Elle se réveilla sur la monture de Corsan, entourée de ses bras protecteurs. La nuit était tombée sur la forêt et ils se pensaient suffisamment loin de l’ennemi pour se reposer sans trop de dangers. Une petite clairière bordée d’un étang les accueilli sous la pâle lueur d’une lune ronde. Ils se lavèrent rapidement dans l’étang vaseux qui leur fournit aussi du poisson pour le repas. Ils empestaient tant qu’ils avaient peine à parler sans grimacer de dégoût : c’était l’odeur de la haine et de la mort venue des enfers. Pendant le repas, composé de poissons et de plantes sauvages, les regards la dévisageaient avec respect et étonnement. Pas un seul ne parlait et elle leur répondit par un sourire timide et gêné. Avait-elle été transformée pour qu’ils la regardent ainsi, comme une curiosité intouchable, une inconnue ? Puis, ils s’endormirent à la lueur du feu et des étoiles.
Au milieu de la nuit, Corsan se réveilla en sursaut, alerté par un craquement suspect. Il vit Aliane penchée sur l’eau qui reflétait la clarté lunaire. Il s’approcha d’elle en silence mais, sans savoir comment, elle sut qu’il était là. Il vint s’asseoir à côté d’une jeune femme qui lui montrait des yeux de bête traquée. Ils restèrent quelques minutes ainsi, en silence dans la nuit sereine.
« J’ai peur Corsan, murmura-t-elle au bout d’un moment. J’ai peur de mourir.
- Je sais. Moi aussi j’aurais peur. C’est dur d’aller au devant d’une chose dont on ignore tout. »
Après un silence, elle poursuivit :
« Tu sais Corsan, depuis que je suis née, je me bats pour survivre à n’importe quel prix. Sous la tyrannie, rester en vie signifiait être fort. Je me rends compte aujourd’hui que d’accepter la mort contre son gré, c’est être encore plus fort. »
Ils étaient proches l’un de l’autre et, au fur et à mesure, leurs visages se rapprochaient lentement.
« Je te trouve très courageuse. Je ne pense pas que tout le monde pourrait réaliser ce que tu as fais et j’aurais aimé te ressembler pour me révolter plus tôt contre notre roi inutile. A vrai dire, je crois que tout le monde t’admire, mais, pas comme moi. Non, personne ne peut t’admirer comme moi… »
Leurs lèvres se joignirent et le monde disparu à leurs yeux. Ils n’étaient plus que tous les deux, unis par un baiser sous la lune blanche, dans une nuit qui leur appartenait.
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