Dimanche 20 mai
Eolia regarda Mickaël debout près d'elle, sur le pont. Il était guéri depuis moins d'une semaine et il regardait avec délice le soleil de l'Océan Indien.
-Fini le froid ! Fini la glace ! Enfin le soleil ! s'exclama-t-il.
Eolia sourit et dit :
-Tu te rends compte que cela fait presque un mois et demi, nous étions en train de nettoyer ce bateau qui n'avait pas fonctionné depuis dix ans. Et nous voilà en plein coeur de l'Océan Indien.
-Cela fait exactement quarante-cinq jours que nous sommes partis. N'est-ce pas fantastique ? En fait, je me fiche du trésor. Ce voyage est beaucoups plus intéressant qu'un coffre, même rempli de pièces d'or et de colliers de diamants.
-De toute manière, nous n'avons rien ramené des deux précédents océans, seulement Julian et Carole, et ils ne savent rien du trésor.
-Je sais. J'ai interrogé Carole sur un éventuel trésor qui se serait trouvé sur ce bateau, mais elle n'en a jamais entendu parler.
-Vous n'avez toujours pas trouvé le trésor de mon bateau ?! Je vous croyais plus intelligents !
Eolia et Mickaël se retournèrent, et virent Eric, les poings sur les hanches.
-Mais papa... Si tu sais ce qu'est le trésor de l'Hémisphère et où il se cache, pourquoi ne nous le dis-tu pas ?
-Parce que c'est à vous et à vous seuls de trouver !
Sur cette énigme, Eric disparut.
Mickaël et Eolia se regardèrent. Le jeune homme murmura :
-Je n'ai pas rêvé, c'était bien...
-Mon père, oui... J'en suis sûre à présent : son fantôme habite toujours l'Hémisphère. Il n'a jamais pu se résoudre à quitter son bateau.
-Cela restera notre secret...
-Notre secret, répéta-t-elle en écho.
Puis elle sourit et demanda :
-Te souviens-tu la dernière fois où nous avons scellé un secret ?
Mickaël éclata de rire et répondit :
-Nous jouions au ballon devant chez moi. Je devais avoir treize ans et toi neuf. Et nous avions cassé un carreau, celui de la fenêtre de ma chambre.
-C'est moi qui avais cassé le carreau, rétorqua Eolia.
-Peu importe, je ne me souviens plus de ce détail. Ce dont je me souviens le mieux, c'est la manière dont nous avons scellé ce secret.
-Ah oui ?
-Oui, nous avons scellé ce secret de cette manière, chuchota Mickaël en se penchant vers Eolia.
Doucement, il prit ses lèvres avec une infinie tendresse, et il enfouit ses doigts dans la masse soyeuse de ses cheveux. L'envie de ne plus quitter ces lèvres en forme de coeur le prit soudain, et il recula, ému et troublé.
-Il me semble qu'il n'y avait pas eu la langue, maintenant que je me souviens, déclara Eolia avec innocence.
-C'est normal, j'ignorais à l'époque qu'on pouvait l'utiliser dans cette situation. Mais j'ai grandi, depuis, et j'ai appris des choses.
-Et ce... cet échange a-t-il d'autres significations ?
-Tu n'as pas idée de ce que ça signifie ? demanda Mickaël éberlué. Tu n'as jamais vu cela à la télévision ?
-Je n'ai jamais regardé la télévision, je n'en avais pas. Et chez toi, nous regardions des reportages et des documentaires sur les bateaux et la mer.
-J'aurais mieux fait de te mettre un film porno, grommela Mickaël entre ses dents.
-Pardon ?
-Non, rien.
-Alors tu ne veux pas m'expliquer ?
-Non !
-Très bien ! s'exclama Eolia en tournant les talons.
-Quoi, "très bien" ?
-Je vais demander à Julian qu'il m'explique. Il doit certainement savoir, lui aussi !
-Bien sûr qu'il sait ! s'écria presque Mickaël. Toutes les personnes normales savent cela.
Eolia serra les poings.
-Je ne suis pas normale ! D'accord, je ne le suis pas ! Mais ce n'est pas en ne m'expliquant rien que je vais le devenir !
-Eolia, murmura Mickaël en posant une main sur l'épaule de la jeune fille. Ne le prends pas mal, ce n'est pas ta faute. Mais tous les enfants ou les adolescents ont déjà vu leurs parents s'embrasser, ou un couple s'embrasser dans la rue, à la télévision. Et ils devinent sans qu'on leur explique que c'est un message de... d'amour.
Mickaël regarda son amie avec un mélange de tendresse et de culpabilité. Il n'avait aucune intention de blesser cette pauvre Eolia, mais elle ignorait tellement de choses... Ce genre de choses qu'il est en même temps difficile d'expliquer et difficile de laisser ignorer... Quel dilemme !
-Alors c'est ça, "embrasser" ? Et comment aurais-je pu deviner que c'est un message d'amour alors que tu ne m'aimes pas et que je ne t'aime pas ?!
Eolia descendit dans sa chambre, choquée. Mickaël l'avait embrassée. Et curieusement, cela lui avait plu. Elle avait même adoré cela et la manière dont Mickaël avait passé sa main dans ses cheveux.
La jeune fille se regarda dans la glace. A quoi ressemblait-elle avec ses cheveux défaits et ses joues rouges ? Rageusement, elle saisit sa brosse, dompta ses mèches rousses, et elle les réunit dans un élastique.
A suivre... |