Le conte ou la vie
Partie 3

Et maintenant il était là, allongé sur le sable, face au mort vivant, face à sa mort prochaine.

- Alors tu deviens enfin raisonnable, fit le gardien du tombeau.
Le mercenaire déglutit avec peine.
- Ai-je le choix ?
- Non en effet.
Le bakrys poussa alors un profond soupir.
- Et puis quel ennui à la longue aussi, toujours les mêmes pilleurs de tombeaux qui gémissent et implorent.
Le mort vivant croisa les bras en faisant une mine renfrognée.
- Il y a pourtant assez d’avertissement gravé sur la porte d’entrée.
Seldorn ne savait plus quoi faire, alors qu’il croyait sa mort venue, voilà que la créature se mettait à parler avec lui.
- Qu’est ce que je m’ennuie en plus ! Tous ces pilleurs de trésor qui ne pensent qu’à l’or, et moi qui doit rester dans cette tombe avec les goules qui ont moins de conversation qu’une araignée.

Le mercenaire n’en revenait pas, le bakrys avait des états d’âme. Et soudain une idée lui traversa l’esprit, elle était un peu folle, mais il n’avait pas vraiment le choix, il fallait tout tenter.
- Mais … Que faites vous dans votre tombe quand il n’y a personne ? Bredouilla avec crainte Seldorn.
- Et bien je me promène, je vais dans toutes les salles pour voir si rien à bouger, mais je m’ennuie tellement.
Le bakrys poussa un nouveau soupir de désespoir.
- Je pourrais vous raconter une histoire, tenta le mercenaire.
- Tient, pas de cris de peur ni de supplication, pourquoi pas !

La créature se mit à voleter dans les airs en attente de la suite. Seldorn ne connaissait qu’une histoire, un conte qu’il avait entendu quand il était plus jeune il y a plein longtemps. Un soir un conteur itinérant était passé dans son village, il se souvenait de ce qu’il avait raconté cette nuit là. Il allait jouer sa vie sur un simple conte.

- C’est l’histoire d’un jeune homme qui traverse une forêt, il s’en va au marché du village tout proche pour vendre ses deux chèvres. L’argent manque chez lui et le jeune homme est obligé de s’en séparer alors qu’il les aime beaucoup. Et le pauvre garçon pleure toutes les larmes de son corps sur le chemin qui le mène jusqu’au village.
Le mort vivant s’est doucement posé sur le sol et il écoute tel un enfant l’histoire. Le mercenaire respire un grand coup et poursuit son conte.
- Un esprit de la forêt l’entendit pleurer, et vint à sa rencontre.
Il lui demanda alors « Que t’arrive t’il mon garçon ? »
Celui-ci lui répondit « Nous n’avons plus d’argent et je dois vendre mes deux chèvres pour pouvoir manger, mais je ne veux pas perdre mes deux amis ».
L’esprit de la forêt sourit « je peux t’aider et t’indiquer l’endroit d’un trésor »
« Et que voudras tu en échange ? » répondit le jeune homme.
« Je te demanderais juste de signer ce parchemin qui te liera à moi, et tu pourras garder tes chèvres et nourrir ta famille ».
Le garçon, sans trop réfléchir, apposa sa signature sur le parchemin qui disparu aussitôt après. L’esprit de la forêt affichait un air de contentement.
- Il n’aurait pas du faire ça, commenta le bakrys complètement dans l’histoire.

Seldorn prit une grande inspiration et continua.
- Comme il l’avait promis, l’esprit de la forêt indiqua l’emplacement d’un coffre remplit de pièces d’or au jeune homme. Il revint chez lui, avec ses chèvres et le trésor ; toute sa famille l’accueillit avec des cris d’admiration et de surprise. Il leur raconta qu’une de ses bêtes s’était enfuie et qu’elle était tombé dans une grotte, là il avait trouvé ce coffre rempli d’or. Ce soir là, il y eu une grande fête dans la maison, et le jeune homme oublia l’esprit de la forêt et le parchemin.
Plusieurs semaines passèrent, la vie de la famille s’améliora tout de suite. Avec l’or ils purent acheter d’autres bêtes pour faire du fromage et en vendre, le jeune homme était heureux et insouciant. Mais un soir, alors que toute la famille était réunie pour manger, l’esprit de la forêt apparu devant eux.
« Tu te souviens de moi, je t’ai laissé en profiter mais maintenant tu dois payer tes dettes »
Il fit apparaître le parchemin.
« Tu dois maintenant me donner ta jeunesse comme il s’est indiqué ici, tu n’as pas le choix, si tu ne me la donne pas, je reprend l’or que je t’ai donné et tout ce que vous avez acheté avec »
- Je l’avais dit, reprit le bakrys en hochant la tête.
Le mercenaire n’en revenait pas, il était toujours vivant et l’histoire semblait lui plaire. Il devait poursuivre, peut être allait il s’en sortir.
- Malgré les suppliques de sa famille, le jeune homme se sacrifia pour le bien des siens et donna sa jeunesse à l’esprit de la forêt. Le pauvre garçon fut changer en vieillard en quelques secondes, s’effondrant sur sa chaise, ses jambes ne pouvant plus le porter. L’esprit de la forêt se mit à rire et disparut aussi soudainement qu’il était apparu.
La famille du jeune homme s’occupa alors de lui, en prodiguant soin et affection. Sa pauvre mère, éperdu de chagrin, alla à une fontaine aux souhaits et se mit à prier la clémence pour son fils.
Une naïade, touchée par les pleurs de la femme, surgit des eaux. « Pourquoi es tu si triste ? »
« C’est mon pauvre enfant ». La mère raconta alors toute l’histoire. La naïade comprit alors ce qu’il s’était passé.
« Cet esprit des bois est un menteur et un voleur, il mérite une bonne correction, je vais t’aider »
« Merci beaucoup » dit la mère des larmes de joie dans les yeux.

Le mercenaire fit une pause pour respirer.
- Raconte moi la suite, insista le mort vivant impatient.
- Je continue alors
Donc grâce à l’aide de la naïade, la famille du pauvre jeune homme préparèrent un piège. Elle leur dit surtout qu’elle était le point faible de l’esprit de la forêt, il avait une peur panique du feu. Ils construisirent alors une petite cabane en bois, avec un plancher et aucunes ouvertures à par la porte d’entrée.
La mère alla dans les bois et appela l’esprit de la forêt, celui-ci apparut aussitôt.
« Que me veux tu ? Je ne rendrais pas la jeunesse de ton fils »
« Pas du tout grand Esprit de la forêt, je voulais vous dire que nous avions construit un temple pour honorer les bienfaits que vous nous avez apporté »
Flatté par les paroles de la femme, l’esprit de la forêt ne se méfia pas.
« Montre moi donc ça »
La mère l’emmena jusqu’à la cabane, là toute la famille lui fit des flatteries et des compliments, l’esprit de la forêt paradait devant eux, très fier de lui.
« Voulez vous bien entrer dans votre temple Grand Esprit de la Forêt »
Il ne se fit pas prier et entra en affichant un air supérieur. Aussitôt qu’il fut à l’intérieur, le père ferma la porte de l’extérieur avec une barre de fer. L’esprit des bois était pris au piège.
Le bakrys sursauta à ce passage, faisant s’arrêter Seldorn qui s’attendait à ce que la créature lui saute dessus.
- Mais continue, fit le gardien de la crypte, que se passe t’il ensuite ?
Malgré sa surprise, le mercenaire continua.
- L’esprit de la forêt entra dans une fureur noire, et se jeta contre la porte sans parvenir à la casser. Il essaya tous ses pouvoirs magiques pour essayer de s’enfuir mais rien ne faisait effet. La naïade avait fait en sorte que tous les pouvoir de l’esprit de la forêt soient impuissants.
« Libérez moi tout de suite » hurla t’il.
« Tu devras rendre la jeunesse de mon fils avant » répondit la mère.
« Rien ne m’y oblige, je peux vivre ici éternellement »
Soudain, il vit de la fumée qui envahissait la cabane. Il commença à frapper très fort sur la porte.
« Pitié non, sortez moi de là, je ferais ce que vous voulez mais sortez moi de là »
« Rend la jeunesse à mon enfant immédiatement »
« Très bien »
L’esprit de la forêt lança quelques mots, et le jeune homme retrouva son visage d’avant et son age de jeune gens.
« Voilà c’est fait, libérez moi je vous en supplie »
Le père retira la barre à la porte de la cabane. L’esprit des bois jaillit de celle-ci en criant d’effroi. Il découvrit alors que la cabane était intact et que seul un peu de feuillage encore vert brûlait, d’où venait toute la fumée.
« Vous m’avez trompé »
« Comme toi tu as trompé mon fils, nous sommes donc quitte »
« On ne m’y reprendra plus en tout cas »
L’esprit de la forêt retourna dans ses bois en maudissant son erreur.
Le jeune homme embrassa ses parents, et la joie revint sur tous les visages. Depuis le jeune garçon ne fait plus aussi facilement confiance au gens et la mère se rend tous les jours à la fontaine pour remercier la naïade de son aide.

Seldorn acheva son conte avec de la peur dans la voix, il ne savait pas ce qui allait advenir de lui maintenant. Mais contre toute attente, le bakrys se mit à rire et à applaudir en voletant dans les airs.
- Bravo, ça faisait longtemps que je n’avais pas entendu d’histoires.
Le mercenaire ne savait pas comment il devait réagir.
- Je suis content que mon conte vous ait plu, articula difficilement l’homme.
Le mort vivant regarda alors l’horizon avec un air triste.
- Le jour va bientôt se lever, quel dommage, j’aurais bien écouté une autre histoire. Je suis désolé je dois te laisser, je vais avoir quelque chose de nouveau pour m’occuper, tirer au clair toute l’intrigue de cette histoire.
La créature sautait presque de joie dans les airs.
- Au revoir, et merci pour le conte.

Seldorn regarda incrédule le bakrys lui tourner le dos et partir en sifflotant. Son cœur battait la chamade et il n’arrivait pas à y croire, il était vivant. Le mort vivant lui avait laissé la vie sauve pour avoir seulement écouté une histoire.
Encore sous le coup de la surprise, le mercenaire se releva péniblement, les yeux un peu fou, ramassa son épée, et partit en courant sur la plage. Il courut comme si une meute de loup était après lui, le regard dirigé droit devant.

Seldorn fut en vue bientôt d’une maison, il frappa à la porte en appelant à l’aide. Un vieux pécheur lui ouvrit très surpris de trouver à sa porte un homme dans un tel état. Il le fit entrer chez lui et l’installa dans une chaise prés du feu. Il apporta un verre d’alcool au mercenaire qui lui fit un sourire de gratitude. Seldorn le but d’un seul trait.
- Je me sens mieux, fit le guerrier.
- Tu es dans un sale état mon gars, mais d’où tu viens comme ça ?
Le mercenaire réfléchit un instant puis il regarda le vieux pécheur.
- Je vais vous raconter une histoire …

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Des applaudissements retentirent dans la salle commune de l’auberge. Dehors le vent soufflait des rafales de pluie contre la façade du bâtiment, l’hiver s’était installé dans le pays. Tout le monde recherchait un peu de chaleur en cette froide soirée, et les voyageurs un toit pour la nuit.
Ce soir là, l’aubergiste était plutôt satisfait, un conteur s’était arrêté dans son établissement et il régalait l’assemblée de ses histoires. L’homme se rendit compte qu’il ne connaissait même pas le nom de ce conteur. Alors profitant qu’il est terminé pour l’instant, l’aubergiste vint vers lui en tenant une chope de vin chaud et un bol de ragoût.

- Félicitation, c’est la première fois que j’entends cette histoire.
- Merci, fit seulement le conteur en prenant le vin chaud et la nourriture.
- Mais où avez-vous entendu cette histoire ?
- Elle vient d’un autre temps, d’une autre vie.
L’aubergiste ne comprenait pas ce que voulait dire le conteur.
- Mais au fait, je n’ai même pas pensé à vous demander comment vous vous appeliez ?
L’homme se mit à sourire et regarda l’aubergiste.
- Je m’appelle Seldorn.

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Et voilà, c'est la fin de la nouvelle "le conte ou la vie" , j'espère qu'elle vous aura plus
N'hésitez pas à laisser des commentaires ^^
Bisous à tous ^^