Voilà un addendum à la vieille « Malédiction de Mahal-Deu-Thet
Autrefois, avant même que l’île des Cinq Sages fut découverte par les premiers explorateurs de Vesperae, un peuple de bâtisseurs régnait sous l’égide de rois considérés comme des demi-dieux. Il était par conséquent dans l’intérêt de ces rois d’encourager la piété du peuple qu’ils gouvernaient. C’est pourquoi les prêtres jouissaient d’une influence considérable.
Mais tout cela était décidément trop sérieux pour un prêtre du nom de Mahal-Deu-Thet. Fatigué de la noirceur morbide dans laquelle se complaisaient ses collègues, Mahal-Deu-Thet s’engagea dans une croisade désespérée : faire de la religion quelque chose de ludique et de léger. Finies les prières et les lamentations d’auto-flagellation.
Bien évidemment, les autres prêtres tentèrent de se débarrasser de Mahal-Deu-Thet, mais celui-ci, s’il ne sortit pas toujours indemne des multiples attentas dont il constituait la cible, conservait toujours son humour et sa distance. Et, ce faisant, son cercle d’allié et d’amis s’élargit.
L’un de ces amis n’était autre que Sinusith, le fils du roi d’alors, Migrehn II. Et lorsque Sinusith devint roi à son tour, il nomma Mahal-Deu-Thet Grand Prêtre … au grand dam des autres candidats plus âgés.
Le clergé se divisa alors, et avec lui le peuple entier. D’un côté, les partisans de Mahal-Deu-Thet, pacifistes, tentèrent de résoudre les conflits par le dialogue. De l’autre, les traditionnalistes, menés par les prêtres les plus conservateurs, utilisèrent le langage des armes. Chacun des deux camps tenta d’imposer sa doctrine, tant et si bien que le pouvoir royal fut complètement dépassé par les évènements. Dans le pays, c’est le « Serpent » contre le « Cercle » : les partisans de Mahal-Deu-Thet utilisaient le Serpent comme emblème (symbole de l’hilarité : à l’époque les habitants de l’île utilisaient les serpents comme animaux de compagnie, car ils les faisaient beaucoup rire, semblait-il – comme quoi, il faut toujours se méfier de la chaleur du soleil, surtout quand on ne porte pas de casquette). Quant aux prêtres de « l’ancienne école », menés par le vieil Haspirihn, ils portaient sous un rond sur leur djellaba, symbole du Dieu-Soleil.
Malheureusement, malgré les nombreuses ruses de Mahal-Deu-Thet (l’une de celle-ci consistait à changer l’apparence des êtres vivants, ce qui jetait la confusion dans les rangs ennemis, déclenchant l’hilarité du camp d’en face), le parti conservateur remporta la guerre civile. Les prêtres renversèrent Sinusith et lui infligèrent maints supplices, à lui et à la reine Amenopoz (crucifixion, écartèlement, pendaison, décapitation, et chatouille des dessous de bras). Quant à Mahal-Deu-Thet, il fut momifié vivant, ce qui ne dois pas être très agréable, il faut le reconnaître.
On raconte que pendant le supplice, Mahal-Deu-Thet n’a cessé de raconter à ses tortionnaires des blagues à deux balles (l monnaie du pays : des ballots de blé, ou, plus familièrement, « balles »). Ceux-ci devinrent fou, et finirent pas se donner la mort, incapable dès lors d’aborder la vie avec sérieux.
Puis Mahal-Deu-Thet fut enfermé dans un sarcophage d’un noir d’encre, ce qui, pour les prêtres, avaient une signification funeste : le noir absorbait la lumière du Dieu-Soleil, lequel ne pouvait dès lors conduire l’âme de Mahal-Deu-Thet dans l’au-delà. Le prêtre blagueur était condamné à rester dans cette « semi-vie » jusqu’à la fin des temps.
Mais la légende de Mahal-Deu-Thet ne s’arrête pas là.
Lorsque les premiers explorateurs abordèrent, bien des siècles après, l’île de Minghelle, et découvrirent la Pyramide, dernière trace de ce peuple de bâtisseurs, ils furent les témoins de faits étranges. L’un après l’autre, les explorateurs disparurent dans des circonstances mystérieuses. On raconte que leurs corps se déformaient en d’ignobles caricatures d’eux-mêmes. Les survivants, qui revinrent en Vesperae, avaient selon les dires de leurs proches, « quelques chose de changé ». i il paraît même que plusieurs d’entre eux s’échangèrent leur femmes ou leurs maris, d’un commun accord semble-t-il.
Les natifs de l’île de Minghelle ont d’autres légendes qui ont aussi un rapport avec cette malédiction. Quiconque entre dans la Pyramide en ressort ave une autre apparence. Les premières victimes de cette malédiction ont tenté de conjurer le sort en se recouvrant de bandelettes, créant ainsi cette race de monstre que l’on rencontre à l’intérieur de la Pyramide. Mais cette précaution s’avéra inutile : leur corps, sous les bandelettes, subit des modifications atroces (quoiqu’assez marrantes, pour un observateur extérieur qui aurait pu voir à travers les bandelettes).
Bien entendu, les colons vesparaeens menèrent plusieurs expéditions afin de trouver – et de neutraliser – l’auteur de cette malédiction.
Il s’agit, bien évidemment, de Mahal-Deu-Thet.
Avis aux voyageurs qui souhaitent explorer la Pyramide : la momie de Mahal-Deu-Thet est grande, et ses bandelettes sont aussi noires que la matière dont son sarcophage est constitué. Un signe cabalistique circulaire est peint en blanc sur l’une des bandelettes de devant : il s’agit de l’emblème qu’adoptèrent les prêtres d’Haspirihn après leur victoire sur Mahal-Deu-Thet : le Dieu-Soleil emprisonnant le Serpent (et non deux tranches de pain de part et d’autre d’un steak haché, que beaucoup de soi-disant « experts en symbologie » ont cru déceler). Quiconque passe à portée de voix de la Momie de Mahal-Deu-Thet subit sa malédiction. Aussi, si vous voyer une momie répondant à cette description, fuyez en vous bouchant les oreilles ! Il est fortement déconseillé de l’attaquer : non seulement cela ne rapporte aucune expérience, mais en plus c’est complètement inutile : au fil des temps, la momie de Mahal-Deu-Thet à été brûlée, écrasée, découpée en morceaux et dispersée aux quatre vents, rien n’y fait, elle réapparaît au bout de quelque temps dans son sarcophage noir soigneusement cimenté à la paroi de la Pyramide.
Les Sages de L’Île prétendent qu’il y a un, voire plusieurs remède(s) à la malédiction, mais ces remèdes sont réputés dangereux.
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