-Eolia... Eolia, réveille-toi.
Eolia ouvrit les yeux et vit son père, assis sur son fauteuil.
-Bonjour papa, dit-elle.
-Eolia, ma fille, va voir Mickaël à l'infirmerie. Il a besoin de toi comme jamais auparavant. Tu dois être à ses côtés.
La jeune fille hocha la tête, elle enfila ses chaussures et elle se rendit à l'infirmerie. Carole était assise sur un tabouret. Elle semblait épuisée. Des cernes violettes soulignaient ses yeux et son dos était courbé comme s'il supportait une trop lourde charge.
-Va te reposer, Carole, je veille sur lui.
Carole posa sur Eolia un regard bienveillant et rassuré.
-Comment va-t-il ? demanda le capitaine.
-Il n'est pas au meilleur de sa forme. Il lutte pour ne pas abandonner la bataille. Plusieurs fois, je l'ai entendu prononcer ton nom.
-Mais va-t-il survivre ?
-Dieu seul le sait. Vois-tu, il a un poumon perforé, son bras gauche est hors service, certaines de ses côtes sont fracturées, ses intestins sont déplacés. J'ai replacé les intestins, je lui ai remplacé son poumon par un artificiel, je l'ai recousu et j'ai supprimé la chair mixée qu'était son bras gauche. Tout se joue sur lui, maintenant : aura-t-il la force et la volonté de ne pas franchir la barrière ?
-Il ne mourra pas ! assura Eolia. Il ne peut tout simplement pas mourir. Il ne m'a jamais laissée seule sauf lorsqu'il est parti à l'armée.
-Lia... gémit Mickaël.
Eolia regarda son ami et elle passa sa main sans ses cheveux bruns emplis de sueur.
-Tais-toi, murmura-t-elle. Ne gaspille pas tes forces, tu en as besoin.
-Non, Lia... Plus maintenant, c'est fini...
-Je t'interdis de dire ça, Micka, le gronda gentiment Eolia en lui prenant sa main droite et en enlaçant ses doigts aux siens. Je ne veux pas que tu meures...
D'une voix étranglée par l'émotion, elle ajouta :
-Je t'aime, moi...
-Tu viens de me faire le plus beau cadeau, et maintenant, je vais pouvoir mourir avec cette certitude d'être aimé par toi. Tant de fois, j'ai espéré que tu me dirais cette petite phrase magique les nuits où nous étions ensemble.
-Je suis désolée.
-Non, Lia, ne le sois pas. Et surtout... n'oublie jamais les années de bonheur que nous avons passées ensemble.
-S'il te plaît, ne me quitte pas...
Mickaël serra fort, dans sa main, la main d'Eolia, puis son étreinte se relâcha.
-C'est fini, murmura Carole en baissant les yeux. Je suis sincèrement désolée, Eolia.
-Tu n'as pas à l'être. Je sais que tu as fait de ton mieux.
Du pouce et de l'index, le capitaine de l'Hémisphère ferma les yeux verts de Mickaël, ces yeux verts qu'elle voyait pour la dernière fois, elle déposa un baiser sur les lèvres du jeune homme. Puis les yeux humides, elle quitta l'infirmerie et se rendit sur le pont, la tête haute. Elle ne voulait pas montrer la tristesse qui l'accablait. L'envie de sauter par dessus-bord et de tuer uns à uns ces requins maudits qui avaient donné la mort à cet être qu'elle aimait le plus au monde la prit, mais elle se ressaisit. Elle n'avait pas le droit d'abandonner aunsi le bateau et l'équipage dont elle était le capitaine. Elle devait se montrer forte, sans faille. Sur l'Hémisphère, elle n'était plus une jeune fille de dix-sept ans avec ses envies, mais un capitaine qui avait un devoir : celui d'emmener à destination navire et équipage.
-Eolia !
La jeune fille tourna la tête et vit Carole, les yeux rougis de tristesse et violacés de fatigué. Avec un sursaut d'espoir, elle demanda :
-Il s'est réveillé ?
-Non, Eolia. Je suis désolée. Mais je viens de voir Musha et il m'a dit que ta cheville était blessée. Il l'a sommairement désinfectée mais je dois y jeter un oeil.
-Va te reposer, Carole. Nous verrons cette cheville plus tard.
-Mais je...
-C'est un ordre, coupa Eolia en souriant. Va te reposer, tu en as besoin.
Carole ne discuta pas et la tête basse, elle repartit. Eolia trembla de tristesse et elle alla à la cuisine. Julian découpait le poisson mais il était dépourvu de son entrain habituel. Il regarda son capitaine et il lui adressa un pâle sourire.
-Mes condoléances, Eolia.
-Merci.
-Si jamais tu as besoin de quelque chose...
-Je te remercie, Julian, répondit Eolia en fouillant dans un placard.
Elle prit un verre, se versa une rasade de Whisky et elle sortit de la cuisine. Elle se rendit dans la chambre qui avait été celle de Mickaël. Elle le voyait partout : allongé sur son lit, appuyé contre un mur, adossé au placard...
-Micka, gémit Eolia.
Elle posa son verre de Whisky sur la table basse et elle entreprit de ranger les affaires de Mickaël. A chaque T.Shirt qu'elle rangeait, à chaque jean qu'elle plaiait, une émotion intense lui étraignait le coeur. Elle avala une gorgée de Whisky et le liquide ambré lui brûla la gorge en même temps qu'il la reprit à l'ordre : accomplir son devoir de capitaine sans fléchir !
A suivre... |