Le vent se leva.
Des bourrasques d’air frappaient les volets, qui venaient se percuter contre la grande fenêtre.
-Pourquoi me dites-vous cela…je n’ai aucun lien de sang avec vous, répliqua Camille.
Geoffroy se leva. Sa cape blanche frôlait le parquet, sans jamais le toucher.
Il posa son front et sa main sur la vitre. La froideur de celle-ci se propagea dans tout son corps, apaisant un feu intérieur.
Il prit une profonde inspiration.
-Effectivement, vous n’avez aucun lien de parenté avec moi.
Camille le regarda, pourquoi cet homme lui disait t-il cela ? Elle, une descendante des templiers ?
Son cœur se serra. Elle admirait ces soldats du christ, pour leur bravoure, leur courage et leur sens de la loyauté. Ils étaient exceptionnels, alors comment aurait-elle pu en faire parti, elle qui n’avait rien de tous cela, elle qui se contentait de tout regarder de loin. Comment ?
Geoffrey se retourna :
-Damoiselle, vous avez tort. Le même sang coule dans nos veines, celui des templiers !
-Alors, j’ai un ancêtre templier, c’est bien cela ?
Geoffroy approuva d’un hochement de tête.
Camille se leva et marcha vers sa bibliothèque, sous le regard interrogateur du précepteur de l’ordre.
D’une main experte, elle parcourut les volumes de ses doigts, s’attardant sur l’un, puis sur l’autre.
Le regard vague, elle semblait chercher quelque chose, que ces doigts n’arrivaient point à trouver. Soudain, sa main se raidit. Trouvé.
Lorsqu’elle se retourna, Geoffroy remarqua qu’elle tenait une statue tout contre elle.
Camille s’approcha du jeune homme, jusqu'à ce qu’elle puisse sentir sa respiration dans ces cheveux. Geoffrey tenta de reculer, mais il se heurta à la fenêtre, qu’il avait oublié momentanément.
Il baissa les yeux, la jeune fille releva la tête. Leurs pupilles se fixèrent un long moment.
-Alors, dit Camille avec calme, Qui est donc cet homme malchanceux, dont je suis l’héritière ?
Le visage de Geoffroy se ferma complètement. Camille ne le quitta pas des yeux, jusqu'à ce qu’il daigne lui répondre :
-Jacques de Molay, dit-il avec difficulté.
Camille recula, pétrifiée. Jacques de Molay, le dernier maître du Temple. Celui qui mourut sur un bûcher.
Elle heurta sa bibliothèque. Des livres s’affaissèrent sur le sol, faisant voler des feuilles qui allèrent s’échouer à terre.
Lorsqu’il avait prononcé ses mots, Geoffroy avait levé ses yeux vers elle. Des yeux noyaient dans le souffrance.
Sans y penser, elle lui posa une main sur le bras.
-Geoffroy, reprit-elle d’une voix douce, c’est vous qui êtes mort aux côtés de Jacques de Molay le 18 mars ?
- Oui, murmura-t-il.
Une ombre d’angoisse passa dans son regard comme si il revivait les flammes et la mort.
Sa main serrait maintenant celle de Camille comme si sa vie en dépendait. Son regard se planta dans le sien. Des flammes, Camille pouvait voir des flammes s’agitaient dans ses yeux.
Vous devez nous aider, dit-il dans un murmure qui ressemblait à un cri de grâce.
Camille le repoussa sans ménagement, un frisson de peur lui parcourut le dos. Elle trouvait cette histoire moins marrante maintenant.
Sentant, le revirement de situation, Geoffroy, inquiet, voulut s’approcher d’elle.
Il regrettait d’avoir laisser transparaître ces émotions, maintenant la peur se lisait sur son visage.
-Qu’attendez-vous de moi ?, dit-elle soudain.
Geoffroy s’arrêta consterné. Cette jeune fille arrivait à faire l’impasse sur sa peur, aussi bien que lui. Etonné, il la contempla longuement, quelles autres capacités possédait-elle ?
- Dis donc monsieur le templier, je vous est posée une question ?
Retrouvant ses esprits, il s’inclina :
-Mes excuses, damoiselle.
Camille se détendit un peu et s’assit sur le rebord de son lit :
Avant que vous répondiez à ma question, je voudrais savoir pourquoi vous m’appelez « Damoiselle » et pas « Camille » ?
Retrouvant son assurances, le précepteur lui répondit qu’il ne le pouvait pas, hiérarchie oblige. Etant la descendante de jacques de Molay, cela faisait d’elle son supérieur et son maître.
Peut-être préfériez-vous que je vous appelle « maîtresse », damoiselle ?
Euh…non ,dit-elle mal à l’aise, pas la peine.
Puis-je vous appelez « ma lady », alors ?
Euh…il n’y a pas mieux je suppose, alors va pour ça.
Comme il vous plaira ma lady.
Camille frissonna, « ma lady », cela lui donné un sentiment de pouvoir très agréable.
Elle s’écrasa la main sur le visage. Agréable. Elle était devenue folle.
Geoffrey, s’il vous plait, appelez moi « Camille » ou ne m’adresser pas la parole, compris ?
Le jeune homme hésita un moment.
Très bien. Puis-je vous communiquer vos obligations ?
Oui, allez-y.
Durant tout la période où son apparus les templiers, il y eût 24 maîtres de l’ordre. A neuf d’entre eux, on donna un médaillon, identique à celui que vous avez trouvé et à celui que je vous ais donné. Ces médaillons donnent accès au trésor des croisades, que nous avons amassés, il y a longtemps.
Si une personne arrivait à s’en emparer, cela serait une véritable catastrophe.
Et où est le trésor ?, demanda camille.
En Terre Sainte, répondit-il.
Et personne ne l’a encore trouvé ?
Non, car seul un templier en connaît l’ emplacement précis.
Donc vous savez où il se trouve ?, conclu-t-elle.
Oui, tout comme vous, dit-il calmement.
Ah mais non, je ne sais pas où il se trouve.
Tout à coup, un souvenir s’imposa à son esprit. Les images défilaient avec autant de clarté que devant un livre ouvert : Un Temple, un homme, un médaillon, et…le trésor !
Puis une porte, et une vieille ville. Ensuite, plus rien.
Geoffroy s’était approché d’elle, et tenait sa main.
- Camille, dit-il inquiet, allez-vous bien ?
Camille porta une main à son front :
- Oui, je crois, merci.
Puis-je continuer mon récit ?
Je vous en pris.
Voyons, où en étais-je ?, ah oui, ce trésor, doit être détruit.
Détruit ! mais pourquoi ?
Si une personne prend connaissance du contenu du trésor, elle le divulguera au monde. Seulement votre monde n’est pas prés à en supporter le poids, ni les conséquences.
Que contient le trésor ?, demanda-t-elle soudain anxieuse.
Des pierreries, des babioles et des parchemins en petite quantités, qui réunissent nos connaissances, nos vies, nos inventions, et…nos découvertes.
Que sont ces découvertes et sur quoi portent-t-elles…
…je peux juste vous dire que cela remet en cause la seule chose en laquelle les hommes croient aveuglément.
Camille resta un moment sans parler. A vrai dire, même si elle avait voulu dire quelque chose aucun mots ne serraient sortis de sa bouche.
Geoffroy reprit son récit et Camille l’écouta attentivement :
Lorsque vous aurez réunis les neuf médaillons, nous nous rendrons là où repose le trésor. Sauf qu’une porte bloque le passage, pour l’ouvrir il vous faudra insérer dans les bons emplacements chaque médaillon.
Et où sont les médaillons ? j’ai le tiens et celui de Jacques. Mais où sont les autres ?
Très facile, au cou de leurs propriétaires.
Camille le regarda incrédule. Les médaillons étaient donc avec des morts. Des morts.
Je ne vais tout de même pas profaner leurs tombeaux !, s’indigna Camille.
Non certes, nous remonterons le temps .
La jeune fille manqua de tomber à la renverse. Comme si on pouvait remonter le temps !
Camille réfléchit un instant et hésita. Elle discutait bien avec un fantôme, mort il y a 695 ans, brûlé vif. Alors pourquoi ne pourrait-on pas remonter le temps !
Elle éclata d’un rire nerveux.
Geoffroy la regarda, désemparé :
- Je vous raconte la stricte vérité, Camille, alors ne prenez pas mes paroles à la légère je vous prie.
Désolé, dit-elle gênée. Mais vous pouvez vraiment remonter le temps ?
Oui, répondit-il fièrement, grâce à cela !
Il détacha la courroie de son épée et la tira de son fourreau.
-Regardez attentivement le pommeau, s’il vous plait.
Camille s’approcha pour mieux voir :
Le pommeau en or était ovale. Les diamants incrustés en son centre, formés une croix, brillante de milles feux.
Camille regarda plus intensément et s’aperçut que l’on pouvait dévisser le pommeau.
Sous le regard amusé du précepteur, il l’invita à le dévisser. Ce qu’elle fit avec joie.
Lorsque cela fut fait, elle prit le pommeau dans sa main et regarda dedans. N’y voyant rien, elle le tapota sur sa main.
Des cristaux y rebondirent. Leurs couleurs vermeilles, lui fit tout de suite penser à du sang. Camille les fixa avec attention, lorsqu’ une ombre traversa l’un d’eux.
Etonnée, elle regarda plus attentivement, l’ombre avait prit place dans un autre cristaux.
Etonnant, n’est ce pas ?
Ah ça oui ! Qu’est-ce donc ?
Ce sont des cristaux de Sthral.
Devant le regard interrogateur de Camille, Geoffroy précisa :
C’est du sang de dragon fossilisé.
De dragon ! c’est une blague ?
Non, il y a longtemps lorsque nous sommes arrivés en Terre sainte, chacun de nous à rencontrer comme par magie dans les moments les plus sombres, un vieillard. Celui-ci traîné toujours derrière lui, un squelette de la taille de quatre chevaux, celui d’un dragon, enlacé par des cordes d’or. Quand nous prenions ceci pour un mirage, le squelette, de ces orbites, nous regardait et soudain nous nous retrouvions couvert d’eau. Lorsque nous reprenions nos esprits, nous retrouvions chacun devant nous une lettre et une petite bourse, pleine de ces cristaux rouges.
Que disait la lettre ?
« Si dans un lieu tu dois aller, à terre les cristaux tu dois poser, pour enfin pouvoir t’envoler. Signé Sthral et le vieillard.»
Camille posa sa tête sur ces genoux et réfléchit :
Très bien, c’est d’accord. J’accepte de vous aider, mais je le fait en mémoire de mon ancêtre.
Cela va de soi. Nous partiront demain pour le nord de Gaza. Et nous arriverons le 17 octobre 1244. Cette date me semble être la meilleure, pour avoir une chance de trouver notre premier templier Armand de Perigord, là-bas se déroulera sa bataille, celle de Forbie.
Une bataille ! mais…
Ne vous inquiétez pas, je serais là pour vous protéger. Je viendrais à l’aube, s’il vous plait, tenez-vous prête .
Qu’est-ce que je dis à ma famille ?
Laissez moi faire, je m’occupes de tous. Vous n’avez plus qu’a vous reposez, le voyage sera long et pénible. Je vous souhaite la bonne nuit, dit-il en s’inclinant.
A demain.
L’homme recula jusqu'à la fenêtre et disparut, laissant dans la pièce la jeune fille en proie à d’horribles pensées. |