Une histoire commence toujours par un début et a toujours une fin. Mais cette histoire si étrange a une fin qui n’est en fait que le commencement !
Quelques part dans un bureau mal éclairé un soir sans lune dans un lieu tenu top secret, Automne 2048 !
« - On a un gros problème sur les bras et il va falloir s’en occuper, fit un homme caché par l’obscurité d’un bureau pas très accueillant.
- On est au courant monsieur, répondit une autre personne au garde à vous.
- Vous avez lu le résumé de la mission et vous en connaissez les enjeux, fit l’homme dans l’ombre. C’est une mission prioritaire. L’Avenir de l’humanité est en jeu ! Vous êtes les meilleurs et les mieux qualifiés pour réussir cette périlleuse épreuve. Le temps et vos pires ennemis sont contre vous. Faites de votre mieux mais n’oubliez pas que vous devez passer inaperçus !
- Alors, c’est bien vrai, je vais revoir…Fit une femme.
- Oui, continua l’homme dans l’ombre. Mais Attention, pas de sentiments surtout. Caporal, je vous charge de surveiller tout ça. Si cela dégénère, je vous rejoindrai sur le terrain. Vous allez partir pour un long moment, donc je vous conseille de bien préparer votre expédition. Cette mission risque fort d’être autant douloureuse physiquement que moralement.
- Nous sommes au courant monsieur, fit une troisième personne. On s’apprête à aller rencontrer l’homme qui nous a aidés à devenir ce que nous sommes, malgré le fait que l’on connaisse son destin.
- Faites de votre mieux et bonne chance. »
Lycée Paul Painlevé, Oyonnax, Automne 2002 !
Un jour comme un autre pour tous ces élèves qui se ruaient littéralement vers la sortie, heureux que la journée soit enfin terminée. Les professeurs poussaient tous un ouf de soulagement. La semaine était enfin finie pour eux aussi. Le lycée se vidait de ses derniers élèves alors qu’un jeune garçon, tout timide, poussait à son tour la porte du bâtiment principal. Il avait été le dernier à sortir une nouvelle fois, seul, comme à son habitude. Il passa le portail du lycée et fila jusque chez lui, la tête baissée, comme une personne soumise par de cruels dictateurs.
« - Quoi ? Tu plaisantes ? C’est lui Jérémie ? Fit une fille planquée avec trois autres personnes au coin d’une rue.
- Ouais, y’a pas de doutes ! Fit un jeune homme. C’est bien l’écrivain Jérémie à ses quinze ans. Il est actuellement en seconde et devrait avoir bien entamé son œuvre d’après mes données.
- Eh bien, il n’avait pas l’air très sûr de lui, fit une troisième personne. Exactement comme inscrit dans les premières pages du livre en question. Il ne mentait pas quand il disait que ça partait vraiment de morceaux de son enfance.
- Bon, on n’est pas là pour faire un rapport historique mais pour le protéger, fit la fille. Regardez le groupe là-bas. Il suit Jérémie. Ça me parait louche, il faut aller jeter un œil.
- T’as vu que c’est...fit un des deux garçons.
- Oui, j’ai vu, répondit la fille. Mais on n’a pas le choix. On s’attendait à ce genre de rencontre. Ils ne savent pas qui nous sommes, profitons de l’effet de surprise. »
Un ciel bleu, un soleil se couchant lentement et des rêves plein la tête, voilà ce à quoi pensait ce jeune Jérémie qui rentrait paisiblement chez lui. Il regarda subitement à gauche puis à droite et, n’apercevant personne, il sortit son baladeur, histoire de rendre sa marche moins ennuyeuse. Une douce musique sortit des écouteurs qu’il porta à ses oreilles. Un long soupir s’ensuivit puis le jeune garçon reprit sa route. Il ne savait pas que ses ennuis allaient commencer, qu’une simple rencontre si banale, comme des mots tout simples, allait changer toute son existence. Jérémie regardait souvent le ciel pendant qu’il marchait. Il connaissait par cœur la route qu’il empruntait chaque jour et il ne s’attendait jamais à une surprise ou un changement, s’étant depuis bien longtemps habitué à une vie monotone et faite d’un train quotidien, accompagné de son seul ami, la solitude. L’Amitié, ce mot n’avait pas de réel sens pour lui, il n’avait pas d’amis de toute manière. Des connaissances ! Oh, ça, il en avait des connaissances. Des idées, des pensées secrètes sur certaines personnes, ça aussi il en avait plein la tête. Mais le courage pour aller les voir et engager une franche amitié, ça, il ne savait ce que c’était. Parce qu’il n’y croyait pas. Il n’avait pas la force de croire en quoi que ce soit. Il avait perdu la foi, celle qui l’avait une fois, une seule fois animée par tant de joie. Mais ce rêve n’avait été en définitive qu’une autre souffrance.
Les yeux rivés sur un ciel sans soucis, Jérémie pensait à tout cela, à sa solitude légendaire et à ses seules tentatives pour conjurer le mauvais sort dont il était victime. Une sorte de boule marron monta dans le ciel et se rapprocha du jeune garçon. Ayant à peine le temps de comprendre de quoi il en retournait, Jérémie se prit une motte de terre en pleine figure. Son étonnement lui fit perdre l’équilibre et il se retrouva à terre, lieu qu’il ne connaissait que trop bien depuis qu’il avait connu un certain Yannick. Sa bande n’avait de cesse de le traiter comme un moins que rien.
« - Alors mon petit Jérémie, c’est quoi ce travail ! Fit Yannick.
- Oh, le pauvre chou, fit Adélaïde, la petite-amie de Yannick. Attends, je vais t’aider à te relever.
- Me...merci fit timidement Jérémie en cherchant à attraper la main tendue. »
À peine avait-il tendu sa petite main tremblante qu’Adélaïde la recula méchamment.
« - Eh, ne me touche pas avec tes sales mains ! Fit Adélaïde en ricanant.
- J’ai l’impression que tu as apprécié ma motte de terre, fit Anthony en jonglant avec un autre de ses projectiles. J’ai l’impression que tu en veux encore.
- Non, pitié, fit Jérémie en s’agenouillant. Je tiens à ces habits. Ma maman va m’écorcher vif. Je t’en prie.
- Oh, le gentil fils à sa maman a peur de se salir ! Fit Anthony. Tiens, attrape-là si tu veux sauver tes chers vêtements. »
La main d’Anthony allait pour jeter finalement la motte de terre sous les yeux incrédules de Jérémie mais quelque chose vint stopper son geste. La terre atterrit sur la tête d’Anthony, encore tout étonné par cette étrange intervention.
« - Qui es-tu pour t’opposer à notre bande ? Fit Yannick en remontant ses épaules.
- Moi ? Je m’appelle Mathieu, dit-il en repoussant Anthony plus loin. Et vous, vous allez le laisser tranquille, c’est bien compris. »
Mathieu faisait bien une tête de plus que tous les membres du petit groupe de persécuteurs. Ceux-ci ne voulant pas trop s’y frotter, ils partirent finalement, mais sans oublier de lancer leurs éternelles menaces sur Jérémie, encore tout émoustillé par une telle action en sa faveur.
« - Allez, debout mon grand, fit Mathieu en tendant la main à Jérémie.
- Merci mais je n’ai pas besoin de ton aide pour me relever, fit Jérémie en repoussant cette main pleine d’assurance.
- C’est comme tu le sens, répondit Mathieu en soupirant. Alors, ça va ? Pas trop de casse ?
- Je peux savoir qui tu es pour me demander si je vais bien ? Fit Jérémie étonné. Cette journée est vraiment étrange. D’abord je réussis enfin à finir un rêve et ensuite quelqu’un me porte secours. Je rêve encore, c’est ça ?
- Hahaha, non, je te rassure, tu es bien réveillé. Je m’appelle Mathieu. Mais on se connaît, n’est-ce pas ?
- Non, désolé, jamais vu ! Merci quand même et à bientôt, fit Jérémie en continuant sa route.
- Attends, voyons, souviens-toi, le collège Lumière, la cinquième ? Ça ne te dit rien ? Fit Mathieu en rattrapant Jérémie.
- Le collège Lumière ? Je ne suis jamais allé dans ce collège de fou ! Répondit Jérémie. Je suis allé à Saint Joseph, comme ma mère le voulait. Allez, au revoir, je vais être en retard et elle n’aime vraiment pas ça ! »
Dès que Jérémie eut tourné le coin de la rue, les deux autres comparses, à l’apparence d’adolescents, se rapprochèrent de Mathieu.
« - C’est à n’y rien comprendre, fit Mathieu. On devrait se connaître depuis des années et être même très bons amis. Et il est bien allé au collège Lumière. Je m’en souviens très bien de cette journée de cinquième, le poteau, on y était accoudé tous les deux. Il a même fait le premier pas. Il s’est trop renfermé par rapport à quand je l’ai connu. Y’a un truc qui cloche.
- Oulà ! Cool Mathieu, fit Marion. On ne sait pas ce qui s’est passé entre temps. Mais tu as raison de t’inquiéter, il y a un truc étrange. Appelons le patron, il saura nous renseigner.
- Okay, fit Olivier. Mais dépêche-toi. Vu que nous sommes retournés dans le passé, nous avons pris la place de nos alter egos à cette époque et il ne faut pas éveiller de soupçons auprès de nos parents si on ne veut pas altérer le cours du temps.
- Mathieu appelle la base 2048 ! Nous demandons de plus amples informations. Nos rapports ne coïncident pas avec la réalité d’ici. Et en plus, sans savoir pourquoi, j’ai un sacré mal de crâne.
- Il n’y a rien d’étonnant à tout cela, répondit une voix bien grave et sérieuse. Mais que se passe-t-il là-bas ? Il y a une sacrée pagaille par chez nous.
- Comment ça ? Demanda Marion étonnée tout comme ses deux coéquipiers.
- Le temps s’altère d’une étrange manière. Les dates changent, toute l’histoire est bouleversée. Le premier livre de Jérémie est désormais répertorié comme ayant été écrit en cours de 2002 et non en 2000 comme dans l’histoire originelle. Vos histoires ont toutes changées. Les amis de Jérémie, il ne les a jamais rencontrés car sa mère lui a interdit d’aller en collège public.
- Mais ça c’est vrai, fit Mathieu. Seulement, il s’est rebellé et a décidé de prendre son destin en main. C’est lui qui me l’avait raconté. C’était le premier pas vers son ouverture vers son incroyable imagination. Mais là, c’est vrai qu’il a plus l’air d’un petit fils bien soumis à ses parents. Que s’est-il passé ? C’est à ne plus rien y comprendre.
- Attendez, je fais des recherches sur vos vies personnelles, fit le patron. Hum... c’est mauvais signe tout ça. D’après ce que je vois, Jérémie n’est jamais allé à Lumière. Il ne s’est donc jamais rebellé. Et toi Mathieu, tu ne le connais plus, et de plus tu es au même lycée que lui. Tout est chamboulé, rien ne va plus. Ecoutez, je continue mes recherches, trouvez une solution de votre côté pour arranger tout cela. Transmission terminée.
- Ça va mal finir tout ça, fit Olivier.
- Les autres ! Fit Marion. Mais oui c’est ça.
- Tu veux bien éclairer notre lanterne s’il te plait ! Fit Olivier n’y comprenant vraiment rien.
- Nos ennemis, ils sont retournés encore un peu en arrière pour empêcher Jérémie de se rebeller, expliqua Marion.
- Quoi ? Fit Mathieu étonné. Mais c’est impossible.
- Non, c’est la seule explication plausible, fit Marion. Ça explique tout. Jérémie ne t’a jamais rencontré, ni Mélanie, ni Céline, ni personne. Son épanouissement n’a même pas commencé. C’est comme s’il allait vivre une autre vie, celle s’il avait été un gentil petit fiston sans chercher à comprendre et à s’en sortir par lui-même. Il retombe dans le gouffre dans lequel il s’est détruit en fin de seconde. Mais là, ça m’a l’air bien pire. Avec cette force de caractère et cette passivité, il va finir par se suicider.
- Et puis merde pour l’histoire, fit Olivier. Je ne laisserai pas mon meilleur ami crever pour des clopinettes et à cause d’un con et de deux abrutis. On ne va pas se laisser faire. Recréons l’histoire avec deux ans de retard. Même s’il va falloir faire fort.
- Du calme, fit Mathieu. Pour le moment, tentons d’en savoir plus sur cette nouvelle version de l’histoire. Rentrons tous chez nous et on avisera demain. »
Les trois amis se séparèrent sur un nombre incroyable de questions. L’histoire avait été modifiée, et leur cher ami, lui qui avait de si grands principes sur l’Amitié et l’Amour, tout cela avait l’air d’avoir complètement disparu, mais tout était-il perdu ? Mathieu, de son côté, tenta de se renseigner indirectement sur sa condition. L’histoire prenait une drôle de tournure et il fallait à nouveau changer tout cela.
Le lendemain, la journée s’annonçait sous un bon aspect. Jérémie, d’après les sources de données, avait plusieurs trous dans son emploi du temps. Ce serait plus facile de l’approcher sans trop attirer l’attention. Tout devait être pris en compte, mêmes les plus simples détails. Ce garçon avait bien changé mais peut-être y avait-il un espoir ? Peut-être avait-il encore quelque chose en lui, cette petite lumière qu’il l’avait fait tenir dans les pires moments ?
« - Si on reste dans la logique du Jérémie de 2000, il va aller travailler calmement dans un coin à chacun de ses temps libres, fit Mathieu à Marion et à Olivier le matin, attendant la première heure de cours. Ce sera le meilleur moment pour discuter avec lui. S’il n’y a pas trop d’écart et qu’on lui prouve facilement notre confiance, il parlera sans problème. Le tout sera de la gagner. Et j’ai peur qu’à ce petit jeu-là, il ne soit devenu trop suspicieux.
- Pour le moment, à notre niveau, rien n’a changé, fit Marion. Nous sommes toujours bien dans sa classe. Ma meilleure amie y est aussi et Olivier a retrouvé d’anciennes connaissances. En revanche, je n’ai pas retrouvé ni Yannick, ni le reste de sa bande.
- Désolé de vous apprendre ça mais ils sont du mauvais côté, fit Mathieu. Ce sont eux qui sont à l’origine de l’attaque d’hier et certainement du reste des problèmes temporels.
- Je n’arrive pas à y croire, fit Marion. Ils étaient de très bons amis à Jérémie. Et...
- Oui, je sais, Adélaïde devait tenir un rôle important, fit Olivier. Malheureusement, vu la manière dont les choses ont tourné, c’est certain, rien n’a eu lieu. Case départ avec un gros handicap contre nous.
- Mais c’est bizarre, fit Mathieu. Dans la vraie histoire, Yannick, Adélaïde, Anthony, ils étaient tous de grands amis, on était du même côté. Comment ont-ils pu changer à ce point ? Il y a anguille sous roche.
- Salut, fit une petite voix timide dans le dos des trois amis.
- Sa...Oh mer...credi, fit Olivier en se retournant. Hum, tiens, Jérémie, ça va ?
- Depuis quand tu te préoccupes de mon sort toi ? Fit Jérémie sèchement. Excuse-moi, Marion, je voulais savoir comment allait Mahé ? Elle n’était pas en cours hier.
- Ma...Mahé ? Euh, je...je crois que oui. Attends, ah mais tu me parles de son mal de tête. Non, ça va bien. Elle sera de retour aujourd’hui. Ne t’en fais pas.
- Ah, euh, chouette, content pour elle, fit Jérémie. Bon, allez, bye.
- Merci Mathieu de m’avoir montré les réponses, même si j’ai eu du mal à comprendre tes mîmes un peu bizarres, fit Marion après que Jérémie se soit éloigné.
- On l’a échappé belle, fit Olivier. Eh bien, ça ne s’arrange pas, voilà qu’il ne m’apprécie guère.
- Au contraire Olivier, fit Marion. Je viens d’apercevoir une lueur d’espoir pour notre cause.
- Comment ça ? Fit Mathieu. Je ne te suis plus. Et Olivier a l’air d’accord avec moi.
- Sa question ! Fit Marion. Il est toujours secrètement amoureux de Mahé. Et sa gentillesse. Il se fait du souci pour elle. Tout n’est pas perdu. Il a encore la plus importante de ses armes, même si elle n’est pas tellement activée.
- Je vois, fit Mathieu en posant sa main sur l’épaule de Marion tout en regardant son ancien ami marcher. Il lui reste encore son cœur ! Allons en cour, la sonnerie vient de retentir. »
Mathieu partant dans sa classe, Dieu- Merci et Marion de leur côté, ils ne purent remarquer que quelqu’un les avait écouté.
« - Ainsi ce sont eux les troubles fêtes, fit Yannick. Bien, bien, on va voir qui va gagner ! »
Arrivés au troisième étage du principal bâtiment du lycée, les deux amis trouvèrent Jérémie adossé à un des côtés d’une passerelle vitrée donnant sur un bâtiment secondaire. Il avait son regard perdu dans le ciel, les yeux rêveurs. Pour la première fois depuis leur arrivée, ils l’avaient vu esquissé un vague sourire. Le professeur lui passa devant et cela le fit sortir de sa torpeur. Dès que les élèves furent assis, Yannick et sa bande firent en sorte d’être aux abords de Jérémie, intimidé par cette soudaine proximité de ses ennemis. Marion, assise à côté de Mahé, redoutait le pire tout comme Olivier, assis à l’autre bout de la salle. En tendant l’oreille pendant que le professeur faisait l’appel, ils purent entendre la conversation entre Jérémie et ses adversaires.
« - Allez, c’était pour te taquiner, fit Yannick. Et si on était de bons potes après tout ? Il n’y a pas de raison.
- Pff, ce Jérémie, il va se laisser faire, fit une voix féminine qui fit se retourner Marion.
- Mahé ? Fit Marion très étonnée. Qu’est-ce que tu viens de dire ?
- Mais voyons, dit-elle. Ça crève les yeux que la bande à Yannick va tout faire pour que Jérémie trime à leur place, mais en lui jetant de la poudre aux yeux cette fois. Quel incrédule. Comment peut-il espérer être vraiment ami avec des gens pareils ?
- C’est peut-être qu’il a perdu tout espoir et toute foi en lui, répondit Marion en jetant un regard désespéré vers Olivier, guère plus rassuré qu’elle.
- T’es étrange toi aussi ! Fit Mahé. Depuis quand tu sais des trucs sur Jérémie ? Ça y est, je m’absente un jour et c’est la révolution.
- Mais non, tout va bien, je suis d’accord avec toi, c’est tout, fit Marion. Va falloir surveiller ses paroles en plus, pensa-t-elle finalement. »
Les jours qui suivirent furent assez étranges. La bande à Yannick semblait vraiment avoir accepté Jérémie dans leur groupe, au grand dam des trois amis, presque paniqués par tout ceci.
« - Il les crois eux et pas nous alors que nous sommes les bons, fit Marion. Je n’en reviens pas. Mon jugement change de jour en jour sur mon...euh, enfin, sur Jérémie.
- Attention à ce que tu dis Marion, fit Olivier. En tout cas, moi, ça confirme ce que j’ai vécu en seconde par rapport à lui.
- Comment ça ? Fit Mathieu autant étonné que Marion.
- La vache, j’en reviens pas, vous ne saviez pas ça sur lui ? Dit Olivier impressionné. Mais voyons, il était aveugle comme une taupe à cette époque, incapable de voir ce que les gens ressentaient réellement pour lui, les bons comme les mauvais. C’est pour ça qu’il n’a su comment se comporter pendant bon nombre d’années avec Mahé ou toi Marion, mais aussi bien d’autres.
- Décidemment, il ne fait rien pour nous aider celui-là, fit Mathieu. J’ai essayé d’aller lui parler pendant une heure mais ça n’a servi à rien, il m’a à peine regardé et c’est tout juste s’il s’est intéressé à moi. Et regarde-le comme il est heureux avec eux. Je ne me sens pas le cœur à vouloir briser cette joie, même si elle a des bases nulles.
- Justement, c’est là tout le problème, fit Olivier. Il est complètement détourné de ses réelles passions, il se ment à lui-même pour se faire accepter. Il part dans le vice et les erreurs de jugement.
- Ce n’est plus du tout le Jérémie que j’ai connu en seconde, fit Marion éberluée. Lui qui était si serviable et attentionné, toujours ces fameux yeux rêveurs, la tête dans les étoiles avec un nombre incroyable d’idées imaginaires. Notre mission est un réel échec alors qu’elle vient tout juste de commencer.
- Peut-être pas, fit Mathieu un lueur dans les yeux.
- Oulà, vas-y doucement, fit Marion. Je te rappelle que contrairement à eux, on n’est pas censé intervenir dans le cour du temps.
- Justement, on va renverser la vapeur et lui faire un peu ouvrir les yeux à ce cher Jérémie. J’ai un plan et si ça, ça ne marche pas, alors on pourra réellement abandonner.
- T’as quoi en tête ? Dit Olivier curieux. »
Deux jours plus tard, Mathieu trouva Jérémie encore en train de rêver les yeux perdus dans le ciel. En l’apercevant, Jérémie partit brusquement de son endroit favori, comme s’il était très pressé d’aller ailleurs. Mathieu lui courut après et le rattrapa facilement.
« - Si tu veux m’échapper, il faudra t’entraîner plus que ça, fit Mathieu. Fais un peu de musculation, ça te fera du bien.
- Me parle pas, fit Jérémie. Comme si j’avais besoin de conseils venant de ta part. Et laisse-moi tranquille. Si mes amis me voient te parler, ils vont m’en vouloir et je ne veux pas les décevoir.
- Merci Capitaine, il n’est pas totalement perdu, fit Mathieu à voix basse peu avant de se réadresser à Jérémie. Tu devrais pourtant les suivre mes conseils. Ils ne sont pas si stupides. Et tiens, en voici un autre, abandonne ces abrutis, ils te permettent de ne rien faire.
- C’est faux, protesta Jérémie tout fier de sa réponse. Depuis que je suis avec eux, je fais tout ce qui me plait et même plus. J’ai même réussi à voler un baiser à une fille que j’aimais beaucoup...
- Aïe, Mahé ne va pas pardonner ça comme ça, pensa Mathieu. Ecoute, continua-t-il. Dis-moi franchement, j’ai remarqué que tu aimais beaucoup rêver et regarder le ciel. À quoi tu penses ?
- Rien, ça ne te regarde pas, fit Jérémie un peu timidement pour un refus net.
- Allez, avoue que tu écris en cachette, fit Mathieu.
- Qu...comment tu sais ça ? Fit Jérémie étonné comme jamais. En fait, depuis que je fais partie de leur bande, j’ai un peu de temps tranquille chez moi et au lieu de me torturer l’esprit à leur sujet, j’ai le moral en légère hausse et il m’est arrivé il y a trois jours une chose incroyable. J’ai réussi à faire un rêve incontrôlé, un rêve magnifique où je m’envolais loin de tout cela et avec...Une minute, je n’ai aucune raison de te dire ça. Allez, laisse-moi tranquille.
- Une dernière chose en passant, fit Mathieu. Un aveugle ne voit pas toujours que des amis qui tiennent à lui sont autour de lui. En revanche, il le sait par son cœur qui bat très fort car celui-là, c’est l’une des personnes qu’il faut croire aveuglément car elle ne se trompe jamais.
- C’est quoi ces âneries ? Fit Jérémie. Allez, fous-moi la paix je te dis.
- Ga...gné ! Fit Mathieu en voyant Jérémie partir en courant. Ça va cogiter cette nuit ! »
Le lendemain soir, la bande de Yannick s’était tenu éloignée de Jérémie durant toute la journée. À la fin de celle-ci, le jeune homme prit le chemin de sa maison quand il fut rattrapé par tous ses soi-disant amis.
« - Jérémie, il faut qu’on te parle, fit Anthony. On a appris que tu écrivais tes rêves, c’est vrai ?
- Oui, c’est vrai, je l’avoue, répondit Jérémie tout sourire. En fait, je ne l’ai fait que pour le premier mais je compte en écrire un autre qui me permettra peut-être de... »
Yannick poussa Jérémie à terre avec violence.
« - Eh, pourquoi t’as fait ça ? Dit Jérémie énervé. Ça ne va pas la tête ?
- Ecoute, tu vas abandonner tes rêves et toutes tes idées saugrenues, fit Yannick. On te donne tout ce dont tu as besoin et ça ne te suffit pas. Ce n’est pas comme ça qu’il faut remercier tes amis !
- Yannick, fit Adélaïde à l’oreille de son petit-ami. Fais gaffe, il ne faut pas éveiller la moindre étincelle sur ce sujet.
- Mouais, de toute manière, il n’est capable de rien, continua Yannick. Allez, oublie tes rêves stupides et reste avec nous.
- Est-ce qu’un vrai ami t’ordonnerait de renoncer à tes rêves, à tes idéaux, juste pour leurs beaux yeux ? Fit une voix dans l’ombre qui s’avança lentement.
- Mêle-toi de tes affaires Mathieu, fit Adélaïde. C’est une affaire entre lui et nous.
- Réfléchis, tes rêves de vaisseaux, tes rêves de cette personne qui t’es si chère, continua Mathieu en ignorant Adélaïde et en allumant un petit appareil d’où une magnifique musique en sortit. Ressens à nouveau, rappelle-toi de ce vieux rêve, celui que tu as fait un jour où une main se tendait vers toi, une main sincère et puissante qui t’ordonnait de te relever et te battre. Tu peux être quelqu’un d’exceptionnel mais il te faut ouvrir les yeux. Tu as un cœur, fais-le battre du bon côté.
- Tu parles d’un ami, fit Yannick. Tu lui demandes de choisir et d’abandonner son équipe. »
Ce mot, ce dernier mot fit écho dans la tête de Jérémie. Il avait déjà rêvé d’une équipe, une fois seulement, un rêve à moitié englouti par la pénombre et le bruit. Mais le doute était trop fort. Il ne savait qui croire car les deux avaient raison.
« - Un véritable ami ne m’aurait jamais demandé de choisir, fit Jérémie en se relevant. Et qui es-tu pour dire tout cela ? Tu ne sais rien de moi, personne ne me connaît réellement alors foutez-moi tous la paix. Je n’ai pas de vrais amis. Adieu. »
Jérémie partit en courant, laissant tout ce beau monde sur place. La partie n’était que remise. Dans sa chambre, son baladeur sur les oreilles, Jérémie réfléchissait. Il ne savait plus qui ni quoi penser. Il revit la claque de Mahé après ce baiser volé et les éclats de rire de ses amis. Mais était-ce un rire de joie ou moqueur ? Et ces larmes qui coulaient le long de son triste visage, était-ce une marque de quelque chose enfouie au fond de lui ? Son cœur, cet étrange organe, n’était-ce que ça, une partie de son anatomie humaine ? Il n’avait jamais dit à personne qu’il battait étrangement plus fort lorsqu’il la croisait, il n’avait dit à personne que sa solitude le pesait comme un fardeau. Il ne disait vraiment rien à personne. La solitude, il connaissait ça depuis toujours. Existait-il sur cette foutue planète des personnes capable...
« - ...D’aimer aussi fort que je sais le faire ? Mais que pensent-ils de moi tous ? Se dit Jérémie. Hein, qu’ai-je de spécial à être ? Ne devrais-je pas en finir avec tout cela ? Je ne sais plus quoi penser ni qui croire. Ils sont tous là dans ma tête mais je n’arrive pas à choisir. Je n’ai jamais cherché à me créer, j’ai toujours suivi et écouté ce qu’on me disait. Je ne sais que copier ce que les autres font. Je ne suis rien, pour moi comme pour tous les autres.
- Il faut te battre, fit une petite voix intérieure.
- Allons bon, je deviens fou, voilà que j’ai une voix intérieure qui me contredit maintenant ! Fit Jérémie.
- Aie confiance en toi, courage, il faut te rebeller, fit encore cette voix très faible.
- Ce ne sont que des balivernes, fit Jérémie en s’énervant. L’amitié, ça n’existe pas et ça n’est que pour les faibles. Et l’amour, ce n’est pas pour moi. Mais je vais tenir un engagement que je me suis fait. Et ça va chier ! »
Pendant un mois, personne n’entendit Jérémie prononcer un mot sauf si on lui demandait expressément. Il semblait s’assombrir, devenir mauvais et ne pensant plus, il réfléchissait à tout par sa raison, et non par son cœur. Mathieu avait essayé à plus d’une reprise de lui parler, de tenter de le raisonner mais la seule fois où Jérémie lui avait répondu, ça avait été pour lui dire de lui foutre définitivement la paix car il le détestait.
« - J’en reviens pas, fit Olivier. Je ne me souviens absolument pas de lui comme ça. Faut se rendre à l’évidence, toutes nos pensées ont changé et il faut s’en faire de nouvelles.
- Je suis malheureusement d’accord, dit Marion. Tous ces principes sur l’amitié et les sentiments. Tout ce que j’appréciais chez lui, tout a disparu. Il est froid, austère, sérieux, il ne pense qu’à lui et il est allé jusqu’à repousser Mahé qui était allé voir pourquoi il se comportait de la sorte. A croire que son amour a disparu. Mais même si tout recommençait à zéro, il me sera bien difficile d’oublier ce qu’il était réellement. C’est lui qui m’a fait imprimer qu’il y avait toujours de l’espoir. Et si je dois lui en mettre quelques unes pour le ramener à la raison, je n’hésiterai pas.
- Mais tout a été modifié. Cet amour devait durer au moins jusqu’à son erreur en terminale, fit Olivier en se souvenant des faits. Mais au train où vont les choses, il ne passera pas le prochain semestre. Et je te rappelle qu’on ne peut intervenir comme Mathieu l’a fait le mois dernier. Nous ne sommes pas Dieu. On ne peut pas jouer avec la vie. Il faut savoir se résigner. Jamais nous ne reverrons Jérémie, il est bien mort.
- Sauf s’il trouve de l’aide auprès de vrais amis, fit une voix dans le dos des trois camarades.
- Qui a dit ça ? Fit Mathieu en se retournant. Je ne le crois pas, ça va si mal que ça !
- Romain, tu es venu nous aider, fit Marion en le prenant dans ses bras. Je n’en reviens pas, notre chef a fait le voyage pour nous aider.
- Et il n’est pas seul, fit Mahé en apparaissant de derrière Romain.
- Tu es rentré de ta mission ? Fit Olivier épaté. Avec notre super équipe reconstituée, tout va s’arranger.
- Mais celle-ci de mission sera très difficile, fit Romain. Refaire rêver notre ami va être dur et long. À moins que...une minute, vous êtes en train de me dire que c’est Jérémie là, juste en bas ?
- Oui, c’est bien lui, fit Mathieu. Et même nos adversaires ne savent plus que faire. En tout cas, ils ont l’air de se réjouir de cet état. À cette allure, Jérémie ne finira pas l’année.
- Alors là, j’hallucine, quel champion, fit Romain avec un grand sourire. Vous ne voyez pas ce qu’il fait ?
- Quoi ? Tu racontes quoi comme ânerie ? Qu’est-ce qui te met de si bonne humeur ? Demanda Marion. Tu nous caches quelque chose, toi.
- Mais qu’est-ce que vous lui avez dit pour qu’il réussisse à s’en sortir si bien ? Demanda Romain à Mathieu.
- Tu divagues ou quoi ? Je te rappelle que notre meilleur ami, celui si gentil, sentimental et étrangement différent est en passe...
- ....De redevenir ce qu’il a toujours été, finit Romain. Plus lentement c’est vrai mais c’est déjà un petit début.
- QUOI ??? Hurla toute la troupe ensemble.
- Regardez bien ses yeux, fit Romain. Regardez en détail son visage. Que voyez-vous ?
- Il a les yeux cernés et le visage tendu, fit Mahé après l’avoir longuement observé. Et alors ?
- En tout cas, ça se voit qu’il a oublié de vous parler de ce côté-là de lui, fit Romain. Les yeux cernés, mais c’est tuant comme preuve. Ça se voit qu’il passe des heures sur son ordinateur. Ses mains en sont la seconde preuve accablante. Ses ongles sont abîmés à cause de trop taper sur son ordinateur. Et le visage. Mais voyons, rappelez-vous, la première erreur que notre ami a faite, c’est de tout intérioriser. Et c’est l’expression qu’il avait tout le temps quand il empêchait de montrer ce qu’il ressentait. Je dirai même qu’il est au bord des larmes. Notre Jérémie a trouvé son petit monde à son goût et il semble à fond dedans. Le capitaine Jim m’a l’air d’avoir été créé, même si je pense que son importance n’est pour l’instant que minime, sinon les premiers symptômes seraient apparus. Messieurs, je vous apprends que le livre de l’écrivain Jérémie a sûrement été commencé.
- Mais c’est génial, fit Mathieu. Notre mission est terminée. On peut rentrer.
- Malheureusement non, fit Mahé en comprenant la démarche de Romain. Il lui manque quelque chose.
- Et quoi donc ? Demanda Marion. Que peut-il lui manquer ? Il a trouvé son imagination et fait en sorte de s’en sortir.
- Je vais te dire ce qui lui manque, fit Romain. Tiens, attrape. Regarde dans ce truc et tu auras ta réponse.
- Mais c’est un miroir que tu m’as donné, fit Marion...Ah, je vois. Il lui manque de vrais amis.
- Mais il ne s’est jamais battu pour être avec nous, fit Olivier. Au contraire, il nous fuit.
- Il ne va pas tarder à arriver par cette porte, fit Romain en regardant la direction que je prenais. Faites en sorte qu’il vous écoute. Touchez son point faible. Mais rappelez-vous de la règle, c’est à lui d’attaquer et de se battre, alors ne le ménagez surtout pas ! »
Tout le monde descendit au premier étage sauf Mahé qui voulait intercepter Jérémie et discuter un peu avec lui, histoire d’en apprendre plus sur son apprentissage de ses sentiments, mais tout en se basant sur des allusions. Jérémie arriva au second étage et croisa un instant le regard de Mahé. Celle-ci comprit que son sourire avait suffit à ce que le plein de sentiment ne fasse déborder le jeune sentimental. En tout cas, cela avait suffit à stopper sa course. Ils discutèrent rapidement sur le moment, sur les cours, bref, une simple conversation entre étudiants de même classe. Ensuite, histoire de ne pas trop tendre la perche afin de ne pas attirer l’attention, Mahé fit le tour par le couloir et commença à descendre le grand escalier. Jérémie, ne réfléchissant plus trop et cherchant enfin à écouter son cœur, voulut se retourner et demander quelque chose à Mahé. Le rebord où Jérémie était appuyé donnait sur un vide haut de trois étages. En le contournant, on se retrouvait face à l’escalier principal du bâtiment. Jérémie sentait lentement son cœur augmenter ses pulsions. Il se sentait pousser des ailes. Sa seconde face ressortait, celle de Jim. Il allait oser faire un pas de plus vers une fille qu’il considérait différemment des autres. Mais Anthony avait observé toute la scène et de peur d’échouer dans sa quête, alors que Jérémie se penchait légèrement pour que sa copine l’entende, Anthony courut jusqu’à lui et le bouscula suffisamment fort pour qu’il parte à la renverse dans le trou. Toute la bande de Romain qui était juste en dessous, vit le regard plus qu’effrayé de Mahé. Jérémie regarda le vide et le sol. Une multitude d’idées lui vinrent alors à l’esprit, notamment une certaine main dans les ténèbres...puis le néant. Rouvrant enfin les yeux, Jérémie comprit qu’il avait trouvé la force, enfin, surtout le réflexe, pour attraper les barreaux qui entouraient la rambarde. Mais il était dos au mur et sa position plus qu’inconfortable n’allait pas arranger les choses. Et pour arranger les choses, il se sentait faiblir.
« - Merde, je le crois pas, quelle bande de salop, fit Olivier. Il faut aller l’aider.
- On ne peut pas, fit Romain. La seule qui se doit d’être là, c’est Mahé et elle risque d’arriver trop tard.
- Moi, je crois qu’il faut que vous révisiez votre jugement sur les capacités de Jérémie, fit Mathieu très sûr de lui. À moins qu’à ce moment-là, je ne doive l’appeler...Jim.
- Mais oui bien sûr, fit Marion. Mahé, appelle-le Jim. Vite, hurle-lui ! »
Sans chercher à réellement comprendre le pourquoi de cet ordre, Mahé hurla ce surnom que seul Jérémie connaissait. Alors ses pensées devinrent claires, un éclair venait de traverser son esprit. Une force en lui venait de se réveiller, celle d’une confiance qu’on lui donnait. Pour la première fois depuis des années, Jérémie ressentait à nouveau quelque chose de fort. Son inconscient ne pouvait plus tout contenir. Ses idéaux, voilà ce dont il avait besoin pour se départager, être différent des autres, son unique but, c’était de ça dont il avait besoin pour survivre. Mais surtout, il avait besoin d’une place spéciale dans le cœur de quelqu’un. Et il voulait se battre pour que ça marche, surtout d’être en vie pour s’en donner la peine. En étonnant plus d’une personne, le jeune homme put se retourner et se hisser avec grande difficulté au-dessus de la rambarde. Il se renversa pour définitivement la passer et tomba lourdement sur le sol, tout de même plus proche que l’autre d’en bas ! Restant à terre, histoire d’évacuer sa peur, il était surtout heureux de s’être prouvé qu’il était capable de grandes choses, qu’il était capable de se prendre en main, son avenir et ses pensées, ses intentions.
« - Ah, la musculation, il n’y a que ça de vrai ! Fit Mathieu avec un grand sourire.
- Alors là, bravo, fit Romain. Mais, et cette volonté ? Il ne s’est pas battu pour rien ?
- Alors là, mystère, répondit Mathieu. Il nous cache encore bien des choses, même pour nous. »
Après cet étrange accident, Jérémie semblait avoir un peu changé. Sa carapace semblait avoir implosé. Il tentait plus de chose, s’intégrait un peu dans certains groupes et essayait même de s’inscrire dans un concours où il n’en tira que des bénéfices. Il avait même commencé le badminton où il rencontra un certain Romain avec qui il avait beaucoup de points communs. Ainsi, Jérémie avait quelqu’un à qui parler de choses dont il ne parlait à personne. Petit à petit, une grande amitié grandit entre ces deux étranges personnes. Tant et si bien qu’au bout de quelques semaines, Jérémie était presque redevenu celui d’antan. Les sentiments exagérés étaient renaissants et de plus en plus incontrôlables. Mais il doutait encore beaucoup. Et ça, Marion l’avait bien remarqué par cette distance qu’il avait et son moral qui n’était pas tout le temps au beau fixe.
« - On doit dire ou faire des choses qui ne lui plaisent pas, fit Mahé à Romain alors qu’ils étaient tous réunis pour mettre les choses au clair.
- Malheureusement, c’est bien ça, fit Romain. Et on ne doit pas changer ce combat. Même en étant conscient de ce que vous faites, il reste difficile d’obtenir votre amitié et pour Jérémie, c’est un vrai combat qu’il ne compte pas abandonner. Ça lui donne espoir et courage mais en même temps, il se mine le moral en pensant que bien des choses peuvent mal finir où qu’il ne puisse atteindre cette victoire qui lui tient de plus en plus à cœur. Et tenez-vous bien, bonne nouvelle, toutes ses améliorations au niveau de sa façon de penser, eh bien, c’est grâce à une technique de méditation qu’il a inventé avec la fin du premier chapitre de son livre qui est enfin achevé. À ce rythme-là, le second chapitre sera bouclé avant la fin de l’année scolaire. Le futur s’annonce sous de bons augures. Même s’il aura fallu donner un petit coup de pouce... au destin !
- Olivier, je peux te parler en privé, s’il te plait, fit Marion.
- Bien sûr, qu’y a-t-il ? Demanda-t-il peu après s’être éloigné avec Marion.
- Je sens que je vais craquer, dit-elle. Ça faisait dix ans que je ne l’avais pas revu. Et son amour pour moi était si fort, et le mien pour lui aussi... enfin, bien plus tard quand même mais bon, le résultat est là. Notre histoire aurait duré éternellement s’il n’y avait pas eu cet accident. Et de le voir maintenant, ça me travaille.
- Tes sentiments ressortent, fit Olivier. C’est normal mais fais-y attention. Ce n’est pas le moment de craquer. La Marion de cette époque n’a pas de telles pensées à son égard. Bien au contraire. Ne flanquons pas tout par terre. Essaie de te contrôler.
- Je ferai de mon mieux, dit-elle. En tout cas, Jérémie avait raison, c’est difficile de contrôler ses sentiments, surtout les plus forts et les plus anciens. »
Les semaines puis les mois passèrent. Jérémie s’émancipait petit à petit. Ses questions étaient toujours aussi présentes mais cela faisait parti de lui alors il devait vivre avec et tenter de ne pas trop se laisser influencer par elles. Ses amis venus du futur préféraient rester en place le temps que ce manuscrit soit fini, manuscrit vital pour l’avenir de l’humanité, manuscrit qui avait inspiré des millions de jeunes enfants qui avaient pu développer une telle créativité que les sciences avaient fait de prodigieux bonds grâce à un simple livre, non, grâce à un rêve, au rêve d’un jeune garçon. Une réaction en chaîne et c’était la base que ces ennemis avaient tenté de détruire à l’aide de doutes et de fausses amitiés, les pires ennemis de toutes les pensées de ce jeune écrivain.
Tout évolue avec le temps, les sentiments aussi. Et Jérémie, avec le temps, s’était tourné vers Marion qu’il semblait tout particulièrement apprécié depuis le début de l’année de Première. Celle-ci se passa dans le plus grand silence, Jérémie se concentrant uniquement sur son manuscrit durant cette année. Pourtant, vers les grandes vacances, ses sentiments désormais surpuissants étaient de plus en plus difficiles à contrôler. Sortant petit le nez de son livre sous les conseils de Mathieu, il se faisait de plus en plus d’amis, cherchant à s’entourer de personnes fidèles qui le stimulaient, qui lui donnait toute cette étrange force dont il était animé pour tenir dans les moments difficiles. Yannick, à plus d’une reprise durant les grandes vacances, avait tenté de saborder le livre de Jérémie ou même sa vie privé, dévoilant tous ses sentiments. Mais à force d’acharnement, tout rentrait toujours dans l’ordre, car grâce à l’aide de Romain et d’Olivier, il réussissait toujours à s’en sortir. L’année de Terminale se profila à l’horizon et bon nombre de choses avaient l’air de vouloir changer. Malgré tous les efforts de ses vrais amis, la bande à Yannick avait fini par se rapprocher de Jérémie, toujours un peu aveugle. Et en ce temps, cela s’était aggravé ! En effet, Jérémie cherchait de plus en plus de conseils auprès d’eux.
« - Euh, Yannick, je peux te demander un tout petit truc ? Fit Jérémie assez réservé.
- Vas-y, je t’écoute.
- Voilà, tu sais Marion, la fille de notre classe, eh bien je crois bien que j’en suis amoureux.
- Ecoute, je vais être franc avec toi, tu n’as aucune chance, il te faudrait mieux abandonner et chercher chaussure à ton pieds ailleurs. Ça ne marchera jamais, tu peux avoir confiance en moi.
- Ah, euh, si tu le dis. »
Les jours passaient et les questions filaient bon train. Plusieurs conseils coïncidaient, la bonne étoile que Jérémie aimait à croire avoir au-dessus de lui ne semblait pas tellement être efficace. Ses séances de méditations s’accentuaient et malgré toutes ces réflexions, rien n’avançait. Un jour pourtant, l’avis d’une autre amie, plus ou moins extérieure, le fit changer du tout au tout. De vieux sentiments recouvrirent alors ceux plus récents. Le doute avait bien aidé à tout cela. Quoi de plus incroyable argument que celui où l’on fait croire que si l’on oublie cette personne, une autre serait plus à même de dire oui à LA fameuse question, celle qui trotte dans la tête du jeune rêveur depuis trois ans et qui lui brûle les lèvres.
Malheureusement, ces deux histoires, ces deux sentiments, tout fut anéanti par une erreur horrible, une erreur qui avait bien failli coûter à ce cher Jérémie deux grandes amitiés. Mais ce qu’il y avait de plus remarquable chez lui, c’était que lorsqu’il avait une idée en tête, jamais il ne la lâchait, qui plus est quand cette idée était liée à certaines personnes qui avaient sa place dans la plus belle des mémoires, celle du cœur. Ainsi, grâce à un certain acharnement et à une colle anti-nouvelles-tempêtes pour reconstituer les pots cassés, le jeune écrivain en herbe s’en était bien sorti, comptant désormais deux grandes amies dans son petit cœur empli d’amour.
Olivier sortait avec une fille de la classe dénommée Cindy. Au départ, elle avait une mauvaise image de Jim à cause d’Anthony qui avait créé une rumeur pour donner mauvaise réputation. Au grand étonnement de tout le monde, Jérémie n’y fit pas attention car il s’était mis aussi à détester des gens. Il ne voulait pas aimer le monde entier, seulement les gens vrais et sincères. Et c’était le cas de Cindy. À force de changement et d’assurance, notre jeune ami faisait petit à petit ses pas seuls et se créaient de vrais amis comme elle. Une amitié solide et des principes en béton, voilà les bases sur lesquelles il se reposait sans doute. Car celui-là, il avait disparu. Tout semblait rentrer dans l’ordre. Il était entouré de gens bien, ce Jim. Ce monde intérieur qu’il s’était créé, il n’en avait plus besoin. Il parvenait à s’adapter pour tenir bon. Mais le plus étonnant fut le retournement de situation qui s’était effectué par rapport à Yannick, Anthony et Adélaïde. Leur montrant à plus d’une reprise gentillesse, bonne foi et confiance, Jérémie avait réussi à accomplir des miracles. Avant, c’était lui qui brisait tout ce que l’on semait pour lui rendre service, désormais, il voulait aider les gens qui lui tenaient à cœur. Tout cela ressemblait à une recette étonnante qui avait raccroché ces méchants bambins dans le droit chemin.
« - Tout semble s’être arrangé, fit Mathieu tout sourire. Notre mission est accomplie. Nous allons retourner dans notre monde et laisser nos alter ego de cette époque reprendre le cours de leur histoire.
- Quand je pense que tout est parti d’un livre d’un ami de notre enfance, fit Romain.
- Un ami et surtout mon époux qui va mourir dans une attaque terroriste, finit Marion en pleurant.
- En effet, fit Yannick. Mais n’oublie pas qu’il est mort d’une manière honorable. Il s’est sacrifié pour te sauver, et ça, peu de gens auraient eu le courage d’oser le faire.
- Il savait que s’il sautait, il te sauvait mais il y passait, continua Anthony. Pourtant, il l’a fait. Et ça, ça prouve bien qu’il tenait énormément à toi.
- On ne le reverra jamais, n’est-ce pas ? Demanda Mahé en tentant de consoler Marion.
- Malheureusement non, fit Romain.
- Allez, partons, avant que je ne me mette à pleurer aussi, finit Olivier en activant sa montre de retour. »
Le portail spatio-temporel s’ouvrit lentement. Toute la petite troupe se sépara alors de leurs corps jeunes pour se retrouver à leur âge normal. Les adolescents dormaient profondément et n’allaient pas se réveiller avant deux bonnes heures. Un dernier regard vers la porte de la salle où tout le monde se trouvait et Mathieu allait repartir vers son monde. Il entendit alors un grand bruit et, se retournant comme tout le monde, il aperçut Jérémie, essoufflé, qui lâcha le papier qu’il tenait à la main.
« - Qu...que...c’est quoi tout ça ? Dit Jérémie bien plus qu’étonné.
- Autant tout lui dire désormais, fit Romain en refermant le portail. »
Assis aussi confortablement qu’ils le pouvaient, toute la troupe du futur appartenant au corps de défense de l’Histoire temporelle racontèrent leur histoire, comment une troupe ennemie était parti dans le futur afin de réduire à néant les idéaux étranges d’un jeune enfant qui allait bouleverser bien des choses à partir de ses rêves et de sa grande imagination.
« - Voilà, tu sais tout, fit Olivier. Tes vrais amis sont là mais je te rassure, ils savent ce que tu ressens pour eux et tu n’auras pas à tout recommencer.
- A...alors, depuis deux ans, tout ce que je vis, ces changements incroyables dans ma vie...
- Tu les dois un peu à tes amis, il est vrai, mais surtout à toi, fit Romain. Jamais tu n’as abandonné et tu t’es toujours battu pour atteindre ta quête. On a juste fait en sorte que tu suives le bon chemin... à notre manière !
- Je vais me marier avec Marion ? Dit Jérémie. Ça, c’est super chouette. Et après ? Je vais avoir combien d’enfants ? »
Tout le monde baissa la tête en signe de malaise.
« - Ouch, c’est si moche que ça ? Demanda Jérémie inquiet.
- Tu...tu vas mourir dans sept ans, fit Mahé. Et on ne peut rien contre ça.
- Quoi ? On ne peut vraiment rien faire contre ? Dit Jérémie. Mais dites-moi quoi faire et je me protégerai.
- On n’a pas le droit de prendre ce risque, fit Mathieu.
- Eh bien moi je le prends, fit Marion. Je ne veux pas vivre seule depuis que je l’ai revu. Jim, tu vas mourir à cause.... »
Tout à coup, la porte s’ouvrit lentement et seule Marion qui s’était mis debout à cause de sa colère vit qui venait d’entrer, tous les autres tournants le dos à cette porte. Elle faillit tomber dans les pommes en apercevant le visage de cette étrange personne. Lorsque Mahé capta le regard perdu de Marion, elle se retourna enfin et ne crut pas ce qu’elle voyait. Le jeune homme avança lentement jusqu’à Jérémie et il se baissa jusqu’au niveau de ses oreilles.
« - Alors mon cher Jim, ils te font des misères ? Fit le jeune homme. »
Cette voix était calme, posée, imposant tant le respect qu’elle était rassurante. Tous les autres se retournèrent et n’en crurent pas leurs yeux. Jérémie se leva à son tour et regarda enfin l’étrange homme. Il était assez grand et carré au niveau des épaules. Son sourire donnait confiance et ses yeux semblaient percer son âme, comme s’il le comprenait.
« - Tu sais, continua-t-il en élargissant son sourire. Il ne faut pas croire tout ce qu’ils te disent comme ânerie ! »
La Marion du futur courut jusque dans les bras de ce garçon et pleura autant qu’elle le pouvait. Tout le monde avait les larmes aux yeux et Jérémie se sentait un peu perdu parmi tout cela.
« - Mais je croyais qu’on.... Fit Jérémie. Ouah, ça y est, j’y pige plus rien.
- Jérémie, fit Romain en le poussant jusqu’au jeune homme. Je te présente...le Jérémie du futur."
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