Jeudi 31 mai
-N'aurions-nous pas changé de cap ? demanda Mickaël le lendemain matin alors qu'il prenait son petit déjeuner sur le pont avec Carole et Julian, et qu'Eolia dormait après sa nuit de garde.
-Je l'ignore, répondit Julian. Peut-être Eolia s'est-elle apreçu qu'un obstacle barrerait la route.
Mickaël alla voir à la salle des commandes et lorsqu'il retourna vers ses amis, il lança en riant :
-Un sacré obstacle, alors, car notre trajectoire a dévié de quatrevingt-dix degrés et notre allure a doublé.
-Eolia ne semblait pas bien ces derniers temps, dit Julian. Peut-être est-elle pressée d'en finir avec ce voyage pour nous déposer en France et se débarrasser de nous.
Mickaël accusa le coup. Et si Julian avait raison, au moins en partie, et qu'elle voulait se débarrasser de lui, qui ne faisait que la torturer depuis des années.
-Je vais aller lui demander, dit-il en se levant. Peut-être n'est-ce pas normal.
Il marcha d'un pas qui se voulait tranquille jusqu'à la chambre d'Eolia. Il frappa et entra. Eolia était si jolie, elle dormait d'un sommeil si paisible qui détendait ses traits, continuellement soucieux la journée. Il resta quelques minutes à la regarder dormir, puis il se souvient de sa mission. Alors il s'assit près d'elle et il secoua doucement son épaule en l'appelant d'une voix douce.
-Eolia... Lia...
La jeune fille sursauta, ouvrit ses yeux noisette, et elle remonta les couvertures sur sa poitrine dénudée alors que la peur plus que la colère marqua son visage.
-Que fais-tu ici ? demanda-t-elle d'une voix agressive.
-Ne t'en fais pas. Et puis tu n'as pas à te cacher de moi : je sais tout de toi.
-Ce n'est pas une raison. Et je te rappelle que tu m'as embrassée.
-Alors c'est cela ! Tu me fuis parce que je t'ai embrassée.
-Je ne te fuis pas ! rétorqua Eolia.
-Non mais c'est la première fois que nous parlons depuis.
-Si c'est pour me dire cela que tu m'as réveillée, tu peux retourner d'où tu viens car je suis fatiguée.
Mickaël soupira et déclara :
-Non, la raison de ma visite n'a rien à voir.
-Alors dis-la moi, et j'espère pour toi que c'est important, ou alors je te donne en petit déjeuner aux requins.
Mickaël sourit.
-Tu ne le feras jamais.
-Ne me tente pas.
Voyant la lassitude et la peine se pendre peu à peu sur son visage, il demanda :
-Ca t'a tellement contrariée que je t'aie embrassée ?
-Non, mentit Eolia. Si je paraissais songeuse ces derniers jours, c'est parce que nous n'avons plus de charbon. C'est pourquoi j'ai dévié la trajectoire de l'Hémisphère sur l'Inde. Mon père m'a un jour expliqué que lorsqu'il n'avait plus assez de charbon, il allait s'y réapprovisionner.
Mickaël ne sut comment accueillir la nouvelle. En effet, Eolia n'avait aucune intention de se débarrasser de lui, et il en était heureux, mais en même temps, le baiser qu'il avait offert à Eolia ne l'avait pas troublée plus que ça, et elle était pensive pour tout autre chose.
-J'ai également augmenté la vitesse du bateau car je me suis rendu compte qu'à chacune de nos étapes, nous trouvions un membre de l'équipage de mon père. Un des membres était Indien et je me suis dit que nous avions des chances de le trouver en Inde. De plus, Musha, c'est son nom, a été adorable avec moi, et il était le plus jeune membre de l'équipage.
-Et tu t'es aperçue que si tu le trouvais maintenant, il serait possible qu'il soit à ton goût.
-A mon goût ? Tu plaisantes ? Musha était un dieu vivant, même à quatorze ans. Je me souviens, il était grand, mince, une peau brune, des yeux noirs brillants et malicieux...
Mickaël se leva et lança :
-Très bien, je voulais juste savoir si notre déviation était normale ! Dors bien !
Eolia se retourna dans son lit, offrant volontairement son dos nu à Mickaël, et elle sourit en se demandant pourquoi elle avait pris ce malin plaisir à mentir au sujet de Mucha. Bien sûr, il avait la peau mâte et les yeux noirs, comme la plupart des Indiens. Mais elle ne l'avait pas trouvé très attirant. Mickaël était mieux, beaucoup mieux avec ses cheveux bruns, ses merveilleux yeux verts, son torse puissant...
La jeune fille éclata de rire en se disant qu'elle n'était sans doute pas aussi innocente qu'à son départ, il y avait deux mois ! Oui, en deux mois, elle avait appris beaucoup de choses avec Mickaël qui avait été un excellent professeur. Elle comprennait...
Sur ces dernières pensées, elle s'endormit.
A suivre... |