L’eau est si belle, si limpide, si clair, si pure…
Sa beauté éternelle me fait oublier la dureté quotidienne de ma simple existence. Je peux rester là, à la contempler des heures durant sans ressentir ni l’ennuie ni la fatigue. Quelle douceur dans l’âme que cette étendue imperturbable qui s’impose à mon regard ! Quel repos que de suivre le vent caresser sa surface avec délicatesse, comme un amant.
La lune s’observe dans son miroir. Les étoiles inondent ce sublime univers de lumière. Toute la voie lactée s’est donnée rendez-vous à ce lac, parmi les arbres et le vent. C’est le ciel sous le ciel. Un univers dans un autre. Un instant spécial, sourd et aveugle à ce qui se passe autour de lui. Inconscient et pourtant infiniment sage.
Et moi, je suis là, admirative devant ce spectacle unique qui se déroule sous mes yeux. Seule public des jeux de la Nature. Seule, tellement seule...
Je me lève, l’actrice principale va interpréter son dernier rôle. Les projecteurs éclairent d’une lueur blanche les étoiles scintillantes qui perlent sur mes joues. Une brise danse avec mes cheveux longs alors que je trouble l’eau de mon insignifiante présence. A moins que ce ne soit elle qui me trouble… Elle arrive à hauteur de mes genoux. Douce et glaciale. Ma robe commence à s’alourdir, comme si elle voulait m’entraîner dans les profondeurs obscures des abysses. Mes pas, lents, s’enfoncent dans le sol vaseux. Un frisson parcourt mon court. Froide et pénétrante. L’eau, maintenant au-dessus de mes hanches, me montre mon visage.
Quel bien sinistre reflet… Celui d’une jeune fille perdue. Plus blanc que neige et plus vide que néant. Une larme vient troubler cette image, la déforme puis la disperse. Preuve que nous ne sommes rien en définitive. Rien de plus qu’une image qui passe dans l’immensité de l’univers. Nous n’en sommes pas le centre, tout juste les jouets. Quand le comprendrons-nous ? Quand il sera trop tard ?
Seule ma tête est encore hors du lac. Dernière pensée pour le passé. Dernier adieu au futur. Dernière vue du présent. Je nage parmi les étoiles, dans l’espace. J’aurais tant aimé en être réellement une.
L’eau submerge mes yeux. Je n’ai plus pieds. Je flotte debout tout près de la surface. A quoi bon lutter ?! Les fluides alentours envahissent mon corps. Mon esprit s’embrume dans l’obscurité. Je m’enfonce toujours plus profondément tandis que mes dernières forces m’abandonnent. Le silence est si doux. Ma respiration se fait difficilement. Tout n’est plus que mystère. Je ne distingue même plus les contours de mes mains. Seul un rayon de Lune transperce les ténèbres des abysses. Et moi avec…
Quelle vue magnifique…
Le rideau tombe…
Les ténèbres se dissipent…
|