Cette année, Tersius le Faible était mort et, par conséquent, un nouveau chef devait être nommé à la tête de la tribu du Fléau des Loups. Nombreux seraient les fils des grands chefs à se présenter afin de rattacher le Fléau des Loups aux tribus de leurs pères. Car, Tersius n’ayant laissé d’héritier, un concours serait organisé : seul le plus fort et le plus rusé serait digne de mener les représentants de la tribu en question. Il y eut onze candidats : sept fils de chefs, deux hommes et une femme de la tribu ainsi qu’une étrangère. Celle-ci ne manqua pas d’attirer l’attention, étant donné que peut d’étrangers étaient admis à se présenter et encore moins les femmes. Caractérisée par de grands yeux sombres et une chevelure d’ébène, retenue grâce à un bandeau vert, sa présence était troublante et personne n’osa rien objecter à sa candidature. Il y avait comme une aura de mystère qui l’entourait, quelque chose qui frappait les esprits. Malgré cela, très peu parièrent sur ses chances de réussite.
La sélection s’effectuait par duels et, dès le premier combat, l’étrangère fut mise sur le devant de la scène. Son adversaire était le rejeton d’une tribu prestigieuse et l’un des favoris du tournoi. Cela n’empêcha pas l’inconnue de l’éliminer rapidement, si bien qu’on avait peine à savoir ce qui c’était passé. En dépit de leurs espérances, les parieurs aussi bien que les concurrents, voyaient leurs chances s’éloigner bien trop vite à leurs goûts.
En peu de temps, il ne resta plus que deux duellistes sur l’aire de combat : un dénommé Kalass et l’étrangère. Le premier, brillant combattant, stratège à ses heures et même parfois charismatique, portait tous les espoirs. L’étrangère, quant à elle, on ne savait rien de celle-ci sinon qu’elle se battait comme une lionne et que, dans ses yeux, une lueur brillait, provocante, presque moqueuse. Finalement, les forces s’équilibraient et on attendait un combat historique. Quelle ne fut pas la déception des spectateurs de voir que la jeune femme expédia celui-ci aussi vite que tous les précédents adversaires ! Au bout du compte, la seule chose mémorable qu’il y eut dans ce tournoi fut sa brièveté.
L’étrangère contemplait l’assemblée, impassible, et on lui demanda son nom.
« Mon nom est Pendra et je viens revendiquer ce qui me revient de droit. »
Il y eut quelques murmures désapprobateurs mais personne ne contesta le fait que cette Pendra était à présent le nouveau chef de la tribu du Fléau des Loups. Pourtant, voilà qui n’était pas fait pour enchanter tout le monde. La tribu avait été dirigée par un incapable pendant plus de trente ans, la menant à une inexorable déchéance, et pas un guerrier ne pensait que mettre une femme à leur tête serait fait pour améliorer les choses. Son arrivée parmi ses nouveaux frères fut loin d’être chaleureuse et plus d’une centaine de regards la dévisageait. Elle était grande, bien faite, dans les vingt ans, la démarche féline et avec dans les yeux cette chose qui donnait envie de la suivre ou de la craindre. Son accoutrement, plus que singulier, la mettait en valeur tout en jurant avec le reste de la tribu. Les guerriers l’ignorèrent marquant par-là un total manque de respect et un grand dédain. Mais Pendra n’avait cure de ce protocole. Elle s’installa dans sa tente de chef avec la certitude que, bientôt, ses hommes la suivrait aveuglement. Elle attendait justement celui qui enclencherait le début du prestige renouvelé du Fléau des Loups.
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