a compris…
-Où sommes-nous ?
-L’Emeraude. Honnête navire marchand. Je les ai pour ainsi dire convaincus de nous déposer à Tortuga.
-Qu’entends-tu par « convaincus » ? interrogea Leïla avec suspicion.
-J’ai utilisé mon don naturel de persuasion. Je leur ai promis un port sans taxes flanqué d’une foule d’alcooliques prêts à leur acheter n’importe quoi, du rhum bon marché et (elle eut un reniflement dédaigneux) des femmes.

Elle avait accentué le dernier mot de manière ironique, montrant qu’elle aurait volontiers utilisé un terme moins flatteur. Le second émit un faible rire qui s’interrompit brusquement quand elle réalisa une chose.

-Où est passé le Rose-Mary ?

Emily resta silencieuse un moment, ce qui ne fit qu’accroître l’anxiété de l’antillaise. Elle jeta un regard à Leïla, puis au mur, avant de baisser les yeux et de répondre d’une voix neutre.

-Par le fond.
-Que…Quoi ?
-Oui. C’est ce que le capitaine de l’Emeraude m’a dit. Il nous a repêchés dans les débris.

Sous le choc, le second –ou plutôt ex-second- dût s’asseoir par terre pour ne pas tomber.

-Mille pétards !

La blonde sourit et eut une sorte de rire silencieux. Indignée, Leïla lui répondit un plus fort que nécessaire.

-Comment peux-tu rire d’une chose pareille ?! Notre bateau est au fond de l’océan sacré Bon Dieu !

Cela ne fit qu’amplifier le rire de l’autre qui riait à présent à gorge déployée. Elle tenta de s’expliquer entre deux gloussements.

-C’est…une raison pour jurer…comme un vieux corsaire ivrogne ?

Perplexe face au sens de l’à-propos pour le moins étrange de son amie, l’antillaise tenta de réfréner un éclat de rire qui menaçait de franchir ses lèvres à tout instant. C’était vrai : quand Leïla était choquée, elle avait tendance à se répandre en jurons stupides et/ou blasphématoires.

-Mais je dis ce que je veux ! Sacrebleu de nom d’un chien !
-Saperlipopette !
-Tudieu !
-Nom d’une pipe en bois !
-Par Neptune !

Les deux femmes finirent donc étalées par terre à s’esclaffer comme des hystériques. Elles riaient plus par nervosité que par réelle envie : tant qu’elle gloussaient, elles ne se préoccupaient pas de choses démoralisantes, comme la perte du bateau ou le fait qu’elle ne savait absolument pas quoi faire une fois à Tortuga. Elles continuèrent leur liste d’exclamations incongrues quelques minutes avant d’être interrompues par une voix rauque :

-C’est pas bientôt fini ce barouf ??

« Ta gueule Pirce » fut la seule réponse qu’il obtint de la part des deux jeunes femmes. Leïla fut soulagée d’entendre la voix de ce vieux râleur de Pirce mais se sentit un peu honteuse de ne pas avoir pensé plus tôt au reste de l’équipage. Elle et le pirate (qui s’était tu pour la première fois de sa vie) tournèrent des visages inquiets vers leur capitaine. Emily fit tout d’abord mine de ne pas remarquer les interrogations silencieuses qu’ils lui adressaient puis s’exclama, agacée :

-Oh ! mais regardez vous-même ! J’ai pas compté tout le monde !

Les deux se retournèrent alors et découvrirent avec étonnement certains membres de l’équipage du Rose-Mary dans la pénombre, toujours endormis. Le visage de Leïla se contracta douloureusement quand elle remarqua qu’il ne devait pas y avoir plus de cinq personnes avec eux dans la cale. Emily leur avait menti, bien sûr qu’elle avait vu que la moité de l’équipage avait disparu.

-Je vais retourner dormir…

Personne ne répondit à Pirce qui s’était déjà éloigné. Il n’y avait rien à ajouter. C’était sûrement sa manière d’exprimer son chagrin.

-Tu devrais faire pareil, murmura Emily après un temps d’hésitation.
-Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda la concernée avant d’ajouter : Je sais que tu le sais.

Le capitaine baissa la tête, refusant de répondre. L’antillaise adopta un regard implorant et réitéra sa question.

-Je ne peux pas te le dire maintenant…
-Emily, je…
-Non ! S’il te plaît…pas maintenant. Je suis fatiguée.

Leïla continua de la fixer quelques instants d’un air contrarié avant de s’écarter pour aller se pelotonner contre le mur opposé.

Contrairement à ce qu’elle avait dit à son second, Emily ne dormit pas. Elle n’essaya même pas de fermer les yeux. Des pensées angoissantes s’insinuaient dans son esprit à mesure qu’elle se remémorait les événements de la nuit (était-elle sûre que c’était la nuit ?). De quel point faible parlait l’inconnu ? Comment allait-elle faire pour lui amener Sparrow ? Et tout d’abord où devait-elle l’amener ? Tant de questions qui lui avaient échappé dans la confusion qu’avaient provoquée la douleur et la peur dans son cerveau. Maudit Pirate ! Tout ça, c’était de sa faute. C’était toujours de sa faute. Même quand il n’était pas là il se débrouillait pour lui causer des ennuis. Réveille toi, ma grande ! Ce sont plus des ennuis que tu as là, mais de très gros problèmes ! Désespérée, elle enfouit sa tête entre ses mains et tenta de ne plus penser à rien. Peine perdue. Elle commença à se demander ce qui serait arrivé si elle n’avait jamais rencontré Jack Sparrow. Serait-elle heureuse ? Elle aurait sûrement un mari, une maison. Peut-être même des enfants. Beurk. Bon peut-être pas. Elle pourrait sûrement faire ce qu’elle veut. S’occuper d’un jardin. Dormir dans une vraie chambre et non entre quatre murs de bois humides qui tanguent à en faire mal au cœur. Sentant que ce genre de pensées ne pouvait que l’énerver un peu plus, elle se força à ne plus penser à ce qu’elle n’avait pas et n’aurait sans doute jamais pour ce concentrer sur autre chose. D’abord elle n’était même pas sûre de se souvenir ce qui s’était réellement passé lors de leur première rencontre. Elle se souvint que sa première impression de lui n’était (presque) pas mauvaise. Elle l’avait même trouvé sympathique. Miséricorde. Après un petit effort de mémoire, la scène lui revint d’un seul coup, plus claire que l’eau balayant le sable blanc de sa Jamaïque. Sa vraie maison…

o*o

Emily marchait d’un pas rageur le long de la plage, repensant à la conversation qu’elle avait eu avec ses parents quelques heures plus tôt. La marier ! Ils voulaient la marier ! Mais elle n’avait que seize ans enfin ! En plus elle ne savait rien de l’homme en question. Simplement que c’était un militaire…Pfff. Quelque chose lui disait que ça n’allait pas être drôle tous les jours. Bien sûr elle pouvait refuser. Mais elle savait bien que, au fond, ce ne serait pas raisonnable. Et puis son père la tuerait. Le fait de perdre une source de revenu aussi conséquente ne le réjouirait sûrement pas. Savoir que son propre père était un tel arriviste la rendait malade ! De rage, elle donna un grand coup dans un tas de sable qui vint immédiatement décorer sa robe. Sa très coûteuse robe. Elle eut un sourire mauvais en admirant les dégâts et frotta bien le tissu pour qu’il s’imprègne de l’humidité du sable. Une bonne chose de faite. Elle continua ensuite sa promenade en essayant de distinguer les points positifs d’une telle union. Premièrement, elle serait riche. Mouais. Peut mieux faire. Deuxièmement, passé un ou deux mioches on lui ficherait une paix royale. Elle eut une grimace à l’idée de devoir enfanter comme la bonne petite poule qu’elle était. Décidément elle avait du mal avec les points positifs… Mais son visage s’éclaira quand elle songea à une troisième possibilité. Puisque son cher mari était un militaire, elle n’avait plus qu’à espérer qu’il meure au combat. Ne versait-on pas une pension aux jeunes veuves de militaires ? Enfouie dans les plans machiavéliques jusqu’au cou, elle en était à recenser tous les moyens éventuels pour faire partir le pauvre homme les pieds devant quand quelque chose attira son attention. Au gré de ses pas elle était arrivée aux alentours une petite crique s’enfonçant sous la falaise, et une forme gisait à une cinquantaine de mètres de ses pieds. Elle pensa tout d’abord à un animal, bien qu’elle ne fût pas capable de dire lequel. Mais un éclair de couleur rouge la détrompa. Aucun animal à sa connaissance susceptible de s’échouer sur une plage n’arborait une telle couleur. Elle s’avança donc vers la chose qui s’avérait ressembler de plus en plus à un homme. La jeune fille arriva aux côtés de l’homme inconscient et entreprit de savoir s’il était toujours en vie ou non. Elle le tourna donc sur le dos et remarqua que l’éclair rouge qu’elle avait surpris quelques minutes plus tôt était en fait un bandana entourant le crâne de l’homme. Elle fronça les sourcils mais ne s’attarda pas sur ce point et se mit en tête de prendre son pouls avant toute chose. Elle releva donc la manche du type et étouffa un cri en voyant une cicatrice sur son poignet. Mais pas n’importe qu’elle cicatrice. Une cicatrice en forme de « P ».

-Pirate…souffla-t-elle, effrayée et intriguée à la fois.

Le choc dura quelques secondes et la força à s’asseoir dans le sable, ne se préoccupant plus le moins du monde de sa robe. Une fois remise, elle vérifia donc si le pirate était vivant et constata avec soulagement que son cœur battait encore, bien que faiblement. Un peu confuse, Emily commença à se demander se qu’elle allait bien pouvoir faire du naufragé. Elle approcha pensivement une main tremblante du visage de l’homme et écarta les cheveux qui le recouvraient. Elle fut surprise par la finesse de ses traits et se surprit même à le trouver beau. Immédiatement après cette pensée, elle se gifla mentalement. Non, elle n’avait définitivement pas besoin de ça. Pour éloigner toute pensée compromettante, elle secoua doucement l’endormi dans l’espoir de le réveiller.

-Ouhou…Et bien, tu as le sommeil lourd toi.

Comme lui parler ne produisait aucun effet, elle se pencha non sans inquiétude au-dessus du visage du pirate. Elle s’apprêtait à parler quand les yeux de ce dernier s’ouvrirent subitement, faisant faire à Emily un bon de deux mètres en arrière accompagné d’un cri strident. Ne trouvant rien de mieux à faire, le pirate se mit à crier aussi et ne s’arrêta qu’au moment où il réalisa où il était et ce qu’il se passait. Il fronça les sourcils et s’assura qu’il n’était pas mortellement blessé, tout en s’accompagnant d’un assortiment de ses célèbres grimaces. Juste pour la forme. Ceci fait, il se souvint enfin de la présence d’Emily et lui jeta un regard choqué comme si elle venait de l’interrompre au beau milieu d’une chose à la fois très importante et personnelle. Prise au dépourvu, la jeune fille se redressa et s’éclaircit la gorge. Puis, tremblant de tout ses membres, elle entama une conversation tout ce qu’il y a de plus anodin dans une situation très loin d’être anodine :

-Euh…Bonjour…

Bravo ma fille, tu vas aller loin comme ça… ,pensa-t-elle avec humeur.

-Bonjour, répondit l’homme d’un air méfiant et amusé à la fois.
-Je…Je vous ai trouvé étendu sur le sable alors je…me suis approchée pour…euh…voir comment vous alliez.
-Je me porte bien, merci.

Cette fois le ton n’avait plus rien de méfiant et l’homme semblait beaucoup s’amuser de la situation. Il avait eu beaucoup de chance de tomber sur cette gamine. Beaucoup de chance…

-Trêve de bavardage. Vous avez remarqué ça je suppose ?

Il releva sa manche et mit sa cicatrice en forme de « P » bien en évidence sous le nez de l’adolescente. Elle détourna le regard comme si la marque avait pu lui brûler les yeux et répondit avec empressement :

-O-oui…J’ai vu.
-Tu as peur ?

Le passage du vouvoiement au tutoiement lui fit lever les yeux mais elle secoua doucement la tête de gauche à droite. C’était bien sûr un mensonge mais son expression à elle seule constituait une réponse à la question.

-Tu comptes prévenir quelqu’un de ma présence ?

Emily réfléchit quelques secondes. Elle ne réfléchissait pas à sa réponse, car elle ne pouvait décemment pas lui dire oui sans craindre pour sa vie, mais à ce qu’elle comptait réellement faire. Bien sûr le plus raisonnable aurait été de prévenir son père qu’un pirate se baladait sur l’île. Mais elle avait prouvé à de nombreuses reprises qu’elle n’était pas une fille raisonnable. Et puis il y avait ces foutus militaires. Jamais elle ne pourrait supporter l’idée d’avoir conduit cet homme à la potence, tout pirate qu’il fut. Elle répondit donc encore une fois par la négative.

-Non.

Le pirate scruta les yeux de la jeune fille dans le but d’y déceler la moindre trace de mensonge, mais fut soulagé de ne rien trouver.

-Très bien, alors je vais dès maintenant…

Il fut coupé dans sa phrase par une violente douleur au niveau de la poitrine. Il étouffa un gémissement et baissa les yeux vers son torse. Une longue plaie venait de se rouvrir suite au mouvement qu’il avait amorcé pour se redresser. Inquiète, Emily s’approcha et posa une main sur l’épaule du pirate.

-Vous allez bien ? Ca fait mal ?

Tout d’abord étonné, il fixa l’adolescente qui le regardait toujours d’un air angoissé puis lui adressa un sourire crispé.

-Eh bien ce n’est pas exactement la grande forme mais j’ai connu pire.

Pas plus rassurée que ça, la jeune fille observa mieux le pirate et vit que sa jambe droite était aussi mal en point. Les idées un peu plus claires, elle se leva brusquement.

-Attendez-moi là, je reviens.
-C’est pas comme si j’avais le choix !

Elle ignora cette dernière remarque et courut vers la propriété Johnson. Elle en revint une demi-heure plus tard, une pile de vêtement sous un bras et une gourde dans l’autre main.

-C’est pas trop tôt, qu’est-ce qui t’as pris autant de temps ?

Emily ne releva pas l’impolitesse de la question mais n’y répondit pas pour autant. Elle s’agenouilla près du pirate et lui demanda :

-Vous avez soif ?

Elle lui tendit la gourde avec un sourire. Plus méfiant que jamais, il s’en saisit, la déboucha et observa son contenu d’un air suspicieux.

-Tu n’essaies pas de m’empoisonner au moins ?

Surprise par la question, Emily perdit son sourire et répondit, vaguement agacée.

-Si j’avais voulu vous faire le moindre mal je l’aurais fait pendant que vous étiez inconscient ou quand vous agonisiez sur le sable. Je ne suis pas complètement stupide.

Toujours soupçonneux, le pirate se laissa convaincre par sa gorge sèche et pris une gorgée de liquide. Liquide qu’il recracha quelques secondes plus tard en poussant un cri indigné.

-Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? s’enquit Emily.
-C’est de l’eau !!
-Eh bien oui, c’est de l’eau.
-Je savais bien que tu essayais de m’empoisonner !!

La jeune fille, ne sachant plus comment réagir, éclata de rire. C’était un rire nerveux et elle sentait qu’il pouvait se transformer en crise de larmes d’un instant à l’autre, mais elle prit soin de s’arrêter avant d’en arriver là. Elle rougit ensuite en sentant le regard que lui lançait le pirate.

-Excusez-moi. C’est la fatigue.
-Ne t’excuse pas. Il vaut mieux en rire qu’en pleurer. En attendant souviens-toi de la règle numéro un : un pirate ne boit pas d’eau. Jamais. Sous aucun prétexte.
-Que boivent-ils alors ?
-De l’alcool bien sûr ! répondit le pirate sur le ton de « 1+1=2 ». Du rhum, du whisky, à l’occasion du vin…du rhum, de la bière…est-ce que j’ai dit le rhum ?
-Au moins trois fois déjà, répondit la jeune fille avec un gloussement.

Emily se sentait plus détendue mais son sourire s’affaissa de nouveau quand ses yeux tombèrent sur la blessure du pirate.

-Il va falloir nettoyer ça.

Ne comprenant pas de quoi elle voulait parler, le pirate suivit le regard d’Emily et eut un sourire.

-Oui il faudrait.

S’ensuivit un silence maladroit finalement brisé par Emily, bafouillant un peu :

-Il…Il faudrait que vous…enfin que vous…que vous enleviez votre…euh…votre chemise…pour que…enfin…

Se retenant de s’esclaffer face à la gêne de la jeune fille, l’homme se contenta de sourire franchement et de déclarer d’un air charmeur :

-Je n’espérais pas en arriver là aussi rapidement…

Rouge comme une pivoine, Emily trouva néanmoins le courage de paraître irritée.

-Et si vous pouviez m’éviter les sarcasmes graveleux, ça m’arrangerait !
-Très bien, très bien. Pas la peine de s’énerver.

Il retira donc sa chemise précautionneusement pendant qu’Emily déchirait un linge blanc et l’humidifiait avec l’eau de la gourde. Elle se tourna ensuite vers le pirate et eut un moment d’hésitation. Puis, sous le regard narquois du blessé, elle approcha le tissu de la plaie et eut une grimace.

-Vous me dites si je vous fais mal.
-Mais oui, mais oui, répondit l’autre distraitement.

Pour oublier le regard moqueur du pirate, elle se concentra exclusivement sur la blessure. Elle avait la chance de bien supporter la vue du sang, sans quoi elle aurait été servie. Vivre en pleine cambrousse et avoir assisté à la naissance de plusieurs veaux peut avoir ses avantages. Misère, mais que diable cet homme avait-il fabriqué pour finir dans cet état ? Question idiote, fut la réponse qu’elle se donna. C’est un pirate. Il a dû…faire des trucs de pirate.

Pendant ce temps, le pirate observait son infirmière improvisée. Il n’avait rien de mieux à faire et puis ce n’était pas comme si c’était désagréable. Cela devait faire des mois qu’il n’avait pas vu une femme. De plus celle-ci était propre. Et jeune. Et plutôt jolie. Il stoppa là ses pensées avant de trouver un autre moyen plus qu’efficace de s’attirer des ennuis. Il n’avait qu’à attendre qu’elle finisse de le soigner et il pourrait partir, encore une fois. Le fait d’être à terre lui procurait une atroce sensation d’enfermement. Bien sûr il y aurait le problème du moyen de transport : il n’avait plus de bateau. Cela faisait déjà huit ans que cet enfoiré de Barbossa s’était fait la malle avec son précieux Pearl et il n’avait pas réussi à garder un navire plus de deux mois depuis. Une sorte de malédiction s’acharnait sur lui, provoquant tempêtes, naufrages, mort subite des membres de l’équipage, et beaucoup d’autres choses plus étranges les unes que les autres. Abandonnant ces sombres pensées, il reposa les yeux sur les boucles blondes de la jeune fille et resta songeur.

-Quel âge as-tu ?

Etonnée, Emily leva sa pâle figure vers le pirate, ne semblant pas avoir compris la question.

-Pardon ?
-Quel âge as-tu ? répéta l’homme.
-…Seize ans, répondit-elle en baissant les yeux vers la blessure.

« Ca pour être jeune… » pensa-t-il

-J’aurais dit plus.
-Ah.

Il y eut un autre moment de silence et Emily commença à déchirer un autre linge pour en faire des bandes. Elle entreprit ensuite d’en entourer le torse de l’homme. Elle lui fit lever un peu les bras et se pencha pour les faire passer dans son dos, ce qui donna une sorte d’étreinte bizarre qui ne déplut pas au pirate. Quand on peut profiter un peu au passage…

-Et comment tu t’appelles ?
-Emily. Emily Johnson.
-Très joli nom. Eh bien enchanté de te rencontrer Emily, moi je suis le capitaine Jack Sparrow.

Emily arrêta son geste et observa Jack d’un air curieux.

-Capitaine ? Vous possédez un navire ?

Le pirate masqua son irritation part une mimique étrange et répondit en agitant la main.

-Hmm…Disons, pas actuellement. Je suis sur le marché.
-Je vois.

Elle attacha la dernière bande et se redressa, satisfaite. Elle donna ensuite une chemise propre à Jack et soupira de fatigue. Ecartant délicatement quelques boucles de son visage, Emily réalisa qu’un éclat orangé parcourait la surface de l’océan. Jamais elle ne serait rentrée chez elle avant le coucher du Soleil…Elle se mordit la lèvre et se força à réfléchir clairement. D’abord elle devait rentrer chez elle. Mais le pirate ? Qu’est-ce qu’elle en faisait en attendant ? Il faudra bien qu’il reste ici, se dit-elle.

-C’est le coucher de soleil qui te fais cet effet là ?

La voix de Jack la fit sortir de ses pensées et elle tourna un regard incrédule vers lui. Il l’observait toujours avec cet air amusé qui lui faisait penser qu’il se fichait d’elle en permanence. Ses yeux mi-clos trahissaient pourtant l’état d’épuisement dans lequel il se trouvait.

-C’est vrai que c’est extrêmement romantique…

Emily roula des yeux mais ne put s’empêcher de rougir à nouveau. Elle n’avait pas l’habitude qu’on se moque d’elle, surtout en lui faisant du gringue ouvertement de cette façon. Et puis ce Sparrow était bizarrement attirant. Nouvelle claque mentale. Non ! Ne pense pas une chose pareille ! Ta phrase était très bien jusqu’à « ment attirant » ! Afin de se donner bonne conscience elle se promit de chercher à en savoir plus sur lui.

-J’étais juste en train de me dire que je devais rentrer chez moi…

Du coin de l’œil, elle aperçut le sourire du pirate s’effaçant lentement. Se retenant de rire et poussant intérieurement un énorme « AHA ! », elle poursuivit :

-Si je ne le fais pas, mon père va me tuer. Mais j’essayerai de vous apporter de quoi manger ce soir.
-Très aimable à toi.

Le capitaine affichait un air contrarié et se mit à fixer intentionnellement un point opposé à la jeune fille. Il allait devoir rester seul toute une nuit sans avoir la possibilité de bouger. Sans pouvoir s’enfuir en cas de danger. Sans défense. La petite garce ! Tout ça pour échapper à une petite dispute de rien du tout avec Pôpa Johnson. Elle ne savait pas ce que c’était qu’avoir des problèmes. Celui qui avait des problèmes ici, c’était LUI.

-Je vous ai contrarié ? s’enquit Emily d’un air inquiet.
-Moi ? Mais non pas du tout ! Je t’en prie, vas-y ! Retourne vivre ta passionnante petite vie de bourgeoise et abandonne-moi là ! Avec un peu de chance une meute de chien va sortir de nulle-part pour me bouffer !
-Excusez-moi ?

Emily n’en croyait pas ses oreilles. Cet idiot venait bien de lui dire ce qu’elle pensait ou ses oreilles lui jouaient des tours ?

-Mais c’est pas possible d’être aussi puéril ! Vous pensez que j’ai le choix ? Que croyez-vous que mon père va faire s’il ne me voit pas rentrer ? S’il me cherche il y a de fortes chances pour qu’il vous trouve aussi !
-…Oh.
-Oui : oh ! C’est pas vrai ça ! Quand on pense que je n’étais même pas obligée de vous aider du tout, c’est vraiment trop fort !
-Euh…Excuse-moi ?

Jack ne put qu’observer avec ses yeux de chien battu Emily se lever et partir, écumante de rage. Il continua à l’appeler quelques minutes après l’avoir vu disparaître derrière la falaise mais se tut bien vite de peur d’attirer quelqu’un d’autre. Une fois seul avec lui-même, il commença à cogner sa tête contre la pierre sur laquelle il était appuyé. Activité aussi passionnante que nécessaire pour lui rappeler le parfait abruti qu’il était.

Quand il la vit revenir quelques heures plus tard avec un panier garni de fruits et de pain dans une main et une bouteille de rhum dans l’autre, il se dit que, en effet, il avait eu de la chance de tomber sur cette gamine.

o*o

-…mily ! Capitaine, ouhou !
-Mmm ? Ah…oui ! Euh…de quoi ?

Emily cligna des yeux avec l’air de quelqu’un qu’on vient de tirer de son sommeil à grand renfort d’eau glacée. Elle se demanda un instant si elle ne s’était pas endormie à force de réfléchir. Puis elle reprit ses esprits et interrogea son second d’une voix plus sèche qu’elle ne l’aurait voulue :

-Qu’est-ce qu’il y a ?
-Nous sommes arrivés.

En jetant un coup d’œil derrière son interlocutrice, la jeune femme put voir que les autres survivants de l’équipage étaient déjà debout et semblaient impatients de quitter le navire. Aucun n’osait la regarder dans les yeux et cela lui fit ben plus mal que de subir une colère frontale. Ils ne pouvaient pas la tenir responsable de cette horreur. Personne n’aurait pu prévoir ça. Pourquoi aucun membre de son équipage ne lui avait jamais fait vraiment confiance ? Sûrement parce que tu ne leur fais pas confiance non plus, répondit une petite voix dans un coin de sa tête. Sans prendre la peine de répondre, elle poussa un long soupir et ouvrit la marche vers l’entrepont.

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