Mickaël alla rapporter la nouvelle de la halte en Inde, puis il lança :
-Si quelqu'un veut mon bol de Muesli, qu'il se serve, je n'y ai pas touché.
-D'habitude, tu manges comme dix, le matin ! Que se passe-t-il, Micka ? demanda Julian en plongeant tout de même sa cuillère dans le bol du jeune homme.
-Rien, je n'ai pas faim, c'est tout ! dit Mickaël en allant dans sa chambre.
-Je suis sûr que c'est encore un coup d'Eolia ! grogna Julian. Cette petite commence vraiment à...
-A devenir grande, le coupa Carole. Voilà tout ce qui lui arrive. L'enfant se transforme en femme.
-Je suis sûre qu'elle sera aussi jolie que sa mère.
-J'espère que la ressemblance avec sa mère s'arrêtera là ! s'exclama Carole.
-La ressemblance s'arrêtera là, assura Julian. Eolia possède un coeur, pas uniquement un cerveau calculateur comme ça mère. Ah ça oui, elle était jolie ! Dommage qu'elle soit partie en coup de vent...
-C'est dommage que tu n'aies plus de barque, Julian ! s'exclama gaiement Eolia. J'aurais bien mangé un peu de poisson.
-Désolé mais je l'ai laissé en Antarctique.
-Tout bien réfléchi, le jeu n'en vallait pas la chandelle.
-Eolia ! s'exclama Carole en voyant Mickaël serrer un poing. Pourquoi dis-tu cela, enfin ?!
-Ne me parle pas ainsi, Carole ! Je suis le capitaine de ce navire. Et j'ai raison ! Si Mickaël était resté au lit, il n'aurait ennuyé personne !
-Tu es peut-être le capitaine, mais à nous trois, nous pourrions facilement te jeter par dessus bord, grinça Mickaël.
-Impossible, Eole me protège.
-Nous allons voir cela ! s'exclama Mickaël en s'approchant d'Eolia.
La jeune fille leva un bras et une rafale de vent projeta Mickaël contre la rambarde. Eolia regarda Carole et Julian, et croisa leurs regards étonnés.
-Que s'est-il passé ? demanda Mickaël en secouant la tête pour reprendre ses esprits. Eolia, est-ce toi qui a fait ça ?
-Et qui d'autre ?
-Hé bien... le hasard par exemple.
-Tu rêves ! Je n'avais jamais rien montré auparavant parce qu'on me laissait en paix. Mais puisque vous êtes tous décidés à me contrarier, il est temps que vous sachiez à qui vous avez affaire.
-A qui nous avons affaire ? demanda Mickaël. A une sorcière doublée d'une folle. Voilà ce que tu es, Eolia. Je ne sais pas ce qui t'est arrivé mais tu n'as plus rien à voir avec l'enfant qui jouait avec moi.
-Peut-être ais-je changé parce qu'on m'a fait prendre conscience qu'il fallait que je change ! Je n'ai plus rien de la pure et innocente Eolia qui est partie à bord de son bateau il y a deux mois. Maintenant, je sais plein de choses ! Je sais ce que c'est que grandir, je sais ce que signifie embrasser et je sais pourquoi un homme dort avec une femme, même si je suis toujours pucelle. Mais tu vas bien remédier à cela, Mickaël, n'est-ce pas ? Vu la manière dont tu m'as embrassée l'autre jour, on aurait dit que tu en mourais d'envie.
Eolia ne vit pas Carole agir, mais le jeune médecin lui plaqua une gifle monumentale qui la projeta au sol.
-Tu n'as pas honte ! s'exclama-t-elle. Cela ne se fait pas pour une jeune fille de parler ainsi.
Eolia resta à quatre pattes, le regard vide, tourné vers l'eau bleue-verte de l'océan.
-Eolia ? demanda Mickaël inquiet. Lia, ça va ?
-Laisse-la, lui dit Carole. Cela lui apprendra un peu à être correcte !
Le médecin partit, suivi de Julian. Mickaël s'agenouilla près d'Eolia et il la regarda en demandant à nouveau :
-Eolia ? Tu n'as rien ? Que t'arrive-t-il ?
Comme la jeune fille regardait toujours en direction de l'océan, Mickaël suivit son regard et il aperçut un dauphin et son petit. Il regarda à nouveau Eolia et vit qu'elle pleurait silencieusement, les yeux rivés au sol.
-Non, Lia, je t'en prie, ne pleure pas...
-Pourquoi est-ce que tu restes là à me consoler ? demanda Eolia d'une voix amère. Tu devrais me haïr après ce que je t'ai dit. A moins que... je ne te fasse pitié...
-Non, Eolia... Non ! Quoique tu dises, tu n'effaceras jamais les sentiments que j'ai pour toi, ces sentiments que j'ai maintes fois essayé de gommer, en vain.
-Je croyais que tu ne m'aimais pas...
-Tu vois, Lia, ce qui me blesse le plus, ce n'est même pas le fait que tu ne répondes pas à mes sentiments. Je ne puis te forcer à m'aimer. Ce qui me blesse, c'est que tout ce que j'ai fait jusqu'à maintenant a toujours été vain. Tu ne t'es jamais rendu compte de ces sentiments que je te porte.
-Mais je...
-Je sais, la coupa Mickaël. Toi, c'est Musha que tu as envie de voir et que peut-être, tu aimeras.
-Non ! Je me fiche de Musha ! Je veux que tu le saches... Et je veux que tu saches également que ton baiser m'a fait très plaisir. Malheureusement, comme je te l'ai dit au début de notre voyage, je ne peux me permettre de vouer de trop forts sentiments à quelqu'un : je porte la poisse. Tu vois, tu as failli mourir l'autre jour lorsque tu es passé par dessus bord. Et c'est ma faute, j'en suis sûre.
-Bien sûr que non ! C'est moi qui ai désactivé le pilotage automatique. C'est ma faute si je suis passé par dessus bord !
Eolia serra Mickaël dans ses bras et elle murmura :
-S'il t'était arrivé malheur, je ne me le serais jamais pardonné.
-Lia, il faut que tu saches que... les malheurs du monde ne doivent pas peser sur tes épaules. Ce n'est pas parce que tu ne connais pas ou n'aimes pas une personne qu'elle sera protégée de tous les malheurs. Et ce n'est pas parce qu'il arrive quelque chose à quelqu'un que tu aimes ou que tu connais que c'est ta faute !
La jeune fille baissa timidement les yeux puis elle passa la main sur le dos et la nuque de Mickaël en demandant timidement :
-Ca va ? Je ne t'ai pas fait trop mal, j'espère...
Mickaël esquissa un sourire, le plus beau sourire qu'Eolia n'ait jamais vu, et il répondit :
-Ne t'en fais pas, je suis solide ! Mais si tu veux bien me faire un massage, je ne serai pas contre.
A suivre... |