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Geneworld.net>Fan-fictions>Naikkoh>Tales of Symphonia - Ce que nous dicte le coeur- Partie II

10 - CONFRONTATIONS PAR NAIKKOH

(je rapelle à toute fin utile que le texte entre "texte" correspond aux pensées des personnages. Dans le texte originale cette partie est en italique mais puisque le forum ne prend pas en compte les effets de styles je suis bien obligée de me débrouiller autrement^^)



La nuit était tombée, enveloppant dans son écrin de soie noire le monde prospère de Tésséha’lla. La lune, tel une perle de nacre aux douces rondeurs, s’élevait haut dans le ciel moucheté de diamants scintillants.

Un petit groupe de marcheurs avançait le long d’un sentier forestier serpentant entre les épicéas et les mélèzes, à la lueur vacillante et timide de la lanterne brandie par l’homme de tête. Ses vêtements, aussi sombres que les sous-bois environnants, donnaient l’impression inquiétante que la lanterne flottait toute seule. La petite troupe avançait cahin-caha, leurs pas étouffés par le tapis d’aiguilles de pins à terre. À en juger par leur démarche hésitante, cela faisait un bon moment qu’ils cheminaient ainsi et la fatigue se faisait ressentir dans les rangs. Une des formes noires s’affaissa soudain sur elle-même, à bout de force. Aussitôt, une de ses compagnes se précipita vers elle.
- Ça va ? demanda-t-elle.
Elle s’avança vers la silhouette assise à terre et fit mine de la hisser sur son dos pour continuer le voyage. Cette dernière esquissa un geste.
« Non, … non tout va bien. Je vais me lever dans cinq minutes. Juste le temps de souffler un peu, répliqua-t-elle.
- Non Colette, ça ne va pas et je le vois bien. Nous marchons depuis des heures maintenant et il est normal que tu sois épuisée.
- Mais toi tu continues d’avancer », fit la jeune fille sur un ton de reproche.
Elle s’en voulait d’être si faible. Elle était pathétique… Son intervention dans le village les avaient peut être sauvés d’une mort certaine mais à présent elle ralentissait tout le monde. Elle secoua la tête, essayant par ce geste de chasser sa fatigue et jeta un coup d’œil sur le reste du groupe en contrebas. Tous affichaient de sombres visages, nul besoin de lumière pour le deviner. Colette avisa Régal qui portait le corps de Génis sur son dos et soupira. Combien de temps tiendrait leur ami sans des soins plus poussés ? Régal maîtrisait des sorts de guérison mineurs et il avait pu enrayer pour un temps l’hémorragie. Cependant, durant leur fuite du village dévasté, les secousses, que l’ancien aristocrate n’avaient pu amortir, avaient rouvert la blessure du petit magicien et une tache écarlate s’étendait de plus en plus sur son torse.
Lloyd interrogea du regard leur guide qui était revenu sur ses pas en constatant soudain que certains s’étaient arrêtés en chemin. Leur destination était-elle si loin ? Ils avaient progressé toute l’après midi dans les collines s’étendant derrière Mizuho et s’étaient attaqués aux premières montagnes en début de soirée, ne s’accordant qu’une courte halte pour calmer leurs estomacs mourrant de faim.
- Il nous reste encore une bonne heure de marche avant d’atteindre le camp. Courage ! répondit le guide à sa question muette.
"Encore une heure !" pensa Colette avec amertume.
Ses pieds lui faisaient un mal de chien à force de butter à chaque pas sur les racines qui ornaient le sentier. Exténuée, elle pensa avec délice à un bon bain chaud mais se ravisa presque immédiatement, un peu honteuse de ses pensées égoïstes. Avec un imperceptible soupir, elle accepta, résignée, la main amicale et chaleureuse que lui tendait Lloyd. Ce dernier la tira à lui et quelques secondes plus tard la jeune fille blonde se trouvait à nouveau sur ses pieds. Elle adressa à son ami un pâle sourire qui se voulait rassurant et la colonne de marcheurs se remit en branle sous les hululements des chouettes et autres rapaces nocturnes.

------
Accoudé sur le rebord de sa fenêtre, Zélos contemplait avec une fascination certaine la mer démontée à ses pieds. Une tempête faisait rage depuis la fin de l’après midi et la fuite du jour n’avait en rien calmé les éléments déchaînés. Bien au contraire, alors que la nuit recouvrait de son noir manteau l’Abbaye du Sud-Est et ses alentours, le vent avait forci et les vagues s’étaient creusées davantage.
À présent, l’Elu offrait, avec délectation et sans retenue, son visage aux intempéries. Il lui semblait avoir trouvé là un dérivatif à la rage et la rancœur qui lui obscurcissaient l’esprit et lui tordaient les entrailles. Le tumulte de ses pensées trouvait curieusement écho dans chaque mugissement du vent, chaque vague s’écrasant furieusement contre la falaise quelques mètres plus bas, chaque roulement de tonnerre. Chaque éclair qui zébrait le ciel, éclairait durant une fraction de seconde la chambre d’une lueur fantomatique, révélant ça et là des meubles renversés, un pichet en terre finement travaillé gisant au sol, brisé. Le chandelier avait roulé sous le lit et les draps étaient éparpillés dans la pièce, claquant au vent. La pluie battante s’insinuait à l’intérieur depuis la fenêtre grande ouverte, inondant Zélos et le plancher.
Lorsqu’il était remonté, à la suite de son échange avec Kratos, la vue de cette chambre si propre et bien rangée l’avait insupporté au plus haut point, et dans un accès de fureur, le jeune homme avait tout bonnement dévasté la pièce, la rendant ainsi plus conforme avec son humeur du moment.

Que devait-il faire bon sang ? Quelle conduite adopter ? Jusqu’à présent il avait toujours su quelle décision prendre et à quel moment il fallait la prendre. Aujourd’hui, il était tout simplement perdu et tentait de se convaincre que tout ceci n’était qu’une petite crise passagère, une lubie – une de plus- sans grande importance. Il n’allait pas tout gâcher si prêt du but… Bientôt son statut écrasant d’Elu de la Régénération lui serait à jamais ôté… Il serait libre !. .. Libre… enfin ! … Libre d’aller et venir à sa guise sans avoir de compte à rendre. Libre de parler sans être jugé. Libre d’être lui-même sans que l’on décortique ses moindres faits et gestes. Il attendait ce moment depuis si longtemps. Combien de fois avait-il rêvé que l’on s’intéresse à lui pour ce qu’il était et non pour son nom, sa fortune, son pouvoir, ou encore sa personne ? Depuis bien trop longtemps maintenant, ce carcan l’étouffait, éteignait à petit feu son âme et le rongeait de l’intérieur...
Qu’ils aillent tous au diable ! Tous autant qu’ils étaient ! Puisque sa chère sœur avait l’air de tellement tenir à devenir l’Elue à sa place, qu’elle le garde ce foutu cristal ! Il n’allait surtout pas la priver d’un tel « privilège ». Mais qu’elle ne vienne pas se plaindre après.
Il éclata alors d’un petit rire nerveux sans joie.
Pourtant, plus il laissait libre cours à ses égoïstes pensées, plus le visage défait et terrifié de Sheena lui revenait en mémoire. Son cœur s’emballa alors bien malgré lui.
"Sheena.
Non ! Arrête ça tout de suite Zélos ! Tu ne peux pas te permettre ça ! Pas maintenant !"
Et il secoua la tête afin de chasser cette image qui semblait vouloir être collée à ses rétines. Une autre s’imposa à lui. Celle d’une jeune femme blonde à la beauté éblouissante, rougissant de son sang versé la neige immaculée. Une larme de douleur roula sur sa joue, invisible parmi les gouttes de pluie qui battaient son visage.
"Mère !"
Voilà bien longtemps qu’il n’avait pensé à elle. Cela faisait presque dix-sept ans en fait, et depuis ce jour maudit pas une seule fois il n’avait versé une larme. Dans son dernier souffle, elle lui avait fait promettre d’être fort, de ne jamais abandonner. Et, c’est ce qu’il avait fait… à sa manière toutefois. Il n’avait jamais montré ses faiblesses à personne, utilisant par contre celles des autres sans aucune retenue. Dans un monde qui ne voulait pas de lui, il avait su s’imposer, trouver sa place, et était rapidement devenu très peu scrupuleux sur les moyens employés pour y parvenir. Seul le résultat comptait. Cela bien sûr, n’avait pas été du goût de tout le monde, notamment du Pontife et de la monarchie qui pensaient faire de cet enfant investi de tant de responsabilité et de pouvoir, une marionnette dont il serait aisé de tirer les ficelles. Pourtant, le jeune garçon, encore endeuillé par la disparition brutale de celle qui l’avait mis au monde, s’était révélé beaucoup plus retord qu’ils ne l’avaient prévu au départ. Décidé à ne pas subir son destin mais à le créer, l’Elu était devenu une entité avec qui il fallait compter sur l’échiquier du pouvoir.
Mais aujourd’hui, si près du but qu’il s’était fixé, Zélos était las de toute cette mascarade grotesque qu’était sa vie. Il n’était plus tout à fait sûr de vouloir sacrifier la jeune Elue de Sylvarant sur l’autel de ses manigances personnelles. Une part de lui, lui soufflait de laisser de coté ses hésitations : il n’accomplissait là qu’un devoir envers lui-même. Il ne devait pas laisser passer sa chance. Elle ne se représenterait peut être jamais. Une autre part, cependant, doutait. N’allait-il pas, par son geste, perdre les seules personnes qui comptaient un tant soit peu à ses yeux ?
Il eut soudain la désagréable sensation d’être épié. Son échine se hérissa et ce n’était pas dû au froid glacial de la pluie diluvienne. Des années d’entraînement aux arts du combat avaient aiguisé cette faculté, propre à tout combattant, de percevoir l’hostilité tapie dans l’ombre et c’était ce qu’il ressentait à cet instant. Il se retourna vivement, la main sur la garde de sa dague, prêt à dégainer. Il ne vit pourtant rien et allait relâcher la tension qui engourdissait ses muscles lorsqu’un nouvel éclair déchira le ciel plombé. Accompagné du fracas assourdissant d’un coup de tonnerre, il illumina la chambre. Son cœur manqua alors un battement.

A coté du lit défait se tenait un être dont le regard vide et étrangement fixe laissait à penser que ce corps n’était qu’une coquille vide et sans âme. Un ange du Cruxis.
"Mais qu’est ce qu’il vient foutre là lui… ? Et surtout, comment a-t-il pu rentrer alors que la porte est fermée à clé et que celle-ci est dans ma poche ?"
Une sonnette d’alarme retentit avec force quelque part dans la tête de l’Elu qui retenait son souffle. Ce larbin d’Yggdrasill n’était sûrement pas venu là pour faire la conversation en toute courtoisie.
- C’est à quel sujet ? commença Zélos en prenant un air faussement décontracté.
Intérieurement pourtant, il était tendu à l’extrême.
L’ange releva lentement la tête vers lui, comme si les paroles que venaient de prononcer son interlocuteur l’avait réveillé d’une quelconque transe. Il planta son regard sans vie dans celui de l’Elu qui se sentit soudain très mal à l’aise. À croire que cet être étrange était en train de sonder son âme et ses pensées les plus intimes. Il tenta alors de faire le vide dans son esprit, mais plus il essayait, plus sa tête fourmillait d’images, comme si l’ange cherchait quelque chose de précis dans son sub-conscient. Le jeune homme se prit la tête entre les mains et appuya sur ses tempes avec force, essayant par ce simple geste de stopper ce défilé continu. La douleur lui vrilla le crâne et il tomba à genou, le souffle court, réprimant le cri de souffrance provoqué par cet exam mental.
- Non ! gémit-il piteusement.
L’ange haussa les sourcils d’étonnement, animant son visage de cire d’une mimique presque grotesque. Comment ?! Ce misérable humain osait essayer de se soustraire à la volonté de Lord Yggdrasill, son seigneur et maître ?! Une telle chose était tout bonnement inenvisageable ! La créature ailée poussa alors plus loin son intrusion dans l’esprit de l’Elu, broyant d’une main de fer ses dernières résistances.
Le sang battant ses tempes et les oreilles bourdonnantes, Zélos était au supplice. Il avait l’impression que son cerveau menaçait d’imploser à tout moment tant la douleur était vive et lancinante. Une lame passée au travers du corps n’aurait pas eu meilleur effet, il en était certain.
"Ne pas penser… ne penser à rien… ne pas penser…"
Telle était la litanie que marmonnait le jeune homme roux qui espérait ainsi pouvoir reprendre le contrôle de son esprit. Action dérisoire en réalité car le pantin d’Yggdrasill était infaillible. Une foule de sensations et d’images venaient assaillir Zélos complètement dérouté. Une multitude de jolis minois féminins passèrent devant ses yeux écarquillés - ses anciennes conquêtes comprit-il, dans un sursaut de lucidité - parmi lesquelles trois visages revenaient régulièrement, superposables et interchangeables à l’infini. Trois femmes. Une blonde, une rousse et une brune. Trois entités symboliques qui tourbillonnaient autour de lui tel des fantômes évanescents. La mère, la sœur et la femme…
- Arrêtez !! ! Arrêtez ça ! supplia-t-il les yeux brouillés et la tête emprisonnée dans un étau de douleur.
Autant parler à un mur. L’ange du Cruxis, impassible continuait son office tandis qu’au dehors, la tempête battait son plein.

Une voix désincarnée semblant venir d’outre-tombe emplit soudain la pièce ravagée par les intempéries et les sautes d’humeur de son propriétaire, tandis que la boite crânienne de Zélos éclatait en milles éclats de verre. Ou tout du moins en avait-il la ferme sensation…
- Bien. Cela suffit comme ça. J’ai ce que je voulais savoir.
Le ton était dur, tranchant.
« Oui maître, ânonna l’ange d’une voix monocorde en relâchant la pression invisible qu’il exerçait sur le cerveau du jeune homme.
- Alors mon cher « Elu », reprit la voix glacée, teintée d’une pointe d’ironie. Aurais-tu envisagé une seule seconde de ne pas respecter tes engagements auprès de moi ? »
L’Elu en question resta immobile, prostré à même le sol, haletant. Il était bien incapable à présent du moindre discours cohérent. Sa conscience semblait être en miettes et au prix d’un douloureux effort, il tenta tout même de relever la tête.
- Réponds ! Réponds lorsque je m’adresse à toi misérable chien d’humain !! ! fulmina la voix au timbre métallique.
Le dernier terme fut craché avec un mépris non dissimulé, comme si prononcer ces simples mots lui avait brûlé la gorge.
La douleur revint au galop dans le crâne de Zélos, fulgurante, et son hurlement fut aussitôt happé et noyé dans le mugissement du vent.
« Oui… je … je veux dire non. Ja- jamais je n’aurais… eu… l’audace… de…, parvint-il à répondre finalement, le souffle haché par la souffrance et le front baigné de sueur.
- C’est bien vermine. Je veux cette fille. Lorsqu’elle sera en ma possession, alors je te donnerais ce que tu désires si ardemment, lui susurra la voix envoûtante et traîtresse à l’oreille. Dans le cas contraire, je saurais m’assurer de ta « coopération ». Je sais où frapper à présent… »
Zélos tressaillit. Dire qu’il avait espéré l’espace d’un instant la laisser en dehors de tout ça. Qu’il était donc stupide ! Le jeune homme eut un sourire désabusé devant sa propre naïveté. Comment avait-il pu oublier ces règles élémentaires, lui rompu aux querelles intestines pour l’accession au pouvoir et dans lesquelles tous les coups étaient permis ? Ne jamais s’attacher, ne jamais donner à l’ennemi l’occasion de pouvoir vous atteindre et frapper, frapper toujours le premier.
- Tu n’auras donc pas fini de faire souffrir les femmes, mon pauvre petit chien…, railla la voix moqueuse du chef du Cruxis. Allez, va ! Et ne me déçois pas. Tu pourras bien le regretter sinon… et peut être bien plus tôt que tu ne le crois.

La chambre redevint subitement silencieuse et l’ange s’évanouit dans un halo scintillant, emportant avec lui la voix chargée de menace de son maître.
Zélos cligna des yeux, tant la scène qu’il venait de vivre semblait irréelle. La douleur qu’il éprouva en essayant de se relever, lui prouva sans plus tarder le contraire. Ainsi Yggdrasill savait ses doutes et ses interrogations. Il lui faudrait redoubler de prudence à l’avenir et jouer serré, conscient maintenant que la moindre faute de sa part pourrait avoir des conséquences qu’il ne tenait même pas à envisager. Péniblement il se redressa et expira profondément afin de chasser la douleur qui lui martelait le crâne. Un instant, un voile noir passa devant ses yeux et le jeune homme chancela. Sa main agrippa le rebord de la fenêtre, comme un noyé attrape sa bouée de sauvetage. Il se laissa ensuite doucement glisser le long du mur de moellons, hagard. Dans quel pétrin s’était-il encore fourré…
"Pas de panique Zélos, … analyse les choses dans leur ensemble. Non mais quel abruti je fais ! J’avais bien besoin de ça tiens ! Comment je vais me sortir de cette situation maintenant ? … Oui bon, d’accord, je l’ai bien cherché… ça m’apprendra à jouer selon les règles du jeu de l’adversaire ! Le mal est fait maintenant et me voilà dans de beaux draps ! Qu’est ce que… qu’est ce je dois faire…Déesse ! Je vous en prie !"
Un sanglot d’impuissance monta du fond de sa gorge et il eut beaucoup de mal à le réprimer. Mais en avait-il seulement envie ? Zélos se sentait de plus en plus perdu. Les derniers évènements venaient de fausser complètement son jugement et de balayer ce qu’il prenait hier pour des certitudes.
"Bon, reprenons. Chaque chose en son temps… Mon cher Zélos, il va falloir que tu établisses des priorités. Oui c’est, ça ! Bonne idée ! Des priorités !"
Il avait donné à Yggdrasill les moyens de l’atteindre. Par sa faiblesse, il avait permis l’inacceptable : être sous l’emprise de quelqu’un. Mais était-ce bien la première fois qu’une telle chose se produisait ? Force lui fut de constater, avec amertume, que non, malgré tous ses efforts d’autopersuasion pour se convaincre du contraire. Et comme il avait dû en faire des efforts, pour se maintenir éloigné d’elle ! Surtout après cette lointaine nuit d’hiver où ils s’étaient regardés pour la toute première fois. Comme il avait dû se faire violence, pour ne pas l’arracher séance tenante à cette famille pour qui seuls le paraître et l’honneur de leur nom comptaient. Surtout après cette soudaine étincelle qu’il avait perçu dans ses grands yeux bleus.
Mais il l’avait éloigné de lui.
Inexorablement.
Elle, sa demi-sœur, si détestée et à la fois si chérie. Détestée pour la dévotion que lui portait son père et sa belle-mère alors que lui ne récoltait que du mépris. Chérie, car au delà de cet état de fait, il avait trouvé en elle écho à sa propre solitude et son besoin d’amour.
Il s’était pourtant bien appliqué à sa tache. Trop peut être. Tant et si bien que les barrières qu’il avait volontairement élevé entre eux étaient devenues, au fil du temps, infranchissables. Pourtant, même le plus puissant des murs se fissure un jour ou l’autre.
Et puis, depuis quelques temps, il y avait également ELLE. Sheena. Alors que l’autopersuasion avait fini par fonctionner avec Sélès, avec Sheena cela s’était révélé impossible. Ses fanfaronnades incessantes et son air bravache ne lui servaient qu’à masquer son trouble face à elle. Trouble des sens et trouble de l’âme. En clair, il se donnait une contenance. Il n’avait pas prévu de s’attacher autant à la jeune femme. Bon sang ! Il était vraiment dans la mouise là… et jusqu’au cou ! Pour la première fois depuis longtemps, il avait peur pour une autre personne que lui. Un petit rire désabusé secoua ses épaules.
Rire qui mourut aussitôt. Une pensée sournoise venait de lui traverser l’esprit. Et si Yggdrasill avait décidé de faire un exemple et de mettre ses menaces à exécution ? Ses dernières paroles avaient été, en effet, on ne peut plus énigmatiques.
D’un bond, Zélos fut debout tentant de faire taire les battements désordonnés de son cœur et de contrôler la peur qui lui nouait les entrailles. Un instant il resta planté là, hésitant.
La jeune invocatrice était sous la bonne garde du Professeur et de Préséa en ce moment même. Elle ne risquait donc rien pour l’instant, ses deux compagnes étant là pour la protéger. Et il doutait qu’Yggdrasill se donnerait la peine d’accomplir lui-même la basse besogne. Il enverrait sans aucun doute un de ses sous-fifres. Connaissant la force de la demie-elfe et de la fillette à la hache, il ne doutait pas qu’elles seraient à la hauteur de leur adversaire à plumes. Par contre Sélès était seule.

La porte de la chambre s’ouvrit avec fracas et un jeune homme roux, étouffant une bordée de jurons, s’élança dans le couloir humide comme si l’Elite des enfers elle-même était à ses trousses tandis qu’au dehors, le tonnerre grondait toujours.

-----
Enfin ! Enfin ils étaient arrivés à destination. Jamais cette dernière heure de marche ne leur avait parut si longue.
Colette soupira de soulagement dès qu’elle se fut assise sur une grosse pierre plate qui jonchait le sol nu de la grotte où le village entier de Mizuho avait trouvé refuge. Elle retira ses bottines blanches et remua, avec une satisfaction non dissimulée, ses orteils douloureux et engourdis. Puis, elle prit le temps d’observer son environnement. Elle laissa vagabonder son regard fatigué sur les petits groupes rassemblés ça et là autour de feux de camps. Des tentures et des paravents avaient été dressés à la hâte afin de ménager un semblant d’intimité.
Le brouhaha avait cessé un instant lorsque la petite troupe avait pénétré dans l’excavation humide quelques minutes plus tôt. Que de visages anxieux les avaient dévisagés à ce moment là… qui cherchant un père, qui un mari, qui un fils ou encore un ami ! De la vaillante et fière unité de défense du Mizuho, il ne restait qu’une poignée de combattants.
Fidèle à leur réputation, les proches des victimes ne laissèrent rien transparaître de leur douleur et de leur tristesse Tout n’était que retenue et maîtrise de soi chez ce peuple, constata l’ange blond. Même dans l’épreuve, il restait stoïque en public. A Mizuho, les sentiments devaient restés cachés leur avaient expliqué Sheena et Orochi lors de leur toute première rencontre, et elle venait d’avoir la confirmation de cet adage.
Une forme se dressa devant elle et Colette sursauta violemment. Elle ne l’avait pas senti approcher. Ses sens d’ange faiblissaient-ils ? Impossible ! Et pourtant… Elle devait bien se rendre à l’évidence : elle n’était plus la même depuis un certain temps. Elle releva les yeux et aperçut une femme d’une quarantaine d’année environ qui semblait attendre que la jeune fille lui adresse la parole. Son regard était légèrement baissé et elle s’inclina devant elle en guise de salutation. Colette se redressa vivement, consciente de son impolitesse et invita d’un sourire engageant la femme à s’exprimer.
« Je m’appelle Atsuki mademoiselle. C’est Orochi qui m’envoie. Je suis guérisseuse et j’aimerais pouvoir examiner votre ami si vous le voulez bien.
- Bien sûr. Venez avec moi voulez-vous ? »
L’Elue attrapa la main de la guérisseuse qui parut surprise de cette marque de familiarité. Colette ne fit pas attention à sa gêne et l’entraîna dans son sillage. Seule la vie de Génis comptait à présent.

Lloyd releva la tête en apercevant la jeune fille blonde qui se dirigeait vers eux. Il remonta la couverture sur le corps meurtri de son ami, et après l’avoir confié aux bons soins de Régal, vint à la rencontre de Colette qui lui présenta Atsuki. Ce fut au tour du jeune épéiste de se saisir du poignet de la guérisseuse et la força à courir à sa suite, ce qui révélait du tour de force compte tenu du kimono serré qu’elle portait.
Anxieux, l’adolescent observait cette femme qui à présent palpait le torse de Génis brûlant de fièvre.
- Vous pouvez faire quelque chose ? demanda-t-il avec difficulté.
La guérisseuse fronça ses sourcils noirs sans pour autant répondre et Lloyd se renfrogna. Sensible à sa peine, Colette s’approcha de lui et serra doucement sa main dans la sienne.
- Il va s’en sortir Lloyd… j’en suis sûre, murmura-t-elle avec douceur, la tête posée sur l’épaule de son ami.
Ce dernier ne répondit pas. Trop bouleversé pour prononcer le moindre mot, il se contenta de hocher légèrement la tête et de serrer la main de la jeune fille plus fort dans la sienne.
Ce fût Atsuki qui les tira de leur mutisme en leur demandant, d’un ton qui ne souffrait d’aucune réplique, d’aller leur chercher de l’eau bouillante, des linges propres, ainsi qu’un petit mortier. Lloyd et Colette s’exécutèrent aussitôt.
« Alors, qu’en pensez vous ? demanda Régal à Atsuki dès que ses deux amis se furent suffisamment éloignés.
- Votre jeune ami a reçu une sale blessure, répondit la guérisseuse tout en cherchant le pouls de Génis. Heureusement, rien que je ne puisse soigner. N’ayez, crainte. Il s’en sortira.
- Merci, fit Régal, visiblement soulagé.
- Seulement je me dois de vous prévenir. Je n’utilise pas la magie pour guérir mes malades et il mettra du temps à se remettre.
- Peu importe. Du moment qu’il vit, c’est l’essentiel.
- Alors, il vivra », conclut Atsuki.

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Un coup de tonnerre plus fort que les autres fit sursauter violemment la jeune fille rousse, lovée dans un fauteuil, qui laissa échapper le livre qu’elle était en train de lire. Maudissant sa réaction involontaire – ce n’était qu’un banal orage de fin d’été après tout – elle se pencha pour ramasser son bien et en profita tout de même pour rapprocher son siège de la cheminée. Ce n’était peut être qu’un orage tout ce qu’il y avait de plus ordinaire, pourtant ce genre de manifestation climatique ça n’avait jamais été son truc.
Soupirant, elle reprit sa lecture mais le cœur n’y était plus. Elle ne cessait de repenser à la présence de son frère en ces murs austères et de ressasser sa rancune à son encontre. Perdue dans la contemplation des hautes flammes jaunes qui crépitaient dans l’âtre, elle sursauta à nouveau lorsque la porte de sa chambre s’ouvrit à la volée.

- Zélos ?
Sélès dévisageait à présent son frère avec de grands yeux ronds, intriguée. Le rouge aux joues et la chevelure en bataille, celui-ci tentait de reprendre son souffle en se tenant au chambranle de la porte, une expression visiblement anxieuse, voire paniquée, sur le visage. Il balaya d’un coup d’oeil circulaire l’ensemble de la pièce et fut soulagé de n’y trouver personne. Du moins en apparence.
- Qu’est-ce que tu fais ici ? demanda Sélès, surprise.
Sans un mot, ni un regard pour sa sœur, l’Elu s’avança davantage dans la chambre et entreprit une fouille méticuleuse, rythmée par sa respiration bruyante et désordonnée. Tout y passa. Du dessous du lit au fin fond de l’armoire, sans oublier le derrière des tentures.
- Zélos ! Pour l’amour de Martel ! On peut savoir ce que tu fabriques ? explosa Sélès, furieuse.
Elle avait oublié à quel point son frère pouvait être sans gène et agaçant quand il vous ignorait volontairement. Remise de la surprise de le trouver face à elle, elle s’insurgeait à présent de le voir fouiller dans ses affaires et de violer ainsi son intimité.
Zélos referma les panneaux en bois de l’armoire – la dernière - et poussa intérieurement un petit soupir de soulagement. La pièce était vide de toute présence ennemie. La catastrophe semblait avoir été évitée de peu. Il se surprit presque à remercier Yggdrasill de n’avoir rien tenté. Aussitôt après avoir eu cette pensée, il s’infligea une claque mentale. Lui, implorer la clémence d’autrui ?. .. Il était visiblement tombé bien bas ces derniers temps…
Il sentit soudain une main agripper son avant-bras et le faire pivoter. Une Sélès au bord de la crise d’apoplexie, les yeux exorbités par la fureur, se trouvait à présent face à lui. Les vieux réflexes revenant au galop, le jeune homme afficha instantanément un sourire nonchalant et un brin supérieur.
- Vas-tu me répondre à la fin, Zélos ? vociféra la jeune fille. On peut savoir ce qu’il te prend de débarquer ici tout d’un coup sans même avoir été annoncé ? Et puis, qui t’a donné le droit de fouiller dans mes affaires ?
Si ses yeux avaient été des armes, nul doute qu’elle aurait abattu sur le champ cet impudent !
« Allons, allons, du calme petite sœur, commença Zélos en lui tapotant le sommet du crâne.
- Arrête de m’appeler comme ça sur ce ton condescendant, répliqua immédiatement Sélès sur la défensive. Et ne me touches pas !
- D’accord, d’accord… pas la peine de monter sur tes grands chevaux, frangine.
- Ne–m’appele-pas-comme-ça ! » martela la-dite frangine, au comble de l’exaspération.
Les rares fois où ils s’étaient vus, Zélos avait toujours eu le chic pour la faire sortir de ses gonds en un rien de temps. Et ce soir ne faisait pas exception à la règle.
Sélès se renfrogna et fit la moue. Le jeune homme n’avait toujours pas répondu à sa question.
« Alors ? fit-elle, hargneuse.
- Alors quoi ? rétorqua Zélos sans comprendre.
- Qu’est ce que tu fiches ici ? »
Le ton volontairement blessant peinât Zélos bien plus qu’il ne voulait l’admettre.
« Depuis quand dois-je obtenir une autorisation pour rendre visite à ma petite sœur chérie ? répondit-il dans un grand sourire tout en tentant une étreinte maladroite.
- Et depuis quand je suis ta petite sœur chérie ? fit Sélès, ironique, en se dégageant violemment. Première nouvelle… »
Visiblement excédée, elle se dirigea vers le fauteuil qu’elle avait précédemment quittée pour s’y laisser tomber en levant les yeux au ciel. Son frère suivit le mouvement et vint se planter devant elle.
« Ne sois pas si médisante voyons, susurra l’Elu un doigt posé sur le rebord de la cheminée tout en traçant ses contours d’un air absent.
- Je ne dis que ce qui est cher frère, dit l’adolescente en appuyant bien sur le dernier mot. Tu ne m’as toujours pas dit ce que tu venais faire dans cette abbaye reculée, à mille lieux des palaces que tu fréquentes d’habitude…
- J’avais simplement envie de voir comment tu allais après tout ce temps. Les retrouvailles ont plutôt été brèves tantôt.
- Et tu t’en étonnes ? A qui la faute, dis moi ?
- Quel cynisme ma chère…
- Je ne suis pas cynique, juste réaliste. Tu ne donnes plus signe de vie depuis près d’un an et tu voudrais que je t’accueille à bras ouverts ? Je ne suis plus une enfant facile à berner. Si tu es ici c’est qu’il y a une raison autre que le soudain désir de savoir comment je me porte à croupir dans cet endroit sinistre ! Ne me prends pas pour une imbécile !
- Ai-je déjà dit le contraire ? » fit Zélos sans se départir pour autant de son petit sourire satisfait.
Attitude qui horripila au plus haut point sa cadette.
« Zélos ! aboya-t-elle. Ou tu me donnes une raison valable à ta présence, ou tu fiches le camp de ma chambre et tu me fous la paix, c’est clair ?
- Mais puisque je te dis qu’il n’y a pas de raison particulière ! Tu commences à me courir sur le haricot là !
- Oh, mon pauvre chéri ! Je vais te plaindre tiens !
- Sélès, ça suffit ! gronda l’Elu de Tésséha’lla.
- Tu n’as pas d’ordres à me donner ! Tu n’as aucun droit sur moi ! Tu crois que tu peux te pointer ici la bouche en cœur et faire comme si tout t’était dû ? Pourquoi es-tu ici ? Pourquoi m’adresses-tu la parole ? Il me semblait que ma présence te gênait dans tes activités plus ou moins douteuses. »
Harcelé, pris au piège, Zélos essayait désespérément de trouver une échappatoire à cet interrogatoire qui commençait à tourner à son désavantage. Il détestait par-dessus tout se retrouver acculé et ce mal de crâne l’empêchait de réfléchir correctement. C’était son instinct qui l’avait précipité ici, guidé par la peur de perdre le seul membre de sa famille encore en vie. Mais ça bien sûr, pas question de l’avouer à la principale intéressée. Il avait une image à tenir que diable ! L’esprit tournant à cent à l’heure, il sortit la première excuse qui lui passa par la tête.
« Justement en parlant d’activités douteuses, j’ai besoin que tu me rendes ce que je t’ai confié.
- Quoi ?!
- Mon cristal du Cruxis Sélès, il me le faut et tout de suite.
- Non mais j’hallucine ! Et c’est pour ce caillou que tu as foutu le bordel chez moi ? explosa la jeune fille.
- Ce caillou, comme tu dis, est la preuve de mon statut d’Elu et pour mener à bien une mission de la plus haute importance, j’en ai besoin.
- Alors c’est uniquement pour ça que tu es venu… ? J’aurais du m’en douter… J’ai été bien idiote d’espérer le contraire, murmura doucement Sélès pour elle-même.
- Hein ? De quoi ?
- Non, rien ! répliqua la rouquine, hargneuse, en relevant le menton d’un air de défi. Oh, bien sûr je ne doute pas un instant que cette « mission » est prioritaire et doit relever au moins de la sécurité nationale! Laisse-moi deviner, elle doit comporter froufrous, jupons et dentelles ta mission de la plus haute importance, non ? Comme d’habitude remarque… »
Le ton était cinglant et sarcastique.
Ainsi il n’y avait que lui qui comptait. Sa mère avait raison… il n’y avait rien à attendre de lui. Pourtant, elle avait tellement espéré un changement… Changement qui ne s’était, hélas, jamais produit. Sélès sentit la rage s’emparer d’elle et gonfler encore et encore. Elle eut soudain une envie folle de lui faire du mal, de se venger de cette indifférence qui durait depuis des années. Pourquoi serait-elle la seule à souffrir et à payer les pots cassés ? Après tout, il avait une grande part de responsabilité dans cette histoire… Un petit sourire moqueur étira son visage.

- Mon cher Zélos tu crois que je n’ai pas compris ton petit manège ? commença-t-elle. Le cristal devient ton nouvel objet de parade maintenant ? Ton physique ne te suffit plus ? Ou alors c’est que tes groupies se sont lassées de tes petits tours, et tu as décidé de frapper un grand coup comme on dit ?
A moins que ça ne soit pour impressionner tes nouveaux pigeons ? Ils ont mis en doute ta soi-disant bonne foi et ton ego surdimensionné ne l’a pas supporté, donc tu viens récupérer le symbole de tes pouvoirs ?
Zélos voulut ouvrir la bouche pour argumenter, mais d’un geste impatient de la main, sa sœur le fit taire.
Chacune de ses paroles était comme un coup de poignard porté au coeur. Même si elle se trompait sur le véritable motif de sa présence, Zélos fut forcé de constater que Sélès savait frapper là où ça faisait mal, et en d’autres circonstances il dut bien reconnaître qu’il y avait une part non négligeable de vérité dans son discours.
- Non, ce n’est pas ça ? fit la rouquine avec un brin d’ironie dans la voix.
Constatant que son frère ne réagissait pas, elle continua sur sa lancée :
- Voyons voir… Ah, je sais ! Ça a un rapport avec cette fille que tu as ramené à l’Abbaye ce matin.
Enfin ! Enfin, elle avait perçu une légère crispation chez son interlocuteur. Un imperceptible froncement de sourcil était venu perturber son visage. Froncement qu’il avait d’ailleurs très vite masqué, signe qu’il était toujours autant maître de la dissimulation.
Sélès jubilait intérieurement. Elle avait trouvé une faille dans l’armure et sa colère contre le jeune homme était telle qu’elle s’empressa de s’introduire tête baissée dans la brèche.
- C’était donc ça n’est ce pas ? Qu’a-t-elle donc de si spécial cette fille pour que tu te donnes tant de mal ? Tu n’es pas encore arrivé à la mettre dans ton lit, c’est ça ? D’habitude elles sont plutôt du genre à en redemander pourtant… Et donc tu t’es dit que si tu lui exhibais ton cristal du Cruxis, elle te tomberait aussitôt dans les bras ? Tu me fais pitié mon pauvre… Tu crois donc que tout s’achète dans ce bas monde pour peu que tu y mettes le prix ?
"Ainsi c’est donc tout ce qu’elle pense de moi ?. .. D’un autre coté, je n’ai jamais rien fait pour lui démontrer le contraire…Mais que puis-je y faire ? Je ne sais pas me comporter autrement…"
Cette constatation lui laissa un arrière goût amer. Ce n’était pas tellement le fait qu’il ne voulait pas changer, c’était surtout qu’il ne savait pas comment s’y prendre. On ne lui avait jamais appris à être autrement que cynique, méprisant, calculateur et manipulateur. Et puis il avait bien fallu survivre au milieu de la meute… et il préférait de loin manger plutôt que d’être mangé…
Ce soir, il n’avait pas envie de se perdre dans une discussion sans fin sur le pourquoi du comment, il était las et n’était pas d’humeur à la joute verbale…. C’est pour cette raison qu’il lui servit sur un plateau le discours qu’elle avait envie d’entendre.
- Et bien pour te dire la vérité… oui.
- Quoi ?! fit Sélès estomaquée devant cet aveu. Alors tu n’as aucuns scrupules ?
- Pas le moindre, répondit Zélos. Si j’en avais eu à un moment donné, je ne serais plus là pour t’en parler figure-toi. Le monde n’est pas aussi simple que tu sembles le penser…
- Comment le saurais-je ? Je ne sors jamais d’ici !
- Et qu’est ce qui t’en empêche ? » rétorqua le rouquin.
Sélès en resta abasourdie. Comment osait-il évoquer sa réclusion alors qu’il en était la cause indirecte ? Tremblante de rage, elle s’efforçait maintenant de contenir ses larmes. Elle ne voulait pas se montrer faible et s’abaisser à pleurer devant lui. Hors de question de lui faire ce plaisir !
Pourquoi avait-il fallu qu’il vienne jusque ici, raviver ces plaies qui commençaient tout juste à cicatriser ? La haïssait-il à ce point ? Mais qu’avait-elle donc fait ?
Elle avait voulu lui faire mal, mais la situation s’était retournée contre elle, et à présent c’était elle et non lui qui souffrait. Elle était devenue l’arroseur arrosé…et elle ne faisait pas le poids à ce petit jeu là.
Craignant que la situation ne s’éternise, Zélos tendit la main sous le nez de la jeune fille en soupirant d’un air impatient. Sélès releva la tête et son frère put croiser son regard l’espace d’un instant. Ses yeux parlaient pour elle au-delà des mots. Il l’avait blessé. Profondément. Le temps qu’il comprenne ce qu’il venait de voir et les implications que cela supposait, sa sœur avait déjà reprit un visage neutre et seul le léger tremblement de sa lèvre inférieure trahissait son trouble. Elle le poussa sans ménagement et franchit à grandes enjambées l’espace qui la séparait de son lit. Elle s’agenouilla à terre, souleva le matelas avant d’y glisser son bras, farfouilla quelques instant sous le regard perplexe de l’Elu, puis en ressortit un petit coffret en bois marqué des armoiries des Wilder ainsi que de l’Eglise de Martel. Sans un mot, elle revint se planter devant Zélos et, les yeux rivés aux siens, lâcha la cassette à ses pieds, un air de défi sur le visage. Le frère et la sœur entrèrent alors dans un combat silencieux où chacun essayait d’écraser l’autre par la seule force de persuasion de son regard, tels deux fauves prêts à se jeter dessus, narines frémissantes et muscles bandés.
Ce fut Sélès, qui la première, cilla, ne pouvant supporter plus longtemps d’être exposé au courroux de son aîné. Son regard brûlant de colère l’avait pétrifié. Elle choisit la fuite à l’affrontement direct, une fois encore. Elle n’était pas assez sûre d’elle pour l’attaquer de front. Pas encore en tout cas. Haussant les épaules elle ramassa son livre, retourna s’asseoir dans son fauteuil de manière à lui tourner ostensiblement le dos et reprit sa lecture comme s’il ne s’était rien passé.
Zélos la scruta un instant encore, puis se baissa lentement pour récupérer le cristal du Cruxis dans son écrin. Ce caillou lui attirait décidément bien des contrariétés…
Perturbée par sa présence persistante, Sélès relisait pour la troisième fois la même phrase sans pour autant en comprendre le sens.
"Va-t’en maintenant Zélos… Va-t’en… Dépêches-toi… Sors d’ici…"
Les yeux fermés et les mains tremblantes, la jeune fille priait de toutes ses forces pour qu’il s’en aille au plus vite. Elle ne voulait pas craquer devant-lui.
Après un moment, qui lui sembla être une éternité, Zélos consentit enfin à tourner les talons. Lorsqu’elle entendit la porte se refermer, elle s’effondra en larmes.

Sélès s’étant enfermé à nouveau dans son mutisme – à qui la faute d’ailleurs – Zélos jugea préférable de s’en aller. Après tout, il avait constaté de ses propres yeux que sa sœur allait bien, il avait finit ce pourquoi il était venu. Bon d’accord, cela ne s’était pas tout à fait passé comme il l’aurait voulu, mais elle était toujours en vie… même si il était certain qu’elle devait le détester encore plus à présent… Et puis il avait récupéré son cristal. Il ne voyait en quoi il allait pouvoir lui servir pour le moment,… enfin autant l’avoir sur soi au moment où il devrait trahir ses compagnons de route, non ?… Il s’ébroua. Il verrait tout ceci en temps et en heure.
À pas de loup, le jeune homme roux quitta la chambre, non sans jeter un dernier regard en arrière. Tout d’un coup il se figea. C’était quoi cette chose grisâtre, qui avait dû être blanche dans les temps anciens, et qui dépassait du fauteuil de sa sœur ? Par Martel ! Il avait la berlue ou quoi ? C’était bien ce à quoi il pensait ? Non ! Impossible ! Et pourtant…
Il plissa les yeux pour mieux voir. Pas de doutes possibles. C’était bien l’écharpe qu’il lui avait donnée il y a longtemps. Il n’aurait jamais pensé qu’elle puisse y avoir accordé tant d’importance, au point de l’avoir conservé durant tout ce temps. Se pourrait-il qu’il se soit trompé ? Se pourrait-il qu’elle tienne finalement à lui au moins autant qu’il tenait à elle et que tout ceci ne soit qu’un masque de plus ? Après l’échange houleux qu’ils venaient d’avoir, pas question de vérifier sa théorie en tout cas. Il chercherait des réponses plus tard. Fort de sa nouvelle découverte sur sa sœur, il referma doucement sur lui la porte. Quelque part au fond de lui, une nouvelle digue venait de se briser.

------
Lloyd piquait du nez. Il s’étira afin de chasser l’engourdissement qui le gagnait petit à petit. Courbaturé par cette marche forcée et leurs récents combats, il fit rouler ses épaules afin de décontracter quelque peu ses muscles endoloris.
Tout était calme dans la grotte. Il caressa machinalement la tête blonde qui reposait, endormie, sur ses genoux, puis se tourna vers le petit corps trempé de sueur étendu à ses cotés. Loin d’être aussi rapides que les sorts de guérison du Professeur, les soins d’Atsuki s’étaient pourtant révélés assez efficaces. Il changea la compresse sur le front de Génis tout en écoutant sa respiration sifflante. Au moins l’hémorragie était enrayée et il ne délirait plus. Les avants bras, le torse et la gorge du petit magicien étaient couverts par une étrange mixture verdâtre et nauséabonde, mais ces cataplasmes avaient l’air de faire effet.
L’épéiste soupira. Pendant combien de temps encore ses amis allaient prendre les coups à sa place ? Quand serait-il assez fort ?
Colette gémit dans son sommeil et Lloyd passa doucement sa main sur sa joue ce qui apaisa immédiatement la jeune fille. Un petit sourire étira le visage de l’adolescent. Quelle que soit la menace qui pesait sur sa tête il ferait tout pour la protéger. Oui, tout…

------
Devait-il entrer ? Telle était la question que se posait Zélos depuis une bonne quinzaine de minutes. En sortant de chez Sélès, il avait voulut faire un petit détour et bien sûr il s’était retrouvé, comme de par hasard, devant la chambre de Sheena. Etrange, n’est ce pas ?
Il était là, perdu dans ses pensées, lorsque la porte s’ouvrir brusquement sur Raine qui eut un mouvement de recul en le trouvant subitement face à elle.
« Zélos ! On n’a pas idée de faire peur au gens comme ça ! J’ai failli avoir une attaque !
- Désolé Raine », rétorqua Zélos.
Mais le ton froid et neutre démentait fortement son propos.
« Tu avais besoin de quelque chose ?
- Non, rien… enfin… si, bafouilla-t-il.
- Il faudrait savoir …», commença Raine visiblement agacée.
Puis son expression se radoucit.
- Tu viens aux nouvelles ?
Zélos acquiesça lentement.
« Je peux la voir ? demanda-t-il.
- Je ne pense pas que ça soit une très bonne idée, tu sais. Elle est encore sous le choc et puis là elle dort. Je lui donné un autre sédatif.
- Raine… juste un instant…
- Bien, soupira-t-elle après un moment de réflexion. Je suppose que je n’ai pas le choix. Mais pas lontemps, hein ? »
La demie-elfe ouvrit la porte, s’effaça pour laisser entrer le jeune homme puis fit signe à Préséa de sortir.
« Merci Raine.
- Zélos ?
- Oui ?
- Ne t’approche pas trop d’elle. C’est un conseil. »
Puis elle disparut dans le couloir sans que l’Elu ait le temps de creuser plus amplement la question.

Qu’est-ce qu’ils avaient tous avec leurs conseils en ce moment ? D’abord Kratos, maintenant Raine. Il était assez grand pour savoir ce qu’il avait à faire à la fin ! Comme s’il allait lui faire du mal en plus !
Il s’approcha du lit de Sheena. Sa poitrine s’abaissait et se relevait au rythme lent et régulier de sa respiration. Son visage de porcelaine était détendu et au creux de son cou reposait un amas de fourrure auquel le jeune homme ne prêta guère d’attention. Elle avait l’air si sereine en cet instant. Qui aurait dit qu’elle venait de se faire agresser quelques heures plus tôt…
Sheena grogna dans son sommeil et se retourna face à l’Elu de Tésséha’lla, la bouche légèrement entr’ouverte invitant à la découverte de contrées encore inexplorées. Hypnotisé par ces lèvres rosées, qu’il devinait sucrées, le jeune homme ne put s’empêcher de tendre ses doigts vers tant de douces promesses. Bien mal lui en prit. Aussitôt qu’il eut esquissé un geste en direction de la belle ninja endormie, un tourbillon de poils, surgi d’on ne sait où, se dressa devant lui, toutes griffes dehors, feulant et crachant.
L’intervention de la créature n’eut pas raison du sommeil de Sheena, imperturbable puisque encore sous l’effet du sédatif administré par Raine. L’Ishkal, car c’était bien lui, dardait sur Zélos ses yeux perçants, réduits à deux petites fentes jaunes sous l’effet de la fureur, le mettant au défi de s’approcher davantage. Un vrai petit diable hors de sa boite. L’Elu, quelque peu décontenancé, recula d’un pas.
- Ne t’inquiètes pas, je ne vais pas lui faire de mal, tu sais.
Et voilà qu’il parlait maintenant à un vulgaire animal, certes plus ou moins magique, mais bon, animal quand même. De mieux en mieux…
- Comme si tu allais me répondre, fit Zélos après un instant de silence. Je suis ridicule, vraiment.
Un petit sourire moqueur étira son visage et il avança d’un pas conquérant vers le lit…pour être aussitôt projeté à l’autre bout de la pièce ! Il se releva en grimaçant. Il avait heurté violemment une commode en bois et sentait encore les poignées en cuivre s’enfoncer entre ses côtes. Décidemment, ce n’était pas son jour aujourd’hui !
Il contempla l’Ishkal, tranquillement assit sur le ventre de l’invocatrice endormie, et le bouclier magique qui les entourait tout les deux tandis qu’il se massait le dos. Visiblement la barrière de Mana était de son fait, il était impossible que cela vienne de Sheena, elle n’avait pas bougé d’un pouce.
- Très bien, très bien. J’ai compris. Je regarde mais je ne touche pas, finit par dire Zélos en levant les mains devant lui en signe d’apaisement.
Et comme si elle avait compris ces paroles, la créature abaissa le bouclier, puis retourna à petits pas se nicher contre le cou de Sheena, sans pour autant cesser de fixer le jeune homme roux de son regard pénétrant.
L’Elu se laissa glisser le long du meuble en bois qui avait amorti son vol plané et se prit la tête entre les mains. Mais que faisait-il donc dans cette chambre à s’enquérir de la santé de cette fille ?
"Cette fille…"
Zélos soupira. En l’espace de quelques heures, il avait fait plus d’un écart à la ligne de conduite qu’il s’était imposé. Alors qu’il avait pris la décision de s’éloigner de tout ça afin de se concentrer uniquement sur son objectif, à savoir conquérir sa liberté par des moyens plus ou moins douteux, le voilà revenu à son point de départ. Cette chambre. Ou plutôt, cette fille justement. Sheena.
Tout ça à cause d’elle… tout ça pour elle… . Finalement, elle était une menace pour lui. Mais quelle délicieuse et troublante menace. Oui, une menace qu’il préfèrerait de loin tenir contre lui…
Zélos s’ébroua. Il tournait en rond et cela ne servait à rien. S’il y avait une décision à laquelle il devait se tenir dans sa vie, c’était bien celle-là. Plus question de faire marche arrière à présent. Il s’était trop aventuré sur le chemin de la trahison et des faux semblants. Peut être qu’en d’autres circonstances, il aurait fait demi-tour à temps mais aujourd’hui il était trop tard. Il soupira à nouveau, résigné.
Et bien, qu’il en soit ainsi… et advienne que pourra ! Il se releva péniblement, le dos voûté par le poids de sa propre culpabilité et des derniers doutes qui venaient l’assaillir. Avait-il eu raison ? Avait-il fait le bon choix ?
Il balaya d’un revers de main toutes ses interrogations. Il avait maintes et maintes fois passé en revue tous les scénarios possibles, et la proposition de Yggdrasill était bien trop intéressante pour être ignorée. Il voulut à nouveau s’approcher du lit et aussitôt l’Ishkal releva la tête.
- Oui, oui je sais ! De loin…, grogna le jeune homme.

De longues minutes s’écoulèrent alors qu’il contemplait, mains enfoncées dans ses poches, sa compagne d’armes. Comme lorsque Kratos, Préséa et lui l’avait arraché des cachots de Meltokio et qu’ils la croyaient morte, il y avait tant de choses qu’il aurait voulu lui dire… Mais aucun son ne sortit de sa bouche, et c’était peut être mieux ainsi. Ce qu’il ressentait à cet instant était tellement confus qu’il n’était pas sûr de savoir trouver les mots justes. Alors, il la regarda avec tout l’amour et les regrets qu’il pouvait ressentir, en ayant l’espoir enfantin que, peut être, cela l’atteindrait, et qu’elle comprendrait enfin ce qui se cachait derrière son masque.
Amour ?! Tiens donc, un nouveau mot dans son vocabulaire… Etrange que cela lui soit venu comme ça, presque naturellement. Mais que lui arrivait-il donc ? Etait-il si faible, si vulnérable, si… pitoyable lorsqu’il se trouvait à proximité d’elle ? Le troublait-elle à ce point ?
L’Ishkal avait à présent fermé les yeux, et un bruit sourd et régulier s’éleva du fond de sa gorge, tel un matou ronronnant de contentement. Cette sonorité, basse et envoûtante, eut pour effet de calmer Zélos, tendu par sa prise de conscience nouvelle, et qui se sentait à présent étrangement serein. Perplexe, il observa la petite créature, et bien que n’ayant aucune preuve matérielle, il était persuadé que celle-ci était la cause de son apaisement. Réagissait-elle aux sentiments des personnes qui l’entouraient ? Il n’aurait su l’affirmer. Ce genre de manifestations extrasensorielles, c’était le domaine de Raine ou de Colette, pas le sien.

Il s’arracha difficilement à la contemplation de la ninja endormie en entendant des bruits de pas dans le couloir. Sans aucun doute Raine qui estimait que le temps de visite avait assez duré.
-Adieu donc…, souffla-t-il en jetant un dernier regard à Sheena.
Puis il tourna prestement les talons et sortit de la pièce au moment où la demie-elfe, talonnée par Préséa, entrait.

_________
Le râteau de Zélos, épisode II :

Sheena grogna dans son sommeil et se retourna face à Zélos, la bouche légèrement entr’ouverte invitant à la découverte de contrées encore inexplorées. Hypnotisé par ces lèvres rosées, qu’il devinait sucrées, Z ne put s’empêcher de tendre ses doigts vers tant de douces promesses.

Z s’approche du lit.
Une explosion retentit et S disparaît dans un nuage de fumée tandis que l’Ishkal saute à la gorge de Z.
Z : Mais tu vas me lâcher sale bête ?!
Un éclair de sadisme brille soudain dans les yeux de l’Ishkal qui projete Z par la fenêtre grâce à la seule force de son mana.
Z (petit point disparaissant à l’horizon) : Vers l’infini et l’au-delà [1] ! La team Zélos s’envole vers d’autre cieeeeeeeeeeeeeeeeeux !

Ting ! (Z est devenu une étoile brillant au firmament)

A la place de S on peut voir le mot suivant sur le lit : « Même joueur, joue encore ! »

Naikkoh : Allez, Z, la prochaine fois ça sera la bonne !^ ^


[1]Réplique de Buzz l’Eclair dans Toy Story
[2]Réplique de la Team Rocket dans Pokémon.
Y a pas à dire, je m’améliore dans mes références moi xD ! Bientôt le monde des Bisounours et les Telletubies ? :p
Allez au prochain chapitre en espérant que je ne vais pas mettre 6 mois à le pondre celui là !^ ^

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